Guerre entre Israël et l’Iran qui menace de tout faire sauter, avancée russe en Ukraine, explosion des prix du pétrole… Bref, le monde part en vrille. Sauf au Québec. Ici, depuis quelques jours, les médias sont passés en mode été. C’est fini les gros titres anxiogènes, place aux douceurs sucrées et aux nouvelles qui sentent la slush bleue et les piqûres de maringouins.

Pendant que des images insoutenables de Gaza défilent sur les chaînes internationales, chez nous, c’est le retour des reportages sur les casse-croûte de bord de route, fiers gardiens du patrimoine québécois. Peu importe si Tel-Aviv et Téhéran jouent à « qui appuie sur le bouton rouge en premier », l’important, c’est de savoir où déguster la meilleure poutine sauce blanche de la province.

Ici, la guerre, c’est contre les piscines hors terre non conformes. Les bulletins de nouvelles sont formels : les clôtures sont notre ligne de front. Et gare aux tiques qui menacent nos parcs nationaux, car elles aussi font l’objet de statistiques alarmantes. L’enfant moyen est peut-être à risque de tomber dans la piscine, mais il ne faudrait pas qu’il découvre une mouche dans son Timbit, faisant de lui une vedette du Téléjournal.

Et malgré l’inflation et le prix de l’essence qui donnent envie de pleurer dans un champ de patates, les festivals battent leur plein. Pourquoi s’inquiéter du prix du baril quand le nouveau food truck coréen viral est stationné sur Saint-Laurent? L’été, au Québec, ce n’est pas qu’une saison : c’est une évasion collective. On ferme les yeux sur le monde, et on ouvre grand la bouche pour la crème glacée molle.

Même les politiciens jouent le jeu : Paul St-Pierre Plamondon sera à la cabane à patates du coin en nous parlant de l’importance de la poutine comme symbole identitaire. François Legault, lui, ira serrer des mains au Festival du cowboy de Chambord, pendant que Valérie Plante fera son tour annuel des rues piétonnes, croisant sans-abri en crise et touristes français égarés, le tout avec le sourire zen de celle qui sait qu’on ne posera aucune question sérieuse jusqu’à la fête du travail.

L’été québécois, c’est ce moment suspendu où les manchettes ne parlent pas de bombes mais de Jean-Paul piqué par les maringouins dans le parc La Vérendrye. On dit que le Québec est un dôme – et en été, c’est vrai. Un dôme médiatique, hermétique, isolé, sucré. Une anesthésie légère au goût de crème glacée Coaticook.