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Avec cette série, l’équipe éditoriale remonte la ligne du temps, du référendum de 1995 jusqu’à nos jours, et braque les projecteurs sur des personnalités québécoises dont le legs a durablement marqué notre paysage sociopolitique. Aujourd’hui : Gabriel Nadeau-Dubois et le printemps étudiant.
« J’annonce que notre gouvernement haussera les frais de scolarité universitaires à compter de l’automne 2012. » Le 30 mars 2010, le ministre des Finances, le libéral Raymond Bachand, confirme que son gouvernement a l’intention de mettre à exécution un plan dont plusieurs, y compris les universités, rêvent depuis longtemps : augmenter les droits de scolarité. Dans les coulisses des cercles étudiants, où depuis 2009 on se prépare à cette éventualité, cette étincelle viendra embraser ce qu’on appelle encore le printemps étudiant.
Au plus fort de la grève générale, quelque 310 000 étudiants ont choisi de claquer la porte des classes pour protester de manière concrète contre l’augmentation des droits de 1625 $ sur cinq ans. De manière plus philosophique, ils défendent l’accessibilité aux études et dénoncent le modèle économique prôné par les libéraux de Jean Charest, alors au pouvoir. Chaque soir, pendant des semaines, des milliers de manifestants sillonnent les rues, à Montréal, mais aussi ailleurs à travers le Québec. Le 22 mars 2012, plus de 100 000 personnes se font entendre. Des casseroles citoyennes s’ajoutent au mouvement d’indignation collective que cette mobilisation a réussi à réveiller.
Le contexte ambiant favorise le bourgeonnement de cette indignation. Au Royaume-Uni, au Chili, des mouvements de protestation semblables ont fait grand bruit. Le monde arabe est en ébullition avec le soulèvement des Égyptiens en 2011, ce qui dessinera les contours du Printemps arabe. La même année, le mouvement Occupy pointe les inégalités économiques et sociales et la concentration des richesses entre les mains de 1 % de la population. Ce cadre international a donné un élan à l’indignation étudiante québécoise.
Treize ans après les événements, le mouvement de grève étudiante de 2012 demeure l’un des épisodes les plus marquants de l’histoire politique québécoise contemporaine. En six mois de mobilisation historique, les étudiants affrontent un gouvernement déterminé à ne pas leur céder le moindre pouce, ce qui culmine d’ailleurs par l’adoption, le 18 mai, de la « loi 78 », une loi spéciale forçant le retour en classe. La population est divisée, à l’image du bras de fer des étudiants contre le gouvernement. Dans un camp, il y a ceux qui adhèrent à la lutte des étudiants et voient dans ce soulèvement des jeunes une indignation justifiée et formatrice. Dans l’autre camp, il y a ceux qui estiment que les droits de scolarité sont un investissement des étudiants pour leur propre avenir et qui dénoncent les sursauts de désobéissance civile que certains groupes étudiants cautionnent, au grand dam du gouvernement.
Dans cette effervescence, un visage et une voix se détachent du lot. Étudiant au baccalauréat en histoire, culture et société à l’UQAM, Gabriel Nadeau-Dubois devient une des figures de proue du printemps étudiant. Articulé, charismatique, passionné, le jeune homme de 21 ans est l’un des porte-parole de la Coalition large de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE). Rapidement, les médias s’agglutinent autour de lui — et ses collègues Martine Desjardins, Léo Bureau-Blouin et Jeanne Reynolds. Il dénonce les politiques du gouvernement Charest, l’« éducation marchandise » et les « écoles laboratoires ». La colère étudiante est une victoire contre « le cynisme et l’impuissance », clame-t-il, décrétant déjà en 2012 que la capacité des jeunes à se mobiliser est en train de créer l’« un des plus beaux mouvements collectifs de l’histoire du Québec ». Il n’avait pas tort. Dans l’élaboration de sa critique sociale, celui qu’on appellera GND dégage un leadership authentique qui lui servira ensuite de formidable tremplin pour sa carrière politique.
Quelles sont les leçons de ce printemps étudiant ? Il a mis en lumière le pouvoir de la mobilisation citoyenne et a contribué à politiser toute une génération, la révélant sous un jour engagé et conscient des enjeux sociaux. Il a également tracé les limites au-delà desquelles le pouvoir exécutif pouvait aller sans être taxé de mépriser la jeunesse. En maintenant la ligne dure quant aux revendications étudiantes et en ne parlementant pas avec les groupes en les traitant d’égal à égal, le gouvernement libéral a échoué à maintenir un dialogue basé sur le respect.
L’imposition d’une loi spéciale encadrant le droit de manifester a irrité la population, qui a choisi ensuite d’élire le gouvernement du Parti québécois. On retiendra de ce printemps étudiant qu’une mobilisation citoyenne organisée peut infléchir les politiques gouvernementales et, en ce sens, il s’agit d’une extraordinaire leçon de culture démocratique.
La voix lucide de Gabriel Nadeau-Dubois s’est fait entendre de cet épisode fondateur jusqu’à son chapitre de député de Gouin pour Québec solidaire, fonction qu’il occupera jusqu’à la prochaine élection. Dans son parcours politique comme dans celui de leader étudiant, il sera demeuré fidèle à ses idéaux : la recherche de consensus, les luttes menées au nom de la justice sociale et le profond respect des processus démocratiques.
Ce texte fait partie de notre section Opinion. Il s’agit d’un éditorial et, à ce titre, il reflète les valeurs et la position du Devoir telles que définies par son directeur en collégialité avec l’équipe éditoriale.