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  • Réchauffement climatique : « Les agriculteurs ne sont plus dans le déni de leur ...

Solagro, association d’ingénierie fondée en 1981 pour accompagner l’agriculture française vers plus de résilience, a lancé la plateforme Climadiag en 2022. En partenariat avec Météo-France, c’est le premier outil de prospective climatique dédié au secteur agricole à l’échelle locale. Nicolas Métayer, directeur adjoint de Solagro et responsable de la thématique climat, nous aide à prendre un peu de hauteur sur la sécheresse récente dans le Nord.

Propos recueillis par Maëlle Le Dru - Aujourd'hui à 06:45 - Temps de lecture :

Les agriculteurs français vont devoir s’adapter de plus en plus aux variations du climat. Photo EBRA /M.L.D.

Les agriculteurs français vont devoir s’adapter de plus en plus aux variations du climat. Photo EBRA /M.L.D.

Les inondations en hiver dans le Nord, on pouvait s’y attendre, mais une sécheresse au printemps c’est moins évident à comprendre…

« Quand on a commencé à parler du dérèglement climatique, c’était très caricatural, il se disait qu’il ferait surtout plus chaud et plus sec dans le Sud. Sauf que l’on peut être vulnérable aussi dans la moitié nord. On a eu le premier grand couac en 2016 : les rendements de blé ont été divisés par deux. Depuis, il y a eu une succession d’événements climatiques inédits qui ont touché toutes les régions et toutes les filières. »

À quoi ressemble cette plus grande vulnérabilité à l’échelle de tout l’Hexagone ?

« Il fait de plus en plus chaud et tous les modèles indiquent que ça va continuer. L’année 2022 était anormalement chaude et sèche, mais ce sera le plus probablement une année moyenne en 2050. Les agriculteurs sont aussi déstabilisés par des successions d’aléas, des extrêmes hauts et bas. Mais ça ne veut pas dire qu’il y aura des sécheresses chaque printemps dans le Nord. On y attend en revanche davantage de précipitations annuelles, et moins dans le Sud-Ouest. »

Comment la mesurez-vous ?

« Le Giec a fourni plusieurs scénarios dits ''RCP'' en fonction de la quantité d’émissions émises à l’horizon 2050. Le gouvernement français a choisi une cible commune pour l’adaptation du territoire, la TRACC (Trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique) qui table sur un réchauffement de +2,7 °C en 2050 par rapport à l’ère préindustrielle et +4 °C en 2100. Sur notre plateforme Climadiag, qui comptabilise près de 6 000 utilisateurs depuis son lancement en 2022, on fait fonctionner 17 modèles climatiques pour mesurer près de 250 indicateurs agricoles en fonction de cette trajectoire. »

« Beaucoup d'agriculteurs n’ont pas conscience de ce qu’ils vont devoir changer dans les 20 ou 30 prochaines années »

Concrètement, quel sera l’impact pour les cultures ?

« On peut déjà faire du soja plus au nord que dans le passé. Faire de la pomme de terre sans irrigation devient de plus en plus risqué. En 2050, on ne fera pas autant de maïs dans le Sud-Ouest, ça va se décaler vers le Centre. Pour certaines AOP, ça va devenir de plus en plus compliqué de s’approvisionner en fourrage local. »

Les agriculteurs sont-ils déjà conscients de leur vulnérabilité ?

« Ils commencent à l’être. En tout cas, ils ne sont plus dans le déni. Il y a un début de soubresaut. En revanche, ils ne font pas encore de changements significatifs et beaucoup n’ont pas conscience de ce qu’ils vont devoir changer dans les 20 ou 30 prochaines années. »

Que peuvent-ils mettre en place pour s’adapter ?

« L’irrigation n’est pas forcément la solution car elle ne permet pas de réduire sa dépendance à l’eau. Il faut se poser la question de planter d’autres cultures, qui en demandent moins, comme ce qu’ont fait les agriculteurs des Pyrénées-Orientales ces deux dernières années. Les fermes spécialisées dans un seul type de cultures sont aussi plus exposées. On peut aussi diversifier ses revenus avec un complément de production d’énergie ou d’accueil à la ferme. Il n’y a pas de solution miracle. »