Le chef cuisinier et ancien animateur Giovanni Apollo, de son vrai nom Jean-Claude Apollo, a été arrêté ce matin et devra comparaître pour des accusations d’agression sexuelle, de contacts sexuels et d’exploitation sexuelle envers sa fille. Celle-ci, qui a aujourd’hui 27 ans, a décidé de lever le voile sur son identité dès le début des procédures afin qu’on puisse nommer cette forme de violence sexuelle encore trop tabou selon elle : l’inceste.

« Entre le 22 septembre 2011 et le 8 août 2012, [Jean-Claude Apollo] a, à des fins d’ordre sexuel, touché une partie du corps de [la plaignante] », précise le document, faisant ici directement allusion au chef d’accusation d’agression sexuelle. L’homme est également visé par des accusations de contacts sexuels et d’exploitation sexuelle pour des gestes commis sur une période qui s’échelonne d’août 2012 à septembre 2017.

Même si le tribunal permet aux victimes de violences sexuelles et conjugales de protéger leur identité, Coralie explique en entrevue avec Le Devoir avoir voulu porter plainte à visage découvert pour ouvrir la discussion sur l’inceste. « La raison pour laquelle ça m’a pris du temps à dénoncer, c’est parce que c’est mon père », témoigne celle qui n’a plus de contact avec lui depuis quelques années. « Je ne crois pas que s’il était resté dans ma vie, j’aurais été capable de le faire. C’est quelqu’un qui me faisait vraiment peur. »

Coralie espère que son témoignage sensibilisera les parents et les adultes qui côtoient des enfants à l’importance d’être à l’affût des indices qui pourraient signaler que quelque chose ne va pas. « Mon père a toujours été en couple, il y a eu des gens qui auraient pu tenter de me poser des questions. Je pense que si quelqu’un m’avait parlé, je me serais confiée », témoigne-t-elle.

Les agressions sexuelles commises par un membre de la famille sont encore un phénomène tabou. Selon le rapport sur les infractions sexuelles déclarées à la police en 2022 publié par le ministère de la Sécurité publique, 61 % des infractions d’inceste déclarées cette année-là ont été rapportées à la police plus d’un an après la perpétration du crime. C’est le type d’infraction pour lequel ce pourcentage est le plus élevé. « Cela peut s’expliquer par le fait que ce type d’infraction est la plupart du temps commis par un parent ou un membre de la famille immédiate et que la majorité des victimes de ce type de crime ont moins de 12 ans lors de la perpétration », souligne le rapport.

Photo: Marie-France Coallier Le Devoir Coralie dénonce des violences sexuelles dont elle dit avoir été victime.

Giovanni le « menteur »

Une étape importante dans la vie de Coralie avant de dénoncer a été de changer son nom de famille. Dans son entourage, plusieurs ont supposé que ce changement est dû au fait qu’en 2017, un article publié dans La Presse a rapporté que le parcours du populaire chef était « jalonné de mensonges ». L’article révélait notamment que celui qui s’est fait connaître sous le nom de Giovanni Apollo se prénomme plutôt Jean-Claude et, que contrairement à ce qu’il a soutenu, il n’a pas grandi dans un petit village d’Italie, mais en France.

Or, Coralie raconte que c’est un article publié deux semaines plus tôt qui a été pour elle l’élément déclencheur de son processus.

Dans la foulée du mouvement #MoiAussi, des dénonciations d’inconduites sexuelles ont ciblé celui qui s’est présenté toute sa carrière sous le nom de Giovanni Apollo. Sept personnes ayant côtoyé le chef ont témoigné de comportements inappropriés dans les restaurants ou sur des plateaux de tournage, dans un article publié le 2 novembre 2017 sur le site de Radio-Canada. Les témoignages faisaient état d’abus de pouvoir, de harcèlement sexuel, de propos vulgaires et d’attouchements de nature sexuelle. Après la publication de cet article, Giovanni Apollo a nié ces allégations sur sa page Facebook, invitant « toute personne qui ferait ce type d’allégation de porter plainte immédiatement à la police afin que la lumière soit faite et qu’aucun doute ne plane à mon sujet ».

« Ma démarche de changement de nom, ce n’était pas en lien avec ses mensonges. Pour moi, ce qui était gros, c’était que des gens dénoncent des comportements que j’avais moi-même vécus et que je n’avais jamais jusque-là considérés comme étant de la violence sexuelle », confie celle qui voulait enlever toute trace du nom de famille de son agresseur allégué. « Non, je ne veux pas être étiquetée comme une victime d’inceste, mais en même temps c’est ça que c’est. »

« Je ne me sentais jamais représentée dans les témoignages de violences sexuelles. Les abus sexuels intrafamiliaux au Québec, on n’en parle pas. Même si c’est difficile d’entendre le mot, je trouve important qu’on puisse nommer que c’est de l’inceste », dit en entrevue avec Le Devoir Coralie, qui porte désormais le nom de famille de sa mère. « J’avais toujours l’impression que mon histoire était trop intense et marginale, mais les statistiques disent le contraire », souligne celle qui était adolescente lorsque les gestes allégués se sont produits.

Même s’il s’est retiré de la vie publique, Jean-Claude Apollo est demeuré actif sur les réseaux sociaux, où il est suivi par plus de 66 000 abonnés sur un de ses pages Facebook. Il a également ouvert La Grange d’Apollo, un restaurant situé à Saint-Marc-sur-Richelieu.

Si vous êtes victime de violence sexuelle, vous pouvez contacter un Centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS) près de chez vous. Cliquez ici pour en voir la liste ou appelez la ligne Info-aide violence sexuelle au 1 888 933-9007.

Si vous êtes victime de violence conjugale, vous pouvez appeler la ligne d’urgence de SOS violence conjugale au 1 800 363-9010.

Les hommes ayant des comportements violents peuvent contacter le réseau à cœur d’homme, qui soutient la prévention des violences conjugales et familiales, au 1 877 660-7799.