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Agriculteur à la ferme de Poulfang, dans le Finistère, Pierrick Berthou alerte dans une tribune sur le manque de revenus que perçoivent les paysans et propose une solution concernant les prix payés.
6,50 euros, retenez bien ce chiffre ! Le grand rendez-vous qu'est le salon de l'Agriculture a fermé ses portes le 3 mars 2025 avec un sentiment de mal-être. Les paysans sont rentrés dans leurs fermes, ont repris le travail dans les champs et auprès de leurs animaux. Depuis, aucune, ou si peu, expression de la colère agricole. Faut-il penser que tout serait rentré dans l'ordre ?
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Depuis octobre 2023, les manifestations, violentes avec des centaines de milliers d'euros de dégâts, se sont succédé. Tout cela suivi de débats, d'engagements, de belles paroles, le cœur sur la main. Après tous ces débordements et événements, le débat a été tronqué. En effet, nos représentants agricoles ont orienté et focalisé le débat sur les normes Franco-Européennes qui seraient l'origine des déboires des paysans. Or, c'est absolument faux ! Certes, un bon coup de balai est nécessaire dans ce fatras de normes inutiles et superfétatoires. Cependant, refuser les normes, c'est mettre le pied sur la route de l'incertitude. Les normes servent la qualité et la sécurité, voilà, leurs rôles. Il ne doit y avoir que la qualité, un point c'est tout, il ne faut pas transiger. Déplacer les problèmes de paysans uniquement sur les normes, c'est mentir aux paysans. Ceux-là qui sont l'essence même de la fameuse souveraineté alimentaire tellement dévoyée. Et, c'est mentir aux consommateurs.
« Il n'y a pas de revenu pour les paysans »
Le problème de l'agriculture, c'est le revenu des paysans, il ne faut pas voir que l'arbre – les normes – qui cache la forêt : l'absence de revenu des paysans. Dans une étude datant de 2020, M. Philippe Boyer, économiste, détaillait le partage de la valeur pour 100 euros de produits alimentaires déposés dans un caddie. Il en résultait que le paysan recevait 6,5 euros sur 100 euros !
Quand Didier Gadéa, secrétaire général du M.O.D.E.F, maraîcher et viticulteur déclare : « Lorsque je vends une bouteille de vin 0,66 euro, je la retrouve à quelques kilomètres de chez moi à...10 euros ! » En définitive, il ne dit pas autre chose que M. Boyer. Faut-il considérer cette redistribution comme normale ? Juste ? Équitable ? Trop peut-être ? Le budget consommation de la France est d'environ de 1 600 milliards d'euros par an soit 50%-55% du PIB (INSEE).
Le budget alimentation, représentant 15,9% du budget consommation, serait à peu près de 254 milliards d'euros (INSEE). La part qui retourne aux paysans, 6,5%, est de moins de 16 milliards (INSEE). Cela veut bien dire que dans la filière producteurs – agro-industriels – distributeurs, le producteur reçoit 6,5% de la chaîne de valeur (et cette part continue de baisser année après année), alors que les deux autres se partagent 93,5% de la valeur. Les trois acteurs de la filière sont partenaires et manifestement certains le sont plus que d'autres !
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Avec de tels chiffres, il n'est pas étonnant que 80% des paysans gagnent moins que le S.M.I.C brut (1801,80€ / mois-INSEE) dont 30% moins que le R.S.A (642,52€/mois-MSA) ? En fait, il ne peut pas en être autrement, et sans les subsides de la P.A.C. le bilan serait désastreux. Peut-on être fier d'un résultat aussi lamentable ? Comment affirmer que l'Agriculture française est la meilleure du monde et en même temps traiter ses paysans comme des gueux ? Le problème de l'Agriculture, ce n'est ni les normes, ni les écolos, ni le loup, ni la météo, c'est l'absence de revenu ! Nous pouvons tourner la situation dans tous les sens, nous arriverons toujours au même constat : il n'y a pas de revenu pour les paysans, le problème est là, et, il est là depuis plus de 50 ans. En 2025, nous sommes en dessous de 380 000 fermes et néanmoins les paysans sont de plus en plus mal rémunérés. Dans 10-15 ans, il ne restera peut-être que 100 000 ou 120 000 fermes. Elles ne nous nourriront pas, elles ne le font déjà plus (notre alimentation est actuellement importée à plus de 50%).
Quant à la loi E.G.A.L.I.M, évoquée en 2017, elle devait prendre en considération les coûts de productions des agriculteurs afin de définir un prix de vente. Elle n'est pas appliquée et ne le sera pas, sinon à minima. Les industriels et les distributeurs ont pris leurs dispositions pour contourner la loi E.G.A.L.I.M. Voilà, une loi morte avant d'être née !
Redistribuer la chaîne de valeur
Pour relancer notre agriculture, il conviendrait de doubler les prix payés aux paysans, sans augmenter le prix payé par le consommateur. Il s'agit avant tout de mieux répartir, entre les producteurs, les agro-industriels et les distributeurs, la chaîne de valeur. Nous voyons que les actions possibles sont largement réalisables. À titre d'exemple, dans les pays du Maghreb (Maroc, Algérie, Tunisie, Égypte et même la Turquie) les prix payés aux producteurs pour la viande bovine est de l'ordre de 10-12 euros le kilo soit 2 fois à 2,5 fois plus élevé qu'en France, avec un prix magasin compris entre 20 et 30 euros le kilo comme en France. Donc, il y a du potentiel pour agir. En doublant le prix payé aux producteurs nous assurerons un revenu aux paysans et nous assurerons, dans le même temps, la transmission des exploitations agricoles. Doubler le prix payé aux paysans implique de passer la part de l'alimentation qui revient aux paysans de 16 milliards d'euros à 32 milliards voire 35 milliards d'euros. Ce qui revient à dire que la part que se partageraient les agro-industriels et les distributeurs passerait de 239 milliards à 220 milliards. En fin de compte, il leur resterait encore un joli magot à se partager.
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L'agriculture productiviste est un échec total, elle est très administrative, très normative et tellement dévoreuse de subventions publiques. 7 milliards de primes P.A.C. Entre 54 milliards et 94 milliards d'euros pour la dépollution des eaux due aux pesticides et nitrates (ministère de l'écologie...). La « malbouffe » coûterait entre 19 et 40 milliards d'euros à la Sécurité sociale. En dépit de ce déluge d'argent public, le revenu des paysans est toujours minable et pousse ceux-ci inévitablement dans la misère, sans parler des drames... Tout cet argent public pourrait participer aux financements d'un nouveau projet agricole et dès maintenant améliorer le revenu des paysans. Un projet agricole basé sur la polyculture- élevage avec des systèmes herbagers, de l'agroforesterie, beaucoup plus de bio. Tout cela accompagné d'une nouvelle économie. Ce changement induit la fin des monocultures, de la spécialisation et du libre-échange. En ces temps ou règne l'incertitude, ce n'est pas d'un kit de survie dont nous avons besoin. Mais, d'un projet agricole qui préserve, l'eau, l'air, le sol, les consommateurs et... les paysans afin d'assurer notre souveraineté alimentaire.