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FIGAROVOX/TRIBUNE - Le 13 mai, Gérard Depardieu a été condamné à verser de dommages et intérêts aux parties civiles pour avoir laissé son avocat les apostropher. Un jugement étonnant qui met en cause les fondements du procès équitable, analyse l’avocat Philippe Goossens.
Avocat au Barreau de Paris, Philippe Goossens est associé du cabinet Advant Altana.
Le procès de l’acteur Gérard Depardieu a donné lieu à de nombreux débats qui ont bien souvent dépassé la seule sphère judiciaire démontrant, une fois de plus, que des procès peuvent avoir un retentissement important dans les débats sociétaux. Il ne me revient pas ici de commenter la décision du tribunal, d’autant que ce jugement a été frappé d’appel, et il sera en conséquence de la compétence de la Cour de juger à nouveau ce dossier.
Toutefois, un point de ce jugement peut parfaitement être décorrélé de cette seule procédure et mérite réflexion. Le tribunal a, en effet, reconnu l’existence d’un «préjudice de victimisation secondaire» au regard des propos tenus par l’avocat de la défense et condamné, pour cela, le prévenu au règlement de dommages-intérêts aux parties civiles. Certes, la CEDH a déjà reconnu l’existence d’un tel préjudice mais en avait imputé la charge à des États au regard des conditions dans lesquelles la procédure avait été
menée.
Ici, la question est toute autre. Le tribunal condamne les propos tenus par un avocat à l’audience en allouant des dommages-intérêts aux parties civiles. Les propos tenus par mon confrère étaient-ils excessifs ? Devaient-ils faire l’objet de poursuites séparées voire de poursuites disciplinaires engagées par l’ordre des avocats ? Ici encore, il ne me revient pas de me prononcer sur ces points n’ayant pas assisté à cette audience.
Cependant, admettre que des propos tenus par un avocat dans l’exercice de ses fonctions, à l’audience, puissent être de nature à donner lieu à la condamnation de son client pose de très sérieuses questions. Notre droit connaît la responsabilité civile du fait d’autrui : par exemple celle des parents pour les fautes de leurs enfants ou des employeurs pour les fautes de leurs préposés. Ici l’avocat n’est ni l’enfant, ni le préposé de son client… Il est, au contraire, de par sa fonction, indépendant. Admettre le contraire revient une fois de plus à identifier - pour ne pas dire fusionner - l’avocat à son client, ce qui ne peut être admissible.
Étant donné qu’il sera difficile de condamner une partie civile pour des propos qui auraient été tenus par son avocat, cette décision crée « de facto » une différence de liberté de parole entre les parties
Par ailleurs, le tribunal se doit de statuer uniquement sur ce qui entre dans la prévention. Par construction, les propos tenus lors de l’audience n’entrent pas dans ce cadre, sauf à l’avenir à intégrer dans les citations «les propos qui seront tenus à l’audience». Cela sera pour le moins «créatif» et peu conforme avec nos principes fondamentaux.
L’action civile devant la juridiction pénale appartient, aux termes de l’article 2 du code de procédure pénale, à celles et ceux qui ont personnellement souffert du dommage «directement causé par l’infraction». Or ici, il semble difficile de retenir ce lien direct entre le préjudice et l’infraction poursuivie, puisque cette indemnisation ne trouve pas sa source dans l’infraction poursuivie, mais dans les propos tenus par l’avocat, faits parfaitement distincts les uns des autres.
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Enfin, si l’on se réfère aux règles applicables en matière de diffamation, les propos judiciaires ne peuvent, par principe, pas faire l’objet de poursuites lorsqu’ils sont prononcés à l’audience en lien avec le procès. Et étant donné qu’il sera difficile de condamner une partie civile pour des propos qui
auraient été tenus par son avocat, et qui auraient pu heurter le prévenu pouvant être par la suite relaxé, cette décision crée «de facto» une différence de liberté de parole entre les parties… Que dire de l’appréciation de propos tenus par les représentants du ministère public ?
Condamner un client pour les propos tenus par son propre avocat, pour l’ensemble de ces raisons, n’apparaît pas fondé. Il reviendra à la Cour de dire le droit sur ce point sans que l’émotion créée par ces propos, ne prenne le pas sur nos principes.