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«Her»: l’amour à la machine

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On accorde à l’art de nombreuses vertus. Quant au cinéma, possède-t-il le pouvoir de transformer les consciences, de modifier une trajectoire, individuelle ou collective ? Cet été, Le Devoir convie des penseurs, des créateurs et des militants à discuter d’un film qui les a profondément marqués, et qui pourrait exercer une influence positive sur celles et ceux qui prendront le temps de le découvrir, ou de le redécouvrir…

Dans le second épisode de la série Un film pour changer le monde, place à une romance dans un futur pas si différent de notre présent, Her (Elle, 2013), de Spike Jonze (Adaptation, Being John Malkovich), le choix du sociologue Étienne Guertin-Tardif, professeur au cégep Marie-Victorin et auteur de l’essai Pourquoi les Kevin ne deviennent pas médecins. Et autres phénomènes de société expliqués (Les Éditions du Journal, 2024).

Est-ce que le cinéma a toujours fait partie de votre vie et vous a permis d’interpréter le monde comme vous le feriez plus tard à titre de sociologue ?

Je serai franc : ma culture cinématographique s’est longtemps résumée au Roi Lion quand j’étais enfant. Plus tard, adolescent, ça tournait autour de Rapides et dangereux et de Décadence. Je viens d’un village où il n’y avait pas de salle de cinéma, près d’une petite ville où il n’y en avait qu’une. On peut dire qu’il s’agissait d’un environnement culturellement pauvre, même si mes parents, enseignants, étaient passionnés de culture et nous amenaient aussi bien au musée que dans les salons du livre. Mais avant d’aller à l’université, je n’étais ni un grand lecteur ni un grand cinéphile. Tout a changé à mon arrivée à Montréal, et à l’université.

Vous souvenez-vous de votre premier visionnement de Her ?

Ce fut à sa sortie, en 2013, une année importante qui allait marquer le début de ma grande passion pour le cinéma. Je me suis mis à fréquenter le cinéma Beaubien et le cinéma du Parc, et je me souviens aussi du choc ressenti devant La vie d’Adèle [d’Abdellatif Kechiche, 2013], un autre film que je trouve fantastique. Quant à Her, j’habitais à l’époque sur la rue Saint-Denis près de l’autoroute Métropolitaine — mes colocataires et moi passions beaucoup de temps à nettoyer les fenêtres de notre appartement ! —, je l’ai vu au cinéma Guzzo du Marché central.

Photo: Warner Bros. Picture Scène de «Her» sorti en 2013

Tout un contraste entre l’ambiance du film et celle de l’endroit où vous l’avez vu !

Ce n’était pas très glamour ni bucolique, mais ça correspondait à l’ambiance impersonnelle qui se dégage du Los Angeles tel que décrit par Spike Jonze : deux lieux où les interactions humaines sont difficiles. J’étais baigné par cette fascination de voir cet écrivain public — un drôle de métier dans un univers où cette tâche pourrait être sous-traitée à l’intelligence artificielle (IA) —, Theodore [Joaquin Phoenix], tomber amoureux d’un système informatique, Samantha [avec la voix de Scarlett Johansson]. On peut trouver cette relation très triste, mais ils réussissent à la rendre crédible et poétique. Ce n’est pas si différent d’une liaison épistolaire, où l’on ne voit pas la personne à qui on écrit ; une intimité se crée avant que les personnes se rencontrent. Mais alors survient une angoisse : comment allons-nous percevoir l’autre une fois face à lui ou elle, et serons-nous à la hauteur ?

Avez-vous l’impression que le film ressemble à une mise en garde face à notre fascination pour les nouvelles technologies ?

Lorsque l’on visionne Her aujourd’hui, il a des allures de documentaire, tellement l’intelligence artificielle a fait des bonds prodigieux. Je connais quelqu’un qui converse quotidiennement avec son IA ; elle porte un nom de femme et, tout comme Samantha, elle connaît très bien sa vie, ses valeurs, ses centres d’intérêt… C’est à la fois fascinant et totalement terrifiant. Si Her se présentait comme une mise en garde, celle-ci est très douce. C’est d’ailleurs une des forces du film : ne pas être moralisateur, ne pas prendre position. Il s’agit de la description d’un monde moderne empreint d’une grande solitude, où nous sommes tous pris dans le même bateau et où la famille n’a plus le même poids qu’autrefois. Là où Her devrait nous inquiéter, c’est dans la manière dont l’intelligence artificielle répond à nos goûts. Non seulement Samantha sait tout de Theodore — sans doute plus que lui sait de choses sur lui-même —, mais elle lui compose de la musique et pourrait même rédiger des romans écrits sur mesure. Et qu’il serait le seul à lire. En plus, il n’y a à peu près personne qui est capable d’entrer dans leur univers, ils possèdent leur propre chambre d’écho.

Le Los Angeles de Spike Jonze, lumineux, aseptisé… et en partie reconstitué à Shanghai, n’a rien à voir avec celui de Ridley Scott dans Blade Runner [1982]. Ne croyez-vous pas que cette vision lisse de l’omniprésence technologique camoufle une réalité plus glauque ?

Nous sommes ici dans un univers futuriste. Ce que nous vivons en ce moment, c’est une grande dynamique inégalitaire qui largue beaucoup de monde. Tous n’ont pas la chance de développer leurs capacités numériques, particulièrement les gens des milieux défavorisés. Je constate cette cassure parmi mes étudiants : certains utilisent l’intelligence artificielle, d’autres pas, les disparités sont parfois flagrantes. Et comme tout cela va très vite, nous manquons de temps pour nous adapter. Nous sommes encore de nombreux professeurs à interdire ChatGPT, mais je ne sais pendant combien de temps nous pourrons encore maintenir cette position. Certains professeurs commencent déjà à corriger les travaux de leurs étudiants avec l’intelligence artificielle…

Photo: Warner Bros. Picture

Si vous aviez à choisir un moment marquant, ou émouvant, dans Her  ?

Il y en a plusieurs, mais j’en soulignerais deux. D’abord, cette rencontre au restaurant entre Theodore et sa future ex-épouse [Catherine, interprétée par Rooney Mara] pour signer leurs papiers de divorce. Leurs échanges révèlent beaucoup de choses sur nos attentes actuelles dans une relation. L’autre personne doit cocher toutes les cases et, si la relation ne nous satisfait plus, nous passons à un autre appel. En fait, ce que cette scène démontre, c’est ce paradoxe où il nous faut trouver quelqu’un d’autre pour favoriser notre épanouissement… personnel. L’autre moment fort, et je crois que vous partagez mon avis, c’est la scène finale sur le toit de l’immeuble de Theodore, où il se retrouve en compagnie de sa meilleure amie [Amy, interprétée par Amy Adams]. On peut l’analyser de plusieurs façons, dont comme un appel à des contacts plus humains dans un monde surconnecté, mais j’y vois surtout deux personnages qui prennent de la hauteur, et du recul, face à leur propre situation, leur propre vie, se retrouvant seuls face à eux-mêmes. Le toit devient en quelque sorte un abri, un rempart face à toutes ces technologies envahissantes.

Cela prouve que le futur tel que vu par Spike Jonze en 2013 semble en partie se concrétiser une décennie plus tard. Est-ce que cette rapidité vous préoccupe ?

Hartmut Rosa, sociologue et philosophe allemand, aborde cette question. Il évoque l’accélération sociale, ce qui signifie l’accélération technologique, et donc l’accélération de notre mode de vie. C’est en partie cette accélération qui nous donne l’impression de manquer de temps et qui fait en sorte que nous avons du mal à trouver nos repères, jusqu’à éprouver du désarroi. Et dans ce monde atomisé, individualiste, où chacun écoute sa musique sur sa propre playlist sans savoir ce que les autres écoutent, la salle de cinéma comme lieu de rassemblement demeure essentielle. Voilà une expérience collective où l’on rit, pleure — et s’ennuie ! — avec des étrangers. Et dans une société où la technologie ne cesse de nous isoler davantage, nous avons besoin plus que jamais de cette communion émotionnelle. Et pour répondre à la grande question de votre série, je ne sais pas si le cinéma peut changer le monde, et je ne crois pas que Her a fondamentalement modifié mon rapport avec la technologie. Cependant, ce film m’a farouchement donné l’envie d’en voir d’autres.

Her, de Spike Jonze, est accessible sur les plateformes suivantes : YouTube, Prime Video, The Criterion Channel, Crave, Google Play, Apple TV+.

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