JOHANNESBURG — Les clauses d’un projet de loi qui auraient obligé les sociétés étrangères d’exploration minière à être détenues en partie par des Noirs locaux ont été abandonnées par le gouvernement sud-africain.
Certains analystes considèrent la décision prise par Pretoria le 10 juin comme une victoire pour les États-Unis.
Dans un décret du 7 février, le président américain Donald Trump avait décrit les politiques d’autonomisation économique des Noirs (BEE : Black Economic Empowerment) et d’action positive de l’Afrique du Sud comme une « discrimination raciale » contre la minorité blanche du pays, et a même offert l’asile aux Afrikaners blancs sur la base de présumées « persécutions raciales ».
L’administration du président Cyril Ramaphosa nie que son changement radical de cap vise à apaiser les États-Unis, affirmant que sa décision « est justifiée sur le plan économique ». L’administration avait précédemment affirmé que la législation n’était pas négociable.
Les relations entre Pretoria et Washington sont tendues, les deux pays se livrant fréquemment à des joutes verbales depuis que Donald Trump a entamé son deuxième mandat présidentiel en janvier.
Le dirigeant américain a annulé plus de 400 millions de dollars d’aide financière annuelle à l’Afrique du Sud, l’accusant de s’allier avec les ennemis des États-Unis, notamment la Chine, l’Iran et la Russie, et de mettre en danger la sécurité nationale américaine.
M. Trump critique également vivement le fait que Pretoria ait porté plainte pour génocide contre Israël, le plus fidèle allié de Washington au Moyen-Orient.

Le Congrès national africain (ANC), parti majoritaire au sein du gouvernement de coalition sud-africain, est un fervent défenseur des Palestiniens et a intenté une action en justice contre les actions militaires de Tel Aviv en réponse à l’attaque perpétrée le 7 octobre 2023 par le groupe terroriste du Hamas, basé à Gaza, contre Israël.
Parmi les autres mesures prises par l’administration Trump à l’encontre de l’Afrique du Sud, on peut citer l’expulsion en mars de son ambassadeur à Washington, Ebrahim Rasool, également haut responsable de l’ANC, après que celui-ci a qualifié le gouvernement Trump et le mouvement Make America Great Again (MAGA) de « suprémacistes ».
Les représentants des administrations Trump et Ramaphosa négocient actuellement un nouvel accord commercial entre les deux pays, après que le président américain a imposé des droits de douane de 30 % sur les importations sud-africaines.
Le président Trump a exempté les minéraux critiques et la plupart des métaux précieux de ces taxes plus élevées, car il les considère comme essentiels au progrès économique américain et à la sécurité du pays.
Susan Booysen, analyste politique à l’université Nelson Mandela Bay en Afrique du Sud, a déclaré à Epoch Times : « Les États-Unis ont besoin des minéraux et des métaux sud-africains, et l’Afrique du Sud a besoin des dollars et des investissements miniers américains. Le fait que l’ANC revienne sur les règles du BEE (Black Economic Empowerment, ou émancipation économique des Noirs) dans un secteur économique clé pourrait donc être l’occasion pour eux de se réconcilier, du moins dans l’intérêt de leurs relations commerciales mutuelles. »
L’Afrique du Sud est un important fournisseur de minéraux essentiels et de métaux précieux pour les États-Unis, et l’exploitation minière est le pilier de son économie, a déclaré Mzila Mthenjane, directeur général du Conseil des minéraux d’Afrique du Sud.

Les vastes ressources naturelles du pays comprennent d’importants gisements d’or, de diamants et de platine, et il extrait également des quantités significatives de minéraux essentiels comme le lithium, le manganèse, le nickel, le minerai de chrome, le titane et le vanadium.
Selon le Conseil des minéraux, le platine et ses dérivés, le palladium et le rhodium, sont utilisés pour fabriquer des catalyseurs destinés aux pots d’échappement des véhicules afin de limiter les polluants.
L’Afrique du Sud est le premier producteur mondial de métaux du groupe du platine (MGP) ainsi que de manganèse, de chrome et de vanadium, qui sont des composants essentiels des systèmes d’énergie renouvelable, notamment les éoliennes et les batteries des véhicules électriques.
Ces matériaux sont devenus essentiels pour l’économie de tous les pays, car ils sont utilisés dans la plupart des produits électroniques, la production automobile et les systèmes d’armement.
L’Afrique du Sud fournit la majeure partie des besoins des États-Unis en platine, manganèse et chrome.
« La prospection de nouveaux gisements minéraux et métalliques est évidemment vitale pour l’avenir de l’Afrique du Sud », a fait remarquer M. Mthenjane. « Mais exclure les entreprises étrangères en exigeant une participation sud-africaine, même partielle, aurait découragé les investissements étrangers. »
Il a indiqué à Epoch Times que l’Afrique du Sud ne disposait pas non plus des ressources nécessaires pour explorer les minerais à l’échelle requise pour assurer une « croissance économique durable ».
Le projet initial de loi sur le développement des ressources minérales, publié le 20 mai, proposait des amendements obligeant les entreprises étrangères à s’associer à des partenaires noirs, ces derniers devant détenir au moins 30 % des parts des entreprises étrangères.
Ces réglementations ont jusqu’à présent empêché le fournisseur d’accès Internet par satellite Starlink d’Elon Musk de déployer ses services dans le pays, le milliardaire d’origine sud-africaine refusant de s’y conformer.
L’ANC a mis en place des réglementations telles que la discrimination positive afin de favoriser les personnes qu’il considère comme appartenant à des groupes historiquement défavorisés depuis 1994, année où il a remporté les premières élections multiraciales en Afrique du Sud.
Le programme BEE va plus loin que les mesures d’action positive habituelles. Il impose des quotas et des mesures législatives au secteur privé afin de l’obliger à céder la propriété de grandes entreprises et d’autres sociétés à des entrepreneurs noirs plutôt qu’à leurs homologues blancs.
David Ansara, de l’Institut pour les relations raciales de Johannesburg, a affirmé que « ces réglementations BEE dans le domaine de l’exploration minière sont en fin de compte conçues pour enrichir les membres de l’ANC et les personnes liées à l’ANC ».
« Leur suppression représente donc une perte considérable pour le parti, mais Cyril Ramaphosa comprend le monde des affaires et celui de l’exploitation minière, et il savait que ces lois ne seraient pas acceptées dans un secteur qui est le poumon de l’économie, en particulier dans le contexte des critiques virulentes de [Donald] Trump à l’égard de la discrimination positive », a expliqué M. Ansara à Epoch Times.
Robert Maake, porte-parole du ministère sud-africain des Ressources minérales et pétrolières, a déclaré à Epoch Times que l’abandon des propositions BEE dans le domaine de la prospection minière n’avait « rien à voir » avec les pressions exercées par l’administration Trump sur le gouvernement pour qu’il mette fin à la discrimination positive.
« Il est logique, d’un point de vue économique, d’exempter les entreprises impliquées dans la prospection des ressources sud-africaines des exigences strictes du BEE », a-t-il ajouté.
M. Ramaphosa a réintégré l’ANC en 2014 et a été élu président en 2018 après la démission du président Jacob Zuma.
Avant 2014, M. Ramaphosa, ancien dirigeant du plus grand syndicat de mineurs d’Afrique du Sud, était président exécutif du groupe Shanduka, une société qu’il avait fondée. Celle-ci a investi massivement dans les ressources minérales, l’énergie, l’immobilier, la banque, l’assurance et les télécommunications.
Mme Booysen a expliqué que l’abandon par le gouvernement Ramaphosa des réglementations sur la propriété des Noirs dans la prospection minière serait considéré par beaucoup comme « une sorte de capitulation » face à Donald Trump.
« Quoi qu’il en soit, cette initiative ouvre la voie à l’Amérique pour investir davantage dans l’exploration en Afrique du Sud et pour renvoyer des minéraux essentiels et d’autres ressources vers les États-Unis. »
« Ceci est conforme à la politique ‘America First’ de Trump et, de ce fait, le gouvernement Trump considérera ça comme une victoire » a affirmé Mme Booysen.
Selon Elias Matinde, de l’Institut sud-africain des mines et de la métallurgie, l’utilisation intensive actuelle des minéraux sud-africains par les États-Unis leur confère déjà une position solide pour mener des explorations dans le pays.

Il a expliqué à Epoch Times que l’exploration des métaux et des minéraux est extrêmement complexe et coûteuse, ce qui implique que des investissements étrangers supplémentaires sont nécessaires dans ces domaines.
« Nous ne pouvons pas nous permettre d’exclure les pays puissants de notre pays, aussi bien intentionnées que soient certaines règles », a souligné M. Matinde.
« Nous avons besoin de tout l’argent que nous pouvons obtenir, et les entreprises américaines sont très compétentes et expérimentées en matière de prospection minière et métallurgique. »
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