ENTRETIEN – La troisième programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE3) entend mettre l’accent sur le déploiement des énergies renouvelables afin de décarboner les usages : doublement du parc éolien terrestre, quadruplement des infrastructures d’énergie solaire et décuplement du nombre d’éoliennes en mer. Ce qui continue de susciter de vifs débats.
Hervé Machenaud est l’ancien directeur exécutif d’EDF. Il ne comprend pas pourquoi nos dirigeants persistent dans une politique qui s’est avérée problématique en matière de sécurité des réseaux. Il plaide également pour le lancement d’un vrai programme nucléaire de long terme.
Epoch Times : Quel est votre avis sur cette PPE3 ?
Hervé Machenaud : Cette troisième programmation pluriannuelle de l’énergie annonce une catastrophe. Je rappelle qu’avec ce qui est déjà engagé, il y aura bientôt en France 95 gigawatts de capacités installées en énergies renouvelables.
Concernant la puissance installée du parc nucléaire, nous avons atteint 63 gigawatts. Quand il y aura du vent et du soleil, nous arrêterons le nucléaire au profit des énergies éoliennes et solaires.
Et cette PPE entend encore multiplier par quatre le solaire, par deux et demi l’éolien terrestre et par dix l’éolien en mer. C’est tout simplement invraisemblable.
Par ailleurs, l’administration avait clairement fait savoir que cette troisième PPE était indispensable au lancement d’appels d’offres pour les énergies renouvelables, ce qui a, à juste titre, provoqué de vives réactions de tous les organismes scientifiques de renom que ce soit l’Académie des sciences, l’Académie des technologies, le Haut-commissaire à l’énergie atomique, etc. (et aujourd’hui les industriels allemands qui réclament un arrêt du développement des énergies éoliennes et solaires).
Rappelons également que les Français vont payer très cher cet investissement dans les énergies intermittentes. Presque 300 milliards d’euros, dont 150 milliards pour renforcer les réseaux, en pure perte.
J’avoue ne pas comprendre pourquoi le gouvernement et l’administration s’obstinent dans cette politique dont la preuve est faite qu’elle est catastrophique du point de vue de la sécurité des réseaux. Nous avons pu le constater au mois d’avril en Espagne avec la « méga-panne ».
Puis, le prix de l’électricité a doublé en France ces dix dernières années et va continuer à augmenter.
J’ajoute qu’en 2024, les énergies renouvelables ont produit moins d’électricité que ce qui a été exporté. C’est-à-dire que les installations pilotables, à savoir le nucléaire et l’hydraulique suffisent à couvrir l’ensemble de la consommation française, et même plus puisque les énergies renouvelables ont produit 76 térawattheures, et nous en avons exporté 89.
Nous n’avons donc pas besoin des énergies renouvelables pour produire de l’électricité. Cette politique est donc incompréhensible, mais il faut croire que le lobby des énergies intermittentes demeure puissant.
Cette PPE3 est donc pour vous le signe de la puissance du lobby des énergies renouvelables ?
Vous voyez bien les campagnes violentes et mensongères qu’orchestrent les défenseurs des énergies intermittentes dans les médias et ailleurs.
Je pense qu’il y a aussi malheureusement une idée fausse ancrée dans l’esprit de la plupart de nos responsables politiques depuis des années sur laquelle le lobby des énergies renouvelables a joué : ils sont convaincus que les énergies renouvelables vont sauver la planète.
Cette fausse idée a conduit à la mise en place de politiques antinucléaire et pro-énergies renouvelables partout en Europe.
Et aujourd’hui, malgré les alertes multiples de nombreux organismes scientifiques, les politiques continuent dans cette voie, préférant se soucier du lobby subventionné des énergies renouvelables plutôt que de l’intérêt général et des consommateurs.
Pour vous, comment aurait dû être articulée cette programmation pluriannuelle de l’énergie ? Quelle seraient les grandes lignes d’une PPE efficace ?
Il est clair que depuis trois ans, nous assistons à un certain retour à la réalité concernant le nucléaire qui est l’outil de production d’électricité le plus économique, le plus sûr et le plus propre. L’opinion publique et nos dirigeants sont désormais d’accord sur la nécessité d’une relance du programme nucléaire.
Cela étant, de lourdes erreurs ont été commises : le programme ASTRID, pourtant absolument indispensable dans l’organisation de l’industrie, a été abandonné en 2019, puis la centrale de Fessenheim a été définitivement arrêtée un an plus tard. Et malheureusement, la relance de la filière prévue par cette troisième programmation pluriannuelle de l’énergie n’est pas assez ambitieuse.
La PPE3 devrait avoir pour objectif de relancer un vrai programme nucléaire de long terme pour faire face à l’augmentation progressive de la consommation à l’horizon 2035-2040 et prévoir le remplacement des anciennes centrales, et pas simplement s’engager dans un programme de constructions de quatorze réacteurs.
En ce qui concerne les énergies renouvelables, faisons une pause et lançons une étude approfondie sur l’optimum technique et économique du mix électrique français dans une vision d’intérêt général, avant de relancer des appels d’offres pour de nouvelles installations d’éolien et de solaire.
Justement sur le nucléaire. Pensez-vous comme l’ancien PDG d’EDF Henri Proglio que le programme de construction des EPR2 doit être abandonné au profit d’un réacteur plus simple et exportable et de la prolongation de 20 ans des centrales existantes ?
Non, je ne partage pas le point de vue de Henri Proglio. Cela fait dix ans que nos ingénieurs travaillent sur ces réacteurs EPR2. Je ne dis pas que c’est aujourd’hui l’optimum technologique auquel il faut arriver, mais améliorer un processus, qu’il soit nucléaire ou autre, est tout à fait logique. Le programme nucléaire lancé dans les années 1970 s’est fait sur plusieurs paliers.
Aujourd’hui, le seul moyen d’améliorer un processus, c’est déjà de le lancer. Et il ne peut commencer aujourd’hui qu’avec un réacteur qui fasse consensus entre l’exploitant et les autorités de sûreté, c’est-à-dire l’EPR2.
Nous aurions pu repartir avec les réacteurs N4 construits dans les années 1990, mais leur mise aux normes de sûreté actuelles aurait pris du temps, au moins dix ans.
Nous devons impérativement nous remettre dans une dynamique industrielle soutenue par la politique. Cette dynamique ne peut aujourd’hui que passer par ces nouveaux réacteurs EPR. Ensuite, les améliorations se feront au fur et à mesure de la construction du programme.
N’avez-vous pas le sentiment qu’aujourd’hui l’écologie telle qu’elle est défendue dans la PPE3 perd de l’élan ?
C’est une certitude. Mais la vraie question est de savoir quels vont être les dégâts occasionnés par cette idéologie verte sur le long terme. La PPE3 fait partie des dégâts potentiels.
Aujourd’hui, pour moi, le sujet n’est pas de m’attaquer à une idéologie qui a quasiment disparu, mais d’empêcher que son inertie ne conduise à des dégâts supplémentaires.
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