Publié le 20 mai 2025 à 22:34. / Modifié le 20 mai 2025 à 22:34. 3 min. de lecture

Raconter l’Histoire comme on se raconte des histoires? Le télescopage sémantique des deux expressions est lourd de sous-entendus. Le sens commun a coutume de les opposer soigneusement l’une à l’autre. A-t-il toujours raison? Mais alors, pourquoi cette quasi-homonymie? La distinction du singulier (une seule Histoire, comme il n’y a qu’une vérité) et du pluriel (renvoyant à la capacité d’affabulation illimitée qui caractérise l’esprit humain) ne suffit certes pas à la désamorcer. L’actualité chaude le montre. Le 9 mai dernier, en célébrant les 80 ans de la victoire des alliés contre l’Allemagne hitlérienne, la Russie s’est livrée à une spectacularisation sans états d’âme de l’instrumentalisation de l’Histoire. Face aux caméras, l’hommage historique s’est mué le plus naturellement du monde en une pure et simple démonstration de force: celle d’un Etat en guerre, bien décidé à imposer sa vision du passé et du présent, au service d’une même destinée.

En tentant de faire siens les fils de la narration historique, la Russie s’est donc livrée à une nouvelle «opération spéciale» dont l’Histoire cette fois a fait les frais. S’approprier le passé n’est-il pas le corollaire indispensable de tout impérialisme? C’est donc à juste titre que les historiens ont dénoncé la grossièreté du procédé vu de ce côté-ci de l’Europe, où le savoir n’est pas pris en otage par le politique. Peuvent-ils pour autant faire fi des raisons politiques de leur propre camp, car la critique historique est-elle complètement à l’abri du contexte où elle s’énonce? Sa contre-narration n’est-elle pas au fond une narration de plus, certes d’une subtilité supérieure?

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