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Le nouveau film de Kleber Mendonça Filho, L’agent secret (O Agente Secreto), présenté en compétition dimanche, est de ces œuvres qui ne cessent de surprendre au fur et à mesure qu’on les découvre. Il s’agit d’une méditation sur le passé dictatorial du Brésil et sa corruption endémique d’alors, autant que d’un vrai thriller.
La séquence d’ouverture est à ce propos éloquente. Au terme d’un superbe mouvement de grue, on arrive à la hauteur d’un automobiliste venant de faire halte dans une station-service perdue. Sur le sol non loin de là, gît un cadavre recouvert d’un carton. Et le garagiste de banaliser la chose en actionnant la pompe. Lorsqu’un policier s’amène, le garagiste se réjouit qu’on vienne enfin ramasser la dépouille. Or, le flic n’est là que pour soutirer un « droit de passage » à l’automobiliste. Le mort, aussi apparent qu’un tas de poussière balayé sous un tapis, attendra.
Bref, d’emblée, tout est là.
L’automobiliste en question s’appelle Marcello (excellent Wagner Moura, le Pablo Escobar de la série Narcos). Homme au passé énigmatique, le voici qui débarque à Recife, la capitale brésilienne de Pernambuco. L’y accueille une logeuse semblant être membre de quelque réseau de résistance souterraine. Des éclaircissements viendront, mais l’entremise de situations et d’allusions, et non d’explications : un atout.
Veuf, Marcello est là pour récupérer son fils, dont s’occupent depuis un moment les grands-parents maternels. Sauf que Marcello est un homme traqué. De fait, deux tueurs à gage, dont un ex-capitaine de l’armée, sont à ses trousses.
Dans L’agent secret, hormis la corruption constante qu’il filme, Kleber Mendonça Filho aborde les iniquités socio-économiques dans son pays, enjeu déjà au coeur de ses précédents films Aquarius et Bacurau (celui-là coréalisé avec Juliano Dornelles).
Le cinéaste revisite en outre plusieurs lieux et thèmes de Portraits fantômes (Retratos Fantasmas), film expérimental dans lequel il fusionnait archives, fiction, souvenirs et extraits de films, en un hommage à la ville de Recife et à sa salle de cinéma, où le cinéaste découvrit le 7e art, enfant. Ledit cinéma occupe d’ailleurs un rôle central dans L’agent secret, qui multiplie les clins-d’oeil.
D’ailleurs, dans le volet thriller du film, Kleber Mendonça Filho, un ancien critique de cinéma, rend plusieurs hommages (parfaitement intégrés) à Brian De Palma (double focale ou « split diopter », écran partagé ou « split screen »), à Martin Scorsese (Goodfellas / Les affranchis), et surtout, à Steven Spielberg et son Jaws (Les dents de la mer), une jambe retrouvée dans le ventre d’un requin devenant un élément narratif récurrent (et à un moment, délirant).
Les cinéphiles qui suivent Kleber Mendonça Filho craindront peut-être une « déradicalisation » de son cinéma au vu de ce qui est de loin sa mise en scène la plus spectaculaire. Ce serait mal connaître le cinéaste, qui conclut avec un épilogue aussi honnête… qu’anti-spectaculaire.
François Lévesque est à Cannes à l’invitation du festival et grâce au soutien de Téléfilm Canada.