NE LAISSER PAS LE 5G DETRUIRE VOTRE ADN Protéger toute votre famille avec les appareils Quantiques Orgo-Life® Publicité par Adpathway
Ce texte est la réponse à la question d’un lecteur envoyée à l’équipe du Courrier des États-Unis. Pour vous abonner gratuitement, cliquez ici.
J’ai cru comprendre que les juges de la Cour suprême qui se disent « originalistes » ont tendance à favoriser une interprétation de la Constitution respectueuse de l’intention exprimée originalement par ses auteurs. Se pourrait-il que, sur des enjeux, ces juges d’allégeance républicaine soient enclins à s’opposer à l’actuel président si celui-ci se trouve en porte-à-faux sur certains textes de loi ?
— Pierre Jalbert
La Cour suprême est censée être l’un des remparts contre les dérives de l’exécutif et de la branche législative du gouvernement américain. Ses juges ont plusieurs tâches, dont celles d’interpréter la Constitution et d’invalider les lois et les décrets qui la transgressent.
Comme notre lecteur Pierre Jalbert, plusieurs se demandent si cette Cour actuellement dominée par une majorité de juges (six sur neuf) nommés par des présidents républicains — dont trois par Donald Trump lui-même, lors de son premier mandat — sera complaisante envers ce dernier ou si elle lui tiendra tête quand ses décrets se heurteront de plein fouet au texte et aux objectifs de la Constitution.
La réponse n’est pas simple, et dépendra de plus d’un facteur, selon des experts en politique et en droit constitutionnel américain qu’on a consultés.
Partisans, mais indépendants
« La Cour suprême penche à droite et est politiquement divisée, mais pas à 100 % », répond d’abord Thomas Keck, professeur de science politique à l’Université de Syracuse.
Il est vrai qu’elle a rendu des décisions en faveur de Donald Trump à plus d’une reprise, mais ses juges ont beaucoup d’indépendance et sont nommés à vie : il est presque impossible de les démettre de leurs fonctions, rappelle ce spécialiste de la Cour suprême. Ils n’ont donc pas besoin d’être serviles envers le gouvernement en place pour rester en poste.
D’ailleurs, les juges républicains du plus haut tribunal des États-Unis ne se limitent pas à agir comme des partisans dévoués, dit-il au téléphone depuis l’État de New York. La professeure Ellen Key est du même avis. Celle qui enseigne au Département des études judiciaires et gouvernementales de l’Université d’État des Appalaches, en Caroline du Nord, ne croit pas que la Cour suprême va appuyer aveuglément les changements législatifs proposés par le président — même si l’on peut s’attendre à ce que l’idéologie de ses juges majoritaires joue un rôle, ajoute-t-elle.
L’originalisme mis à mal
Ces commentaires préliminaires faits, reprenons la question de notre lecteur : peut-on s’attendre à ce que les juges originalistes soient plus enclins à s’opposer aux changements législatifs proposés par le président quand ils se heurtent au texte du document fondateur de la nation ? Pas forcément, disent les deux experts.
En gros, l’originalisme est une théorie juridique qui prévoit que la Constitution (et d’autres textes de loi) doit être interprétée en fonction de la façon dont elle était comprise à l’époque de son adoption. Il requiert souvent la recherche de « preuves historiques » pour déterminer ce que les Pères fondateurs avaient en tête à la fin du XVIIIe siècle.
Cette méthode s’oppose à la théorie de « l’arbre vivant », selon laquelle la Constitution évolue avec la société. L’originalisme est vu comme une façon de restreindre l’influence des idéologies modernes, tout comme celle des juges appelés à trancher un différend, explique la professeure Key.
De nombreux politicologues qui surveillent la scène judiciaire américaine affirment que les juges choisissent la méthode d’interprétation de la Constitution qui va donner le résultat qu’ils souhaitent, ajoutent les deux experts. Ainsi, les allégeances politiques ont encore leur importance.
Le professeur Keck donne cet exemple : le 14e amendement de la Constitution énonce que les ex-insurrectionnistes ne peuvent pas être titulaires d’une charge publique. Des universitaires conservateurs et des originalistes de renom ont pris position publiquement à ce sujet, rappelle-t-il. Selon eux, d’après le texte de la Constitution, M. Trump n’était pas éligible à la dernière élection présidentielle. Mais les juges majoritaires de la Cour suprême ont rejeté leurs arguments, en choisissant les preuves historiques qui faisaient leur affaire, pour arriver au résultat espéré, résume le professeur Keck.
De plus, ajoute-t-il, même les juges qui se disent « originalistes » — comme Amy Coney Barrett et Neil Gorsuch — n’ont pas adhéré « de façon constante et de bonne foi » à cette méthode d’interprétation.
Les prédictions
Les deux experts estiment qu’il est ardu de prédire ce qui incitera la Cour suprême à s’opposer, ou pas, au président Trump. D’autant plus que l’on ne sait pas actuellement quelles contestations judiciaires vont se rendre jusqu’à elle. Ils offrent tout de même quelques pistes.
D’abord, la professeure Ellen Key rappelle que, dans une décision récente, la Cour a décidé que les droits qui ne sont pas expressément nommés dans la Constitution devaient être « profondément ancrés dans l’histoire et la tradition de la nation » pour bénéficier de sa protection. Ainsi, selon ce principe, le droit de surveillance du fédéral sur l’éducation et les programmes de DEI (diversité, équité et inclusion) — auxquels le président veut mettre fin — ne seront probablement pas à l’abri.
Le professeur Thomas Keck note de son côté qu’il y a des sujets sur lesquels le 47e président des États-Unis est sur des assises juridiques « plus fragiles ». Il pense au décret visant à mettre fin au « droit du sol », énoncé dans le 14e amendement, selon lequel un bébé né aux États-Unis devient automatiquement citoyen. « Le texte est clair comme de l’eau de roche », affirme le professeur, ajoutant que de nombreux jugements de la Cour suprême maintiennent ce principe depuis des décennies.
Ainsi, sur cette question, Donald Trump va probablement perdre et voir son décret annulé, prédit-il.
La Cour suprême penche à droite et est politiquement divisée, mais pas à 100%.
— Thomas Keck
Les juges républicains vont sûrement être stratégiques et s’opposer à ce qui tombe le plus sous le sens, afin de ne pas perdre la confiance de la population. « Une chose que les juges aiment faire est de montrer qu’ils ont rendu un jugement qui va à l’encontre de leurs propres préférences politiques, pour dire : regardez, on est neutres, on rend des décisions dans les deux sens », indique M. Keck.
Car si le juge en chef John Roberts et la juge Amy Coney Barrett ont une vision très conservatrice de la Constitution, ils se préoccupent aussi profondément de la réputation de la Cour et du respect de l’état de droit (rule of law), ajoute-t-il.
« On voit qu’il y a beaucoup de forces qui tirent dans toutes les directions », poursuit Thomas Keck, qui s’attend à une variété de jugements : certains qui feront l’affaire du président et d’autres pas.
Ellen Key ajoute que la théorie politique nous enseigne qu’à la fois le Congrès et la Cour suprême devraient normalement résister aux tentatives de Donald Trump de briser l’équilibre existant entre les trois branches du gouvernement. « En théorie, la Cour suprême devrait s’opposer aux tentatives de l’exécutif de s’arroger plus de pouvoirs, au nom de sa propre autopréservation. »
Une récente sortie du juge en chef Roberts à ce sujet n’est d’ailleurs pas anodine : en mars, il a rappelé à l’ordre le président après que ce dernier eut exigé la destitution du juge James Boasberg, qui a bloqué son plan d’expulsions de masse vers le Salvador. « Depuis plus de deux siècles, il est établi que la destitution n’est pas une réponse appropriée à un désaccord à propos d’une décision de justice », a rappelé le juge en chef dans un communiqué, montrant ainsi qu’il n’a pas froid aux yeux.
Deux décisions rendues depuis donnent raison aux experts : d’un côté, la Cour suprême a défié à Pâques le président Trump en bloquant — jusqu’à nouvel ordre — l’expulsion des immigrants du Venezuela, puis, de l’autre côté, elle a rendu une décision de nature à lui plaire en autorisant provisoirement l’exclusion des personnes trans de l’armée américaine.