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"Je me douchais 15 à 20 fois par jour" : les terribles séquelles de dizaines de patients opérés des hémorroïdes par un chirurgien

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Amélie n'a pas encore 40 ans, mais des projets d'avenir, on devine qu'elle n'en a plus vraiment. S'asseoir par terre pour "jouer aux voitures" avec ses garçons, elle ne "peut plus". Ni se balader à vélo. Ni manger sans penser aux aliments à bannir – "chou, salade, tomates, riz…" Ni travailler. Ni se laisser inviter chez des amis. Ni passer une journée sans prévoir laxatifs et passages à la cuvette.

"Ma vie, c'est des allers-retours aux toilettes." Elle se grille une cigarette. "J'en ai marre de cette putain de vie." L'enfer a commencé en avril 2018, après une opération des hémorroïdes. Pendant les six premiers mois, elle ne pouvait plus retenir ses selles et se douchait "15 à 20 fois par jour". Aujourd'hui, elle ne peut en évacuer que de très fines, qu'elle doit extraire avec ses doigts. Au début, elle l'a caché. Même à son mari. "J'avais honte." Il lui a fallu deux ans pour aller consulter ailleurs. Originaire de Franche-Comté, elle a passé des examens à Dijon, puis Lyon. Là-bas, les médecins lui ont lâché ce qu'elle soupçonnait : "Votre opération a été loupée." Aucune solution proposée n'a pour l'heure réduit durablement ses problèmes.

Longtemps, Amélie a cru être un cas isolé. Que son corps avait mal réagi à une intervention banale, son chirurgien minimisant les faits : "Il m'a prescrit de la rééducation et me disait que c'était dans ma tête." Jusqu'au jour où elle entend qu'une voisine est concernée. Puis une deuxième personne. Une quatrième. Une dixième. Ils échangent sur les réseaux sociaux et des conversations de groupe. Les témoignages affluent. L'histoire de chacun a le même point de départ : une opération des hémorroïdes conduite par Luc C., qui exerce comme proctologue à Besançon depuis 2016.

L'affaire s'accélère à l'été 2024, lorsque le quotidien local, l'Est républicain, publie leurs témoignages. En septembre, une association, Fleurs de lotus, est créée. "Nous étions une vingtaine, maintenant 98", décrit Sophie Ferrer, sa présidente. Originaires du Doubs, de Haute-Saône, du Jura... Il y a François, 43 ans, qui amène constamment des changes sur son lieu de travail et utilise "deux ou trois feuilles de papier toilettes" comme "bouchon" dans son anus pour le rassurer en cas de fuite ; Catherine, 53 ans, qui souffre toujours d'importantes douleurs au ventre, et a porté une poche entre 2022 et 2024 – "j'ai pleuré pendant deux jours pour l'accepter, j'ai réussi en me disant que ce n'était plus vraiment mon corps." Beaucoup d'autres gardent le silence. Pour ne pas remuer leur souffrance. Aussi par honte. Car la plupart ne sortent quasiment plus de chez eux, ont restreint leur cercle de proches. "Des femmes ont aussi été touchées au niveau gynécologique : leur fertilité et vie sexuelle sont affectées", poursuit Sophie Ferrer. Peu à peu, une partie d'entre eux a déposé plainte.

Interdiction d'opérer

Le proctologue de Besançon a été mis en examen le 24 septembre pour "blessures volontaires ayant entraîné une interruption temporaire de travail [ITT] inférieure à trois mois, aggravées par la violation manifestement délibérée de son obligation de sécurité et de prudence". Le chirurgien encourt un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amendetrois ans et 45 000 euros si la violation est couplée à une ITT de plus de trois mois. Le procureur de Besançon faisait alors état de 37 plaintes, de personnes de 27 à 70 ans. Selon l'Est républicain le 23 avril, 47 parties civiles s'étaient constituées.

Une interdiction d'opérer a aussi été prononcée dans le cadre de son contrôle judiciaire, confirmée en appel fin octobre. L'enquête se poursuit aujourd'hui. Avec une question centrale : que s'est-il passé pour que tant de personnes pointent une chirurgie courante, censée améliorer la qualité de vie, cause de si lourdes séquelles – décrites comme très rares ?

Un collège de trois experts a été mandaté par le juge pour dresser un état des lieux concret et statuer sur la suite de la procédure. Selon nos informations, les expertises ont débuté en mai et s'étalent au moins jusqu'en août. Dans ce cadre, Alice a été auscultée courant mai par un chirurgien digestif et viscéral. Son opération remonte à 2022 ; la trentenaire vit avec des couches depuis. "L'entretien a duré une heure et demie, j'étais seule avec l'expert, il m'a fait comprendre qu'il a bien repéré un défaut au niveau du sphincter." Ses conclusions devraient être connues dans plusieurs mois ; Alice se dit confiante. Après tout, la Commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Franche-Comté – dans le cadre d'une procédure civile parallèle – lui a donné gain de cause il y a quelques mois. Dans son avis, consulté par Libération, la Commission considère que l'atteinte du sphincter résulte d'une "maladresse opératoire", "en lien direct et certain avec l'incontinence anale sévère" de la jeune femme. Elle la reconnaît "victime d'un accident médical fautif". Le montant de l'indemnisation doit encore être fixé.

"Une mauvaise journée, j'allais quinze ou vingt fois aux toilettes. Ce n'est pas une vie"

Quarante dossiers depuis 2020

La Polyclinique de Franche-Comté, établissement privé où le praticien opérait en libéral (donc sans lien financier ni de subordination), a confirmé à Libération, en février, que le proctologue n'y pratique plus "depuis mi-septembre". La direction affirme n'avoir reçu aucune réclamation avant la médiatisation, et qu'elle n'avait jusqu'alors eu connaissance que d'une seule demande d'expertise "à l'issue de laquelle l'établissement a été mis hors de cause" – ce que confirme un rapport, daté de 2023, avec de premières rencontres au cabinet d'expert remontant à 2021.

D'autres procédures, civiles, sont aussi en cours. Olivier Lévy, l'un des avocats des plaignants, rapporte avoir ouvert 40 dossiers depuis 2020 (la moitié au pénal, l'autre au civil). Et en avoir déposé quatre auprès du conseil de l'ordre des médecins. Contactée, la chambre disciplinaire de Bourgogne-Franche-Comté de l'ordre confirme que des démarches ont été entamées, mais qu'aucune décision n'a pour le moment été prise. Pour les plaignants, l'enjeu principal est d'établir s'il y a eu faute médicale et ainsi être potentiellement reconnues victimes, poursuit leur avocat. Puis être indemnisés "au regard du préjudice corporel subi" – ses clients demandent "entre 1 et 3 millions d'euros" chacun.

"Je ne conteste pas la souffrance de ces patients, mais il s'agit probablement de complications normales", affirme auprès de Libération Me Xavier Précheux, l'un des avocats du chirurgien. Le pénaliste souligne que son client a opéré "4 000 à 5 000 personnes", ces interventions "comportant des risques d'échecs et de complications". Il n'est "pas possible de faire des généralités si une faute est repérée sur quelques cas."

"J'avais 41 ans, il a pris le reste de ma vie"

D'autres expertises, pour des procédures civiles, ont pointé un défaut d'information sur les risques opératoires et des problèmes dans le geste, comme l'a rapporté le procureur. Nous avons consulté l'une d'elles, envoyée au tribunal judiciaire de Besançon en février 2023 : elle concerne Johan. Opéré en août 2017, il rapporte très vite des douleurs insupportables et des difficultés à évacuer. Deuxième intervention deux mois plus tard. La troisième en mai 2018. Pas d'amélioration. Il va et vient aux toilettes plus de dix fois par jour, porte des couches. L'expert confirme la "relation causale entre l'intervention et le préjudice corporel actuel" et retient notamment un "agrafage situé trop bas" qualifié de "faute technique et non d'aléa". Autrement dit, selon lui, ces complications ne sont pas liées au risque inhérent à l'intervention, mais au geste du chirurgien. Une contre-expertise a été demandée par ses avocats.

Derrière le jargon, une vie arrêtée. Johan a continué un temps son travail dans l'industrie médicale, en Suisse, à cinquante minutes de chez lui. "Je devais passer par des routes en forêt, les bois sont devenus mes toilettes." Sans compter les allers-retours aux sanitaires sur son lieu de travail. Il a fini par abandonner et a été reconnu en invalidité en 2021. "J'ai perdu mon boulot, dû arrêter le sport. Je n'ai pas pu être présent pour mes enfants. J'avais 41 ans, il a pris le reste de ma vie." Maintenant, il va chez le kiné toutes les semaines "pour détendre les cicatrices", sort avec des couches, est sous antidépresseurs, effectue chaque soir un lavement d'au moins une heure. Il a bien essayé un stage de réadaptation au travail. Avec ses fuites, "ça n'a pas marché".

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