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À près de 81 ans (il les fêtera le 28 juillet alors que le Tour 2025 aura livré son verdict), Jean-Marie Leblanc profite de sa retraite dans sa splendide maison à Fontaine-au-Bois à deux pas de Maroilles dans le nord de la France. L'ancien coureur cycliste professionnel (" j'ai vu Eddy Merckx placer ses démarrages ", sourit-il) et journaliste (La Voix du Nord et l'Équipe) fut le big boss du Tour de France de 1989 à 2006. De l'incroyable victoire sur le fil de Greg LeMond lors d'un chrono sur les Champs-Elysées à la supercherie Floyd Landis, il a tout connu. En passant par Lance Armstrong dont il ne veut (voulait…) plus parler.
Le meilleur ("l'amour des gens et du public") a côtoyé le pire (" j'ai encore des frissons quand je vois arriver les parents de Fabio Casartelli après son décès en 1995 "). Sans oublier l'affaire Festina où il a réussi l'exploit de ramener le Tour jusqu'à Paris en 1998.
À l'occasion du Grand Départ chez lui à Lille ("j'y serai car Christian Prudhomme vient me chercher ", dit-il), il a accepté de feuilleter l'album de ses multiples souvenirs. Diminué physiquement par deux attaques cérébrales, l'œil est toujours pétillant et l'esprit vif quand il s'agit de parler du Tour, de son Tour.
Installons-nous dans la véranda (au frais) avec vue sur un jardin verdoyant. Nadine, son épouse, sert le café et de l'eau pour soutenir la chaleur qui frappe l'Avesnois à quelques jours de la Grande Boucle. Même le voisin Jean-Louis passera sa tête pour saluer la compagnie.
Cela vous fait-il quelque chose que le Grand Départ 2025 ait lieu dans votre Nord ?
"Il y en a déjà eu (Lille, Dunkerque…). Ma région accueille régulièrement des étapes. Ce n'est pas comme si nous étions oubliés. Mais l'engouement du Nord pour le vélo n'est plus à prouver."
Lorsque vous étiez le boss du Tour, choisir le lieu du Grand Départ était-il compliqué ?
"Il définit tout le Tour et il y a des équilibres à respecter. J'ai toujours souhaité mettre l'accent sur l'impact populaire que pouvait avoir cet événement sur la ville mais aussi sur la région."
Vous avez connu l'explosion de l'internationalisation du Tour. N'y a-t-il pas eu des tentations de Grand Départ exotiques et/ou rémunérateurs comme New York ou le Qatar ?
"Ce sont des inventions de journalistes. En ce qui concerne New York, c'était à l'époque de Lance Armstrong (NdlR : dont l'un des sponsors était la marque Nike) mais je n'ai jamais eu sur ma table une demande officielle ou une offre. Je tenais à maintenir l'alternance France et étranger. Sans oublier que les candidatures n'étaient pas si nombreuses. Le Qatar ? À part le fric… La colonne handicap/avantages serait largement déficitaire. Excusez mon nationalisme et mon esprit cocardier mais cela s'appelle le Tour de… France. Je suis très copain avec Christian Prudhomme mais je suis opposé à l'idée d'organiser des Grands Départs consécutifs de l'étranger (Copenhague en 2022, Bilbao en 2023 et Florence en 2024)."
Ne craignez-vous pas d'être à jamais le dernier patron du Tour à avoir été coureur cycliste professionnel ?
"Même si le moment n'est pas venu, Christian Prud'homme me dit le plus grand bien de Romain Bardet qui vient d'arrêter sa carrière. Je pense qu'à l'avenir le Tour devrait toujours être dirigé par quelqu'un qui connaît et qui aime le cyclisme plutôt que par quelqu'un qui sort d'une école de commerce. On ne dirige pas le Tour comme une entreprise."
La succession de Christian Prudhomme n'est pas à l'ordre du jour mais il me dit le plus grand bien de Romain Bardet.
Pour revenir sur votre carrière cycliste ("qui n'a pas été extraordinaire ", coupe-t-il avec le sourire), vous avez vu Eddy Merckx et ses démarrages quand vous étiez dans le peloton.
"C'était impressionnant. Je me souviens de sa garde prétorienne qui prenait les choses en mains et quand Eddy le décidait, il s'en allait. À partir du Tour des Flandres, c'était la grosse machine.
En 1970, vous êtes dans l'équipe BIC de Luis Ocana lors du Tour de France qui démarre de Limoges. Pensiez-vous pouvoir battre Eddy Merckx ?
"Après le Tour 1969 et sa démonstration impressionnante, on s'est dit : ça va recommencer et cela a recommencé."
N'avez-vous pas l'impression que le contact humain et direct avec les coureurs s'est effiloché au fil des années ?
"Oui mais ce sport reste populaire et proche des gens. L'évolution technologique n'a pas aidé. Quand je vois les journalistes se ruer autour du vainqueur de l'arrivée d'une étape du Tour, je me dis que le cyclisme reste un sport privilégié. Cela fait partie de la tradition presque de cérémonial."
"Vous connaissez beaucoup de sports où le vainqueur est disponible alors qu'il a à peine franchi la ligne d'arrivée ?"
Vous avez passé des heures dans la voiture de directeur de course aux côtés des plus grandes personnalités. Aviez-vous un pouvoir politique ?
"Aucun. Je n'ai jamais eu le sentiment de faire danser qui que ce soit. Le Tour de France, c'est une compétition sportive. Construire un parcours, ce n'est pas faire plaisir à Paul ou Jacques. Aujourd'hui, le problème est moins criard mais jadis les capacités d'hébergement étaient parfois limitées (1.200 lits)."
Existent-ils des villes qui ne veulent pas du Tour ?
"Citez-moi des noms… Certains endroits sont moins souvent visités parce que faire cohabiter tourisme et Tour peut être délicat (Côte d'Azur, Perpignan…). Beaucoup poussent mais il faut partager. Bordeaux a souvent été ville étape parce qu'il y avait une amitié entre Jacques Goddet, ex-patron du Tour, et Jacques Chaban-Delmas, le maire de la ville."
"Certains endroits sont moins visités par le Tour parce qu'il faut faire cohabiter la Grande Boucle et le tourisme estival."
Réceptions, mains serrées, banquets, comment gériez-vous votre Tour personnel pour tenir le coup ?
"Il y a beaucoup de tentations mais il faut être vigilant. Bob Lelangue (Belg, par ailleurs) a été mon chauffeur attitré. Nous formions une équipe soudée et indissociable et il me rappelait à l'ordre quand l'agenda dépassait le temps imparti."
Il n'y a pas eu que des événements heureux sur le Tour : la mort de Fabio Casartelli il y a 30 ans.
(Il prend un temps d'arrêt) "Le pire moment de ma carrière de patron du Tour. Il avait vingt ans, récent papa, champion olympique. L'image de son corps recroquevillé en fœtus sur le bitume me hante encore. Le Tour n'est pas fait pour amener du malheur (il s'arrête pris par l'émotion). Agnès Pierret, ma collaboratrice, a géré les relations avec la famille quand les parents sont venus sur le Tour. Des gens simples. Le Tour avait frappé des gens du peuple. Cela a amplifié ma tristesse."
Lors du fameux Tour 1998, lorsque les coureurs font grève sur la route d'Albertville, avez-vous eu le sentiment d'avoir sauvé le Tour ?
"Oui. J'ai été soulagé comme jamais d'arriver à Paris. Avec l'affaire dite Festina, l'opinion s'est subitement retournée contre le Tour. L'ambiance était viciée. J'ai réussi, à force de persuasion, à convaincre les coureurs de continuer. Je reste persuadé que mon passé de coureur professionnel m'a légitimé. Ce ne sont pas des bons souvenirs. Je leur ai fait comprendre que j'étais des leurs."
"En 1998, j'ai réussi à convaincre le peloton d'aller jusqu'à Paris. J'étais l'un des leurs."
Les Champs-Élysées, arrivée finale du Tour, soufflent leurs 50 bougies cette année. N'en avez-vous pas marre de cette kermesse ?
"Au contraire. C'est un final splendide. Les coureurs méritent un défilé après trois semaines d'effort. D'autant que désormais le peloton monte jusqu'à l'Arc de Triomphe et le contourne. C'est un tour d'honneur. Ce fut une idée géniale."
En commençant cette interview, vous nous aviez dit ne plus vouloir parler de Lance Armstrong…
"Je veux prendre du temps dès la première semaine !" : Tadej Pogacar prêt à enflammer le début du Tour de France"Bon allez-y. J'ai cru à la belle histoire : 1999, le Tour du renouveau, gagné par un rescapé du cancer. Je me suis fait avoir. Armstrong (NdlR : il a été radié des tablettes de la Grande Boucle), c'est le Madoff du cyclisme. Il nous a tous enfumés. Son retour en 2009 ? Je n'étais plus là mais ce n'était pas une bonne idée."
A contrario, l'avènement de l'Américain n'a-t-il pas été bénéfique pour le Tour ?
"J'étais content que la Grande Boucle gagne les médias US. C'était un marché spectaculaire mais Armstrong a été une escroquerie."
"Lance Armstrong, c'est le Madoff du cyclisme. Une escroquerie."
En tant que Français, cela vous attriste-t-il qu'il n'y a pas de successeur de Bernard Hinault depuis 1985 ?
"Dans le peloton actuel, les coureurs hexagonaux sont minoritaires. Nous sommes obligés de distribuer des wild cards pour avoir des Français en suffisance. La concurrence est vive. Plus que jadis où ils y avaient Belgique, Italie, France, Pays-Bas et Espagne. Qui aurait parié il y a quinze ans que la Slovénie allait devenir un cador du cyclisme ? Les Français sont à leur place."
Pogacar: "Vingegaard est le meilleur grimpeur du monde"Trouvez-vous que Tadej Pogacar et Eddy Merckx se ressemblent ?
"Oui. Il y a de ça. Je suis bluffé. Contrairement à Eddy (il ne m'en voudra pas…), qui était plus renfrogné en course comme en dehors, le Slovène véhicule une image sympa et chaleureuse."
"Je ne sais pas ce que ça va donner…" : Remco Evenepoel ambitieux mais mesuré avant le départ du Tour de FrancePeu de gens le savent mais vous êtes un clarinettiste amateur émérite. Vous avez même donné un concert à l'Opéra royal de Liège.
"L'une de mes fiertés intimes. J'ai dû bosser des heures pour les répétitions. Un grand, si pas le plus grand, moment de ma vie."
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