NE LAISSER PAS LE 5G DETRUIRE VOTRE ADN Protéger toute votre famille avec les appareils Quantiques Orgo-Life® Publicité par Adpathway
Qu’est-ce qu’il peut y avoir de mieux que de se voir décerner une ou même plusieurs étoiles ? Surtout quand ces étoiles sont celles du fameux Guide Michelin et qu’on est restaurateur ? Et pourtant.
C’est jeudi que les éditeurs du prestigieux Guide Michelin doivent dévoiler leur première fournée d’étoiles attribuées à des restaurants québécois. En prévision de l’entrée du Québec dans le livre rouge, on a multiplié les histoires sur les efforts déployés pour le convaincre de s’intéresser à nous et sur les retombées espérées.
Certains ont noté que l’arrivée de la bible gourmande de la compagnie de pneus pouvait ne pas avoir que des côtés positifs. On dit craindre notamment que le processus d’évaluation fasse naître un climat malsain de compétition. On espère que la nouvelle clientèle, spécialement étrangère, attirée par une étoile ne chassera pas la clientèle habituelle et fidèle. On ne voudrait pas ensuite que la peur de perdre ses précieuses étoiles étouffe la créativité et l’originalité de nos artistes de la table.
La question ne pouvait pas ne pas finir par intéresser des experts patentés. Leur verdict est mitigé. Cela en a même amené certains à parler du « côté sombre » de l’étoile ou d’une « malédiction des étoiles Michelin ».
Et le gagnant est…
Grâce notamment aux plateformes numériques, les occasions de s’adonner à la critique culinaire et les lieux pour le faire n’ont jamais été aussi nombreux et à la portée de tous. Le Guide Michelin semble pourtant avoir conservé une valeur spéciale, non seulement dans le cœur des professionnels de la restauration, mais également pour leur clientèle gourmande.
Se voir décerner une étoile vaut aux restaurateurs, mais aussi à leurs ports d’attache, une publicité et une reconnaissance hors du commun, confirment les experts.
Du jour au lendemain, le nombre de réservations augmente et les listes d’attente s’allongent. De nouveaux clients, notamment étrangers, inscrivent ces tables parmi leurs destinations à ne pas manquer. Les restaurateurs peuvent alors se permettre d’augmenter leurs prix sans risquer de réduire cette affluence.
Lui-même primé d’un total de 32 étoiles pour ses différents restaurants, le célèbre grand chef français Joël Robuchon a dit, dans la revue Food and Wine en 2017, qu’une étoile augmentait le chiffre d’affaires de 20 %, deux, de 40 %, et trois, de plus de 100 %. Cela dépend quand même de l’endroit où vous vous trouvez, admettait-on, les marchés de Las Vegas ou Londres n’offrant pas les mêmes possibilités que des villes moins fréquentées par les gens riches et célèbres.
Un chercheur français qui s’est penché sur le cas de 172 restaurants étoilés, Olivier Gergaud, est arrivé à une estimation similaire au même moment. Il y était question d’une augmentation moyenne de revenu de 35 % la première année et de 80 % sur trois ans pour une troisième étoile, à la faveur notamment d’une hausse immédiate des prix de l’ordre de 25 % à 30 %.
Cette impressionnante augmentation de revenu ne se traduit toutefois pas par une hausse équivalente des profits, a constaté l’économiste français. La rentabilité commerciale des restaurants étoilés entre 2005 et 2008 ne dépassait pas, en moyenne, 2,65 %, et était donc à peine supérieure à celle de 2,18 % de 54 000 établissements n’ayant pas l’honneur d’apparaître dans le fameux guide rouge.
Une enquête de la radio-télévision publique francophone belge est arrivée plus récemment à un résultat plus sombre encore. Sur 20 restaurants belges étoilés en 2017, la moitié étaient dans le rouge l’année suivante et semblaient condamnés à le rester l’année d’après.
Des étoiles dans les yeux
C’est qu’une étoile Michelin vient avec des attentes en matière de niveau et de style de services offerts, explique-t-on. Sensibles à ces standards plus élevés de la clientèle — surtout la nouvelle —, les heureux lauréats sont portés à investir dans le décor et les cuisines de leurs restaurants, à se mettre en quête de produits plus rares et raffinés ainsi qu’à engager plus de personnel.
Il y a une dizaine d’années, la valeur moyenne des actifs totaux des restaurants analysés par Olivier Gergaud s’élevait ainsi à 207 000 euros pour les établissements qui avaient été complètement ignorés par le Guide Michelin. Elle atteignait le double (410 000 euros) pour ceux qui y apparaissaient simplement ou qui avaient une étoile. Et était sept fois plus élevée (1,4 million d’euros) pour les doubles et les triples étoilés. Les effectifs étaient, quant à eux, de deux à trois fois plus importants dans les établissements Michelin.
Les étoiles n’accrochent pas seulement le regard de la clientèle, a expliqué l’an dernier un expert américain en gestion, Daniel Sands, dans une étude sur les restaurants étoilés de New York. Devenus des stars, leurs chefs réclament des salaires de stars et sont de plus en plus distraits par toutes sortes d’autres activités, quand ils ne rendent pas carrément leur tablier pour aller ouvrir leur propre restaurant. Le reste du personnel se retrouve aussi en meilleure position pour négocier de meilleures conditions de travail.
Ils ne sont pas seuls à chercher à en profiter. Les fournisseurs se mettent aussi à être plus gourmands en échange de leurs produits, à l’instar des propriétaires d’immeubles, qui ne manquent pas cette occasion en or d’augmenter leurs loyers. Toujours prête à copier les formules gagnantes, la concurrence fait également tout ce qu’elle peut pour reproduire le succès des restaurants étoilés et attirer ne serait-ce qu’une partie de leur clientèle.
Ce cercle vicieux se révèle souvent difficile à briser, parce qu’aussitôt étoilés, les restaurateurs se mettent à avoir peur qu’on leur enlève leurs étoiles. La joie de la reconnaissance se voit ainsi rapidement remplacée par la pression de ne pas perdre la faveur des évaluateurs du Guide Michelin, qui reviennent en secret chaque année.
Les restaurateurs n’ont pas tort, parce que si l’ascension est fulgurante quand on est hissé au firmament du Guide Michelin, la chute peut être tout aussi brutale. La perte d’une étoile fait passer leur rentabilité d’un profit moyen de 3,3 % à une perte de presque 2 %, a observé Olivier Gergaud.
Les restaurateurs ont alors du mal à se résoudre à revenir à un train de vie plus modeste, constate la recherche sur les restaurants de New York. C’en est au point que les restaurants étoilés présentent un plus grand risque de faillite que les autres et que 40 % de ceux qui avaient reçu l’insigne honneur entre 2005 et 2014 avaient fermé leurs portes à la fin de 2019.
C’est peut-être ce qui a fait dire, les mois derniers, sur les ondes de Radio-Canada, à Antonin Mousseau-Rivard, chef du restaurant montréalais Le Mousso : « Une étoile peut-être. Sûrement, en fait. Mais pas plus. »