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La sentence a choqué bien au-delà du Brésil. Le 3 juin dernier, l’humoriste Léo Lins a été condamné à huit ans et trois mois de prison par la justice fédérale de São Paulo pour des propos jugés discriminatoires dans son spectacle Perturbador, présenté en 2022. Ce jugement, qui repose sur des lois brésiliennes encadrant le racisme, la discrimination religieuse et le handicap, soulève des interrogations fondamentales sur les limites de la liberté d’expression artistique. Pour le comédien québécois Mike Ward, qui connaît lui-même les rigueurs des procès liés à l’humour, cette décision est tout simplement « inacceptable ». « Personne ne devrait aller en prison pour avoir offensé quelqu’un », a-t-il écrit sur Facebook, appelant à défendre le droit de choquer.
Dans son article publié le 9 juin dans le Journal de Montréal, le journaliste Raphaël Gendron-Martin rappelle que Perturbador visait pratiquement tous les groupes minoritaires. Léo Lins, figure connue de la scène stand-up brésilienne, y multipliait les blagues de mauvais goût sur les personnes noires, autochtones, obèses, âgées, sourdes, séropositives, homosexuelles et handicapées. Le spectacle contenait aussi des segments sur l’inceste et la zoophilie, selon les attendus du jugement. Le tribunal a jugé que ces propos dépassaient largement les frontières de la satire sociale et tombaient sous le coup de la loi comme « discours haineux ». Dans son verdict, la cour a affirmé que « la dignité humaine doit primer sur la liberté d’expression », en particulier lorsque des groupes vulnérables sont visés.
Le spectacle, publié sur YouTube en 2022 et vu plus de trois millions de fois, avait déjà été retiré de la plateforme en mai 2023 par injonction judiciaire. En plus de la peine de prison, Lins s’est vu infliger une amende de 300 000 réals (environ 70 000 dollars canadiens) pour « dommages moraux collectifs ». L’humoriste, aujourd’hui âgé de 42 ans, a immédiatement fait appel de cette décision, affirmant que son style d’humour satirique a été « mal interprété ».
L’affaire dépasse rapidement le cadre national. Le Washington Post, dans un article publié le 7 juin, rappelle que Léo Lins se présentait sur scène avec un t-shirt arborant les lettres « HA HA » et n’hésitait pas à ouvrir ses spectacles avec des phrases comme : « Je vais maintenant offenser les sourds », tout en ayant recours à un interprète en langue des signes pour traduire les vannes. Des blagues étaient aussi dirigées contre les Juifs, les Nordestins (habitants du Nordeste brésilien), les évangéliques et les personnes vivant avec le VIH.
Le quotidien espagnol El País, pour sa part, note que la justice brésilienne a voulu envoyer un message fort, à la fois aux artistes et à la population. Elle s’appuie sur un arsenal juridique renforcé ces dernières années, notamment dans la lutte contre le racisme structurel et les discours de haine sur internet. Mais la peine suscite de nombreuses critiques, y compris au sein de l’intelligentsia brésilienne. Le professeur Pablo Ortellado, de l’Université de São Paulo, a affirmé que cette condamnation est « plus sévère que celles infligées à certains auteurs de crimes violents », dénonçant un déséquilibre judiciaire.
D’autres voix, comme celle de l’analyste juridique Allyne Andrade e Silva (Insper), affirment au contraire que cet humour ne peut plus être défendu sous le couvert de la provocation : « Il ne s’agit pas de satire, mais de la reproduction de stéréotypes et de préjugés dans une société déjà marquée par des inégalités historiques. » Pour elle, refuser de sanctionner ce type d’humour revient à normaliser l’humiliation publique des minorités.
Au Canada, cette affaire ravive le souvenir du procès de Mike Ward, qui avait été poursuivi par le Tribunal des droits de la personne du Québec pour une série de blagues sur le chanteur Jérémy Gabriel, atteint de la maladie de Treacher-Collins. L’affaire avait duré plus de dix ans et s’était rendue jusqu’à la Cour suprême, qui avait finalement tranché en faveur de Ward au nom de la liberté d’expression.
Mais le cas de Léo Lins est d’un tout autre ordre : il ne s’agit plus d’une poursuite civile pour atteinte à la dignité, mais bien d’une condamnation pénale assortie d’une peine de prison ferme. Dans un climat mondial marqué par la montée de la sensibilité aux discriminations, et la résurgence de notions comme le blasphème au Royaume-Uni ou ailleurs, l’humour devient l’un des derniers territoires contestés de la parole libre. Et pour certains, une ligne rouge vient d’être franchie.
Mike Ward n’est pas le seul à s’en inquiéter. D’autres humoristes, journalistes et défenseurs de la liberté d’expression y voient une dérive inquiétante. Si la satire est réduite à ce qui est inoffensif, aseptisé, politiquement acceptable, alors ce n’est plus de la satire, soutiennent-ils. Le rôle de l’humour n’est-il pas, justement, de déranger, de provoquer, de bousculer les certitudes ?
En définitive, le cas Léo Lins illustre la tension croissante entre deux impératifs fondamentaux : le respect de la dignité humaine, et la défense de la liberté de parole. Deux valeurs qui, dans une démocratie, devraient coexister — mais qui, de plus en plus, semblent entrer en collision frontale.