Il y a près d’un mois, un homme a échoué sur la platebande d’une ruelle qui donne sur une rue cossue et tranquille du Vieux-Longueuil. Quasiment dans la cour de deux voisins.

D’où vient-il ? Que faisait-il dans une vie antérieure ? Quel événement a provoqué chez lui cette brisure qui l’a conduit là avec, comme seul bagage, quelques sacs ?

Il passe ses journées assis, le regard dans le vide. Il s’est abrité sous les branches d’un tilleul qui dépasse de la clôture d’un voisin. Il parle un français plus châtié que le mien. Les autorités municipales ont été alertées. Une voisine a communiqué directement avec le cabinet de la mairesse. Silence radio du côté de notre conseiller municipal, qui ne répond ni aux courriels ni aux appels. Des voitures de police viennent régulièrement. Mais, visiblement, ce n’est pas de policiers, aussi bien intentionnés soient-ils, que cet homme a besoin. Ils ne sont ni travailleurs sociaux ni psychologues.

Hier, Pierre, un vieux prof d’université me dit, les yeux dans l’eau : « Tu sais ce que des petits voyous lui ont fait hier soir ? Ils l’ont aspergé avec du répulsif pour éloigner les ours ? C’est terrible ! » Une voisine a appelé la police qui, paraît-il, leur a mis la main au collet. J’ose espérer que ce geste ignoble n’a pas été commis parce que cet homme est noir.

Nous nous sentons démunis face à cette misère humaine. Si on se désole, à raison, que des chiens et des chats soient abandonnés à la rue lors des déménagements du 1^er juillet, il nous a semblé qu’on devait en faire autant pour un être humain. C’est pourquoi, chacun à sa façon, le voisinage témoigne de sa solidarité et, aussi, de son inquiétude. Claude et Lise, Céline et Emmanuel, Pierre et Marthe, Louise et Claude, Daniel et Sylvie, Pierre et Patricia, Hélène et Éric, Gaétane et moi tentons, avec nos maigres moyens mais avec sollicitude, de lui venir en aide. Nous lui apportons de l’eau, des fruits, du fromage, des sandwichs, des boissons gazeuses, ce qui n’est pas un luxe en cette période de canicule.

Ce matin, Claude a communiqué avec l’organisme dont a fait état récemment Marco Fortier dans Le Devoir : Se comprendre pour vivre ensemble. Démarche de participation publique sur l’itinérance et la cohabitation sociale. Le problème de l’itinérance ne se pose pas seulement au bord de la ruelle Gagnon. Le Québec tout entier y fait face.

Les moyens des gouvernements de proximité ne sont pas à la hauteur. Et les gouvernements supérieurs, tant à Ottawa qu’à Québec, font la sourde oreille et ferment les yeux. Mark Carney vient d’annoncer que 150 milliards de dollars seront engloutis dans des dépenses d’armement. François Legault se targue d’un legs économique glorieux, lui qui, avec son ministre Pierre Fitzgibbon, a garroché, à perte, des centaines de millions à ceux que feu David Lewis appelait les welfare corporate bums !

Je ne sais pas pour François Legault. Mais on rapporte que le premier ministre Carney assiste à la messe tous les dimanches. Je lui suggère de réfléchir à l’Évangile de Matthieu, qui dit : « J’avais soif et vous m’avez donné à boire. J’avais faim et vous m’avez nourri. » Et Matthieu ajoute : « Ce que vous aurez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’aurez fait. » On peut ne pas être une punaise de sacristie et constater que cela est toujours d’actualité.

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