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L’arrosage culturel

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Deux visions s’opposent dans le diagnostic de la crise du financement qui ébranle le milieu de la culture et des arts aujourd’hui. L’une des visions, que l’on entend régulièrement et qui a été évoquée dans ces pages par Roger Frappier, figure renommée de notre cinéma, serait qu’il y a « trop de contenu » — par exemple, en cinéma, trop de maisons de production.

L’approche du petit tuyau

Selon cette vision, le problème du financement des auteurs et des artistes serait que ceux-ci sont trop nombreux, ce qui créerait de l’engorgement dans la chaîne de production. Pour faire une analogie, on appellera cette tendance « l’approche du petit tuyau ». C’est-à-dire qu’on perçoit le problème du financement comme un tuyau d’arrosage qui reçoit trop peu d’eau en raison du petit robinet qui se trouve au bout — robinet alimentant un petit marché d’œuvres culturelles et médiatiques. Et qu’on se dit qu’il faut donc remplacer le gros tuyau d’arrosage actuel par un autre plus petit, mieux adapté au robinet.

Cette vision est régulièrement entendue dans les coulisses des organes subventionnaires, et teinte grandement les efforts du ministère de la Culture dans ses tentatives de régler le problème des artistes tapageurs et du milieu des institutions culturelles québécoises, très mobilisé dans les derniers mois. Elle est aussi présente chez Patrimoine canadien et s’incarne dans un resserrement constant des règles et des conditions d’accès aux subventions pour le cinéma.

Il faut savoir que, ces dernières décennies, des avancements ont eu pour effet de démultiplier les maisons de production dans le paysage cinématographique, notamment dans celui du documentaire. Des technologies de plus en plus légères et accessibles ont permis aux cinéastes de produire des œuvres de qualité professionnelle avec des équipes hyperréduites et de l’équipement abordable. Ce phénomène — la démocratisation des capacités de production médiatique — est bien connu et est enseigné dans nos universités.

Mais l’augmentation du nombre d’entreprises de production découle aussi d’un autre facteur. En parallèle à cette démocratisation des moyens de production, les institutions ont graduellement délaissé les programmes qui s’adressaient aux cinéastes, réservant leurs ressources aux producteurs médiatiques. En effet, tant la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC) que Téléfilm Canada ont abandonné les aides directes aux créateurs et créatrices de cinéma. L’Office national du film, pour sa part, a opéré un virage similaire dans le courant des années 1990 en faisant des cinéastes des « ressources externes ».

Conséquemment, beaucoup de cinéastes ayant perdu leur statut d’interlocuteur auprès des instances subventionnaires se sont constitués en maisons de production pour avoir le droit de déposer des projets en tant que « réalisateurs-producteurs ». Bien souvent, ces cinéastes auraient préféré ne pas être obligés de procéder à cette constitution — une démarche juridique lourde et coûteuse —, mais c’était la seule façon de garder un pouvoir sur leurs projets et, surtout, d’avoir le droit de les soumettre aux bailleurs de fonds.

Ainsi, plusieurs de ces nouveaux « producteurs » n’ont jamais eu l’intention, le désir ou la capacité de produire les œuvres d’autres cinéastes. Le phénomène laisse donc, dans les faits, bon nombre d’artisans de la relève et des communautés marginalisées (mais aussi certains cinéastes d’expérience, pourtant maîtres dans leur art, qui ne trouvent pas de producteurs !) sans accès à des fonds de scénarisation ou à une maison de production.

Seuls les conseils des arts demeurent accessibles aux créateurs de cinéma d’auteur, et les bourses se font rares dans ces conditions de contingentement extrême.

L’approche du gros robinet

Le constat voulant qu’il y ait beaucoup de producteurs dans le milieu du cinéma (et beaucoup d’artistes dans les autres disciplines artistiques) est donc en partie vrai. Mais l’approche du « petit tuyau » ne fait pas l’unanimité, car pointer du doigt le nombre de créateurs pour expliquer le problème du financement peut être conçu comme un manque de vision.

D’où la deuxième approche, que l’on appellera « du gros robinet ».

S’il n’y a pas assez d’eau dans le tuyau, pourquoi ne pas changer de robinet plutôt que de tuyau ? Pourquoi ne pas se réjouir que notre société et notre culture soient si fertiles plutôt que de tenter d’éteindre ce feu sacré ? On dira bien sûr que le marché est petit, qu’il faut s’adapter à la réalité des plateformes américaines, qu’il faut mieux formater notre offre culturelle, que l’on doit se satisfaire de quelques collègues québécois navigant parmi les « grands » à Hollywood…

Bien que la question du marché soit pertinente, pourquoi ne pourrait-on pas en créer de nouveaux ? Si nous avons du talent et de la fougue dans notre expression artistique et culturelle, pourquoi devrions-nous nous astreindre au marché existant ? Ouvrons les vannes, que diable ! Changeons de robinet, diantre ! Envahissons les ondes et répandons les particules numériques propres à notre coin de pays, batinse !

Jamais ne dirait-on qu’il y a trop d’entrepreneurs dans notre société et, surtout, qu’on devrait réduire leur nombre pour uniquement satisfaire à la demande du marché existant : ce serait un non-sens. Car ce sont les initiatives qui créent les marchés. Surtout en culture.

L’approche du petit tuyau est une fausse bonne idée. C’est évidemment beaucoup plus simple, pour prétendre soutenir davantage la création culturelle, de donner de plus gros budgets à moins de monde, mais ça n’aidera en rien les artistes qui ont soif.

Ouvrons les vannes !

Aujourd’hui plus que jamais, il est temps d’avoir le courage de nos ambitions. Cessons de nous voir petits, et ouvrons les accès du financement de la culture à une plus grande diversité de créateurs.

Cette avenue peut être tout à fait profitable économiquement si l’on se donne les moyens de défricher des marchés. Il faut plus de compagnies de distribution en cinéma, il faut plus de prospection à l’international, il faut mieux investir le milieu éducatif et donner le goût à nos forces vives d’être précurseures en leur permettant d’expérimenter.

Un vent s’est levé au Québec, et il fait du bien. Un ras-le-bol des artistes a brisé les tabous de notre précarité économique et brasse la cage des instances de gestion culturelles. Un front commun inédit s’est organisé dans une large coalition d’associations culturelles.

Certaines mesures, comme l’instauration d’un filet de protection sociale pour les travailleurs culturels, sont essentielles. Mais il faut aussi décloisonner l’accès aux instances subventionnaires, plutôt que réduire le nombre de producteurs de contenu. Il est d’ailleurs archaïque que les licences télévisuelles, désormais pratiquement inaccessibles au cinéma d’auteur, soient encore tant privilégiées dans l’attribution des subventions.

Le timing est bon pour se faire confiance et investir dans cette ressource culturelle abondante — et renouvelable ! Les tarifs imposés par le gouvernement américain sur nos productions sont une invitation à répondre avec une taxe sur les billets des films américains.

C’est en soutenant nos créateurs et en innovant dans la diffusion de nos contenus que nous ferons barrage au culte du technofascisme qui assaille sournoisement nos sociétés et qui menace la diversité culturelle.

Ce texte fait partie de notre section Opinion, qui favorise une pluralité des voix et des idées en accueillant autant les analyses et commentaires de ses lecteurs que ceux de penseurs et experts d’ici et d’ailleurs. Envie d’y prendre part? Soumettez votre texte à l’adresse [email protected]. Juste envie d’en lire plus? Abonnez-vous à notre Courrier des idées.

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