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La double peine

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Ce sera finalement l’histoire de Coralie Léveillé, la fille de Giovanni Apollo (à la une du Devoir de samedi dernier ; une accusation d’inceste à visage découvert), qui aura été la goutte de trop. Brave femme. Mon cœur saigne pour elle. Et pour toutes celles que j’accompagne en silence de mes prières et de mes oripeaux de courage depuis des lunes.

J’avais décidé de remettre sous le tapis cette désagréable expérience de mise au jour de ma propre histoire l’automne dernier. De ne plus revenir sur « l’après » de mon récit Presque vierge publié en septembre. Parce que « l’après » traduit le manque d’éducation au consentement tant dans la société civile que dans les médias. Ce fut une épreuve bien plus pénible que d’écrire le livre.

Après le torrent de confessions reçues, après les commentaires agressants sur les réseaux sociaux (dont certains furent retirés de la page de Tout le monde en parle), après ces messages en privé de collègues des médias, dont une animatrice de la société d’État qui insinuait que ce n’était peut-être pas un crime même si j’avais 15 ans et que mon prof avait trois fois mon âge, j’en ai eu assez. Sans oublier cette chroniqueuse forte en mâchoires, à la même antenne, qui en a déduit que j’avais séduit mon prof. Une lecture biaisée de Lolita.

Et cette question insidieuse : « Comment aurait-on pu te dissuader ? » Comme me l’a souligné une psy consultée pour traverser ce raz-de-marée de triggers et d’agressions supplémentaires : « La question serait plutôt : comment aurait-on pu le dissuader LUI ? ! L’adulte, c’était qui ? » Même devant un cas aussi patent d’abus, de pédophilie et de grooming, de consentement invalide, on jette le blâme sur la « pécheresse », sur celle qui ose bafouer le silence.

On m’a reproché d’avoir conservé les preuves (lettres et carnets) pour en faire un livre plus tard (femme vénale !), de m’être habillée en enfant de chœur pour aller en classe. C’est sûr. J’aurais été déguisée en Donald Duck, j’aurais été trop sexy. On a souligné que j’étais restée cinq ans sous son joug (donc, j’ai dû aimer ça !). Etc., etc. C’est affligeant de bêtise ou d’ignorance, voire les deux.

Nous faire taire

C’est la psychiatre Marie-Ève Cotton qui m’a parlé de ces réactions classiques de DARVO (Deny, Attack, Reverse Victim and Offender) face aux victimes d’agressions sexuelles.

On n’a qu’à voir les questions posées à Gisèle Pelicot par les avocats de la défense, tentant de la rendre complice des crimes de son ex-mari dans l’affaire Mazan. Même endormies, nous sommes encore lubriques et possiblement consentantes. On n’a qu’à écouter les attaques de l’avocat de Gérard Depardieu contre les victimes de son client condamné. Le tribunal a dénoncé la victimisation secondaire.

[…] où sont les hommes ? Il n’y a presque que des femmes pour soutenir Gisèle pendant ces semaines de procès […] est-ce qu’ils pensent que tout cela ne les regarde pas ?

— Caroline Darian, Pour que l’on se souvienne

Tout comme je l’ai vécu — sans être passée par la justice —, ces femmes ont dû se sentir salies, avoir la nausée, regretter de s’être portées volontaires pour dénoncer et, surtout, pour que ça change.

Mais pour que ça change, pour éviter cette double peine qui n’est pas le seul fait des policiers ou des procureurs, il faudra éduquer au consentement. Ce que tente notamment de faire Léa Clermont-Dion avec la campagne On s’écoute, sur les violences sexuelles dans le milieu de l’éducation supérieure. Malheureusement, le grooming (pédopiégeage) commence parfois avant le cégep. Encore récemment, une mère désespérée m’écrivait que sa fille éprise de son prof sexagénaire au secondaire avait déménagé avec lui dès qu’elle avait eu 18 ans en décembre dernier. Mon livre a servi de déclencheur aux aveux. Trop peu, trop tard.

Comme me l’a écrit une prof en sexologie à l’université depuis 25 ans (elle aussi abusée durant deux ans par un prof au secondaire), le milieu de l’éducation supérieure défend bec et ongles ce droit de cuissage informel entre profs et étudiantes. Le féminin est voulu et, oui, j’ai vu la série Chouchou. J’interpelle ici les ministres Pascale Déry et Bernard Drainville. Et rappelons que le consentement d’un mineur est invalide avec une personne en situation d’autorité. L’amour s’avère aussi invalide même si le vouvoiement est de rigueur.

La victimisation secondaire désigne les souffrances supplémentaires que subissent certaines victimes, non du fait de l’auteur de l’infraction, mais de la manière dont elles sont traitées par les institutions : auditions répétées, interrogatoires déplacés, propos moralisateurs, absence de prise en compte d’éventuelles vulnérabilités. Ces violences procédurales peuvent avoir des effets profonds, durables, parfois plus destructeurs que le contentieux lui-même.

— Me Alexandre Lazarègue, Le Monde, 20 mai 2025

Et ce n’est pas une question d’époque. La comédienne Julie Perreault nous apprenait récemment au micro de Jean-Sébastien Girard que sa mère, mineure, avait quitté l’école secondaire pour suivre son prof de chimie et fonder une famille. Elle avait trois enfants à 19 ans. « Il ferait de la prison aujourd’hui ! » dit-elle en rigolant à propos de son père. Ce n’était pas plus légal dans les années 1970, qu’elle se rassure. Et encore aujourd’hui, il échapperait probablement à la prison.

Pour que la honte change de camp

Tiens, ça me rappelle un détail que j’avais oublié dans cette saga : mon pédocriminel avait un matelas simple déposé dans un coin de son bureau du cégep, au sol. C’est une lectrice qui l’a eu comme prof de philo qui me l’a rappelé. En effet, comment ai-je pu effacer cette image incriminante ? L’invite silencieuse, la possibilité de, la sieste crapuleuse en toile de fond. J’ai appris au fil de mes recherches que j’avais été victime d’exploitation sexuelle. En ces termes, la relation paraît moins romantique.

Depardieu, Apollo, Rozon, Pelicot, Le Scouarnec (pédophile chirurgien français), Weinstein, Epstein, Miller, Matzneff, DSK, et j’en oublie. Tous des hommes dénoncés. Christine Angot, Vanessa Springora, Neige Sinno, Caroline Darian, Camille Kouchner, Emmanuelle Béart, Lucile de Pesloüan, je les ai toutes lues, entendues, vues.

« Je cherche des clés. Je cherche des histoires qui finissent bien », écrit Lucile dans son bouleversant Tout brûler sur l’inceste avec son père. Impunité. Trop tard. Le droit de prescription existe encore en France. « Nier la violence, c’est y participer. »

les agresseurs et les complices traumatisent les victimes les agressions et les menaces traumatisent les victimes les silences et les secrets traumatisent les victimes je hurle je pleure de devoir le marteler

— Lucile de Pesloüan, Tout brûler

Toujours, on recherche des victimes parfaites, comme des mères et des épouses modèles. Le système patriarcal, son discours dominant, sa façon de penser l’offense, la séduction, les pulsions sexuelles, l’offre et la demande, le commerce, les aguicheuses et les chasseurs, tout cela contribue à perpétuer un crime encore plus traumatisant : celui de ne pas être crues et de devoir se défendre, d’être incitées au silence.

J’ai envie de hurler en leur nom.

[email protected]

Instagram : josee.blanchette

JOBLOG — Films d’ici et promesses tenues

Cultivons-nous localement ? Deux suggestions. Le très beau Tu te souviendras de moi d’Éric Tessier, avec Rémy Girard jouant le rôle d’un historien qui perd la mémoire. Son monologue diffusé sur YouTube par son aidante (excellente Karelle Tremblay) est un plaidoyer pour le lien social, l’espoir de nous voir renouer malgré nos écrans. L’aspect de cette amitié transgénérationnelle n’est pas pour me déplaire non plus. Coup de cœur sur Tou.tv Extra.

Et si vous avez encore besoin d’espoir dans l’obscurité, le film La promesse d’Irena de Louise Archambault raconte l’histoire de cette infirmière polonaise (jouée par Sophie Nélisse) qui cachera onze juifs chez le major allemand chez qui elle est assignée comme gouvernante durant la Seconde Guerre mondiale. Tiré d’une histoire vécue, poignante, il révèle une dimension du courage peu commune : placer l’étranger devant soi au péril de sa vie et en toute connaissance de cause. Nous sommes forcés de nous demander ce que nous aurions fait à sa place. En VSD.

Adoré le livre de Lucile de Pesloüan Tout brûler. Parce qu’elle porte plainte contre son père trente ans après les faits, Stella devient la brebis galeuse dans cet ouvrage à la fois poétique par la forme, en vers libres, et romanesque par le fond, par la progression. Une amie victime d’abus à un très jeune âge l’a trouvé libérateur. Moi aussi.

Lu Caroline Darian, fille de Gisèle Pelicot, qui dénonce haut et fort son géniteur dans Pour que l’on se souvienne. On se rappellera qu’on a découvert deux photos d’elle en sous-vêtements qui ne lui appartenaient pas, endormie, dans les milliers de photos de l’ordi de Dominique Pelicot.

Il y a une série de « true crime » à faire avec cette histoire qui dépasse largement le procès Mazan et remonte à bien avant, avec des histoires de viol (ou tentative de) et de meurtre ayant le même modus operandi attribués à Pelicot. La justice a égaré certaines preuves…

Caroline est en colère ; une colère qui porte le nom d’inceste. On n’a pas fini d’entendre parler de cet homme au passé de psychopathe.

Pour comprendre davantage les implications incestueuses tout au long du procès, tant chez les victimes que chez les accusés, le livre de la philosophe Manon Garcia Vivre avec les hommes. Réflexions sur le procès Pelicot apporte un éclairage sur le système de justice (manque criant d’argent et de moyens pour traiter ces plaintes correctement) sur le consentement et sur les violences sexuelles. L’autrice de On ne naît pas soumise, on le devient hurle sa colère elle aussi tout en réfléchissant au consentement.

Ce texte fait partie de notre section Opinion, qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.

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