Figure emblématique de la scène politique camerounaise, Issa Tchiroma Bakary a marqué l’espace public par son style de communication singulier. Ancien ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, il est devenu le symbole d’une époque où la parole officielle prime sur les faits, incarnant ainsi le triomphe de la post-vérité dans le paysage médiatique camerounais.

Durant son mandat ministériel (2009–2019), Tchiroma a su occuper l’espace médiatique avec une constance remarquable. Il intervenait régulièrement à la télévision nationale, dans les journaux et sur les radios pour défendre les positions du régime de Paul Biya, souvent en contradiction avec les réalités observées sur le terrain.

« Les hommes de médias ne sont pas au-dessus des lois » déclarait-il en 2017, en réponse aux critiques sur la liberté de la presse au Cameroun.

Cette posture défensive vis-à-vis des médias critiques a contribué à affaiblir la crédibilité des voix dissidentes, tout en consolidant l’image d’un État fort et souverain.

L’architecte d’une réalité parallèle

Tchiroma a contribué à façonner une narration gouvernementale où les opposants étaient présentés comme des ennemis de la nation, et où les critiques internationales étaient rejetées comme des ingérences.

« Le Cameroun, uni derrière son chef le président Paul Biya, avance sur le chemin de la croissance économique, de la démocratie et du respect des libertés individuelles » affirmait-il, en réponse aux rapports de Reporters sans frontières.

Ce type de discours, souvent déconnecté des réalités vécues par les citoyens, a renforcé l’idée d’un écart croissant entre la parole officielle et la vérité vécue.

Un virage stratégique en 2025

En juin 2025, une vidéo virale montre Issa Tchiroma appelant à un « choix audacieux qui nous sortira de la misère de ces 42 ans », semblant ainsi se désolidariser du régime qu’il a longtemps défendu. Ce revirement a surpris l’opinion publique et relancé le débat sur son rôle dans la fabrication du discours officiel. Mais ne nous trompons pas c’est la même pipe pour le même tabac.

« Même si moi, Tchiroma, je vous dis demain de voter pour les responsables de vos malheurs, considérez-moi comme votre ennemi » a-t-il déclaré dans un discours électoral.

Cette déclaration marque une rupture spectaculaire avec ses positions antérieures, et illustre la plasticité de son discours politique, toujours en phase avec les opportunités du moment.

Une figure de la post-vérité en Afrique centrale

Issa Tchiroma incarne une époque où la communication politique ne vise plus à informer, mais à convaincre, voire à manipuler. Son impact médiatique repose sur sa capacité à :

• Créer des récits émotionnels puissants, même au détriment des faits.
• Utiliser les médias comme instruments de pouvoir, plutôt que comme vecteurs de transparence.
• S’adapter aux vents politiques, en redéfinissant sa position selon les besoins du moment.

 Conclusion

L’héritage médiatique d’Issa Tchiroma Bakary est à la fois fascinant et controversé. Il illustre les dérives possibles d’une communication politique déconnectée de la vérité, mais ancrée dans l’efficacité narrative. À l’ère de la post-vérité, il restera une figure centrale de ce que le Cameroun a pu générer d’horrible depuis son indépendance.

Vincent-Sosthène fouda