Cette semaine, le Québec commémore deux journées importantes : le 19 mai, Journée nationale des patriotes, et le 20 mai, 45^e anniversaire du référendum de 1980. Deux gestes fondateurs issus d’un même combat : affirmer le droit d’un peuple à exister selon ses propres valeurs. C’est dans ce même esprit que nous lançons aujourd’hui, à la Maison Ludger-Duvernay, La différence québécoise : un projet présentant une banque de données en libre accès accompagnée d’un ouvrage de recherche illustrant la singularité de ce que nous sommes, de nos choix et de leurs résultats.

De 1837 aux défis d’aujourd’hui

Les patriotes de 1837-1838 ont été les premiers à poser ouvertement les bases de ce droit national. Leur Déclaration d’indépendance du Bas-Canada revendiquait la souveraineté nationale populaire et une conception universelle de la justice et de l’égalité, en y incluant les Premières Nations et les étrangers luttant à leur côté pour la liberté commune. Cette lutte acharnée contre l’impérialisme britannique posait déjà une question centrale : une nation peut-elle s’épanouir pleinement au sein d’un régime qui ne reconnaît que la légitimité de sa propre manière de voir le monde ?

Les référendums, dont celui du 20 mai 1980, menés pacifiquement, ont prolongé ce combat. Refusant le multiculturalisme canadien, notre nation a édifié son propre État sur des valeurs de liberté, d’égalité et de coopération.

Québec et Canada : deux conceptions fondamentalement distinctes

C’est là que s’illustre une fracture profonde entre le Canada et le Québec. Le Canada s’inscrit dans une tradition libérale anglo-saxonne, où la liberté individuelle prime sur les considérations collectives. Le Québec, héritier de l’universalisme français et de l’influence de ses alliés autochtones, mise sur le nécessaire équilibre entre droits collectifs et droits individuels.

Cette approche québécoise s’exprime de façon concrète : la famille québécoise accorde une importance à l’implication équitable des deux parents qui mettent l’enfant au cœur de leur famille. Notre économie mise sur la diversité : coopératives et syndicats cohabitent avec l’entreprise privée qui, ensemble, interagissent avec l’État. L’apprentissage de la langue et le respect de ce que nous sommes, incluant la laïcité, sont des conditions pour devenir Québécois.

Ce contrat social a permis également la création des services publics parmi les plus généreux d’Amérique du Nord, pour tout le monde. Cette réalité favorise notamment le meilleur taux d’emploi pour les femmes et pour les personnes immigrantes, la meilleure préservation des langues autochtones, le taux de pauvreté et de criminalité le plus bas au Canada.

Nous affirmons ainsi la pérennité de notre existence nationale et la capacité de réaliser nos aspirations.

Cette conception du monde entre parfois en contradiction avec des libertés individuelles, une réalité incompréhensible pour un régime de tradition britannique misant sur l’individualisme et le communautarisme.

Menace existentielle et souveraineté

Le Canada a cependant récemment pris conscience de la notion de souveraineté. D’un côté de la bouche, il semble reconnaître le caractère précurseur du Québec, sans toutefois l’avouer, en réempruntant même ses propres mots, mais dans une toute nouvelle perspective : celle de la protection de son intégrité territoriale et non de la souveraineté nationale populaire, faut-il le rappeler. « Masters in our own house », dit-il maintenant.

De l’autre côté de la bouche, il ne peut s’empêcher de rejeter les revendications les plus banales d’un État national comme le Québec, telles que le choix de ses propres juges. Une situation nous mettant à la merci d’une hégémonie judiciaire libérale, allergique à l’affirmation de toute existence nationale. Un obstacle supplémentaire à la capacité de faire nos propres choix, en fonction de nos spécificités.

Assumer ce que nous sommes

Dans un Occident polarisé et chargé d’idéologie, le simple fait de prononcer certains mots, ou d’évoquer des « faits », vient à déranger.

La différence québécoise ne cherche pas ici à plaire, mais à présenter un portrait, toujours imparfait, mais le plus proche possible de la réalité, fondé sur l’information qui nous est accessible aujourd’hui.

Ce projet, rendu possible grâce à plusieurs partenaires, dont l’Institut de recherche sur le Québec, rendra accessible un corpus de plus de mille données issues de tous les domaines comparant le Québec avec des sociétés connexes comme le Canada. Ces informations, qui nous accompagnent quotidiennement dans l’actualité, permettront de stimuler le milieu de la recherche en y ouvrant un nouvel horizon. Il offrira également des outils pour les acteurs de notre société civile qui œuvrent au meilleur de la société québécoise, en plus d’offrir aux acteurs politiques une finesse d’analyse concernant nos aspirations collectives afin d’inspirer leurs politiques publiques. Finalement, peut-être de manière encore plus importante, il offrira aux Québécois présents et futurs, une connaissance approfondie de la nation dans laquelle ils se trouvent. Un portrait plus juste de nous-mêmes.

La poursuite d’une lutte

Le Québec n’est ni meilleur ni pire que les autres. Il est simplement lui-même. Une nation issue d’un territoire, d’une langue et d’une histoire qui lui sont propres.

Prendre conscience de ce que nous sommes, des patriotes de 1837, en passant par ceux de 1980, jusqu’aux batailles d’aujourd’hui, contribue à illuminer notre existence.

En plus d’être un droit fondamental, la différence québécoise enrichit la diversité des cultures dans le monde. C’est pourquoi elle est précieuse et elle mérite d’être valorisée et défendue. La meilleure façon d’honorer nos patriotes est de poursuivre leur combat face aux nouveaux défis qui se dressent devant nous. À ce titre, chacun d’entre nous peut jouer un rôle.

Faisons vivre cette différence, aujourd’hui et pour les générations à venir.

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