Un policier de Toronto qui avait manqué de prendre au sérieux un appel au 911 dans un cas de violence conjugale meurtrière a été rétrogradé mardi pour négligence dans l'exercice de ses fonctions devant un tribunal disciplinaire. La victime, Daniella Mallia, a été assassinée le 18 août 2022 par son ex-conjoint trois jours après l'appel d'urgence.

En plaidant coupable, l'agent Anson Alfonso avait admis qu'il n'avait pas suivi le protocole au sujet de la plainte d'une femme qui avait appelé le 911 après les menaces de Dylon Dowman.

Le policier avait été envoyé au domicile de Daniella Mallia le 15 août 2022. La victime avait appelé la police pour signaler que Dowman la menaçait et la harcelait par messages textes après leur rupture.

Son plaidoyer de culpabilité a permis d'apprendre que le policier et son coéquipier avaient passé 39 minutes à parler en personne avec la femme de 23 ans, mais que trois minutes avec son ex-conjoint au téléphone.

L'agent Alfonso avait expliqué qu'il avait compris à tort qu'il s'agissait de la parole de l'une contre celle de l'autre.

Daniella Mallia a été abattue par balle trois jours seulement après avoir avertie la police que son ex-petit ami la harcelait.

Photo : avec l'autorisation de la police de Toronto

Daniella Mallia avait dit à l'agent Alfonso et à son coéquipier qu'elle ne souhaitait pas que son ex-petit ami soit inculpé, par crainte de représailles, et qu'elle ne voulait pas voir un autre homme noir aller en prison.

Elle leur avait plutôt demandé une ordonnance contre Dylon Dowman pour qu'il ne s'approche pas d'elle.

Or, le protocole dicte que des accusations soient déposées contre quiconque dans les cas de violence entre partenaires intimes s'il existe suffisamment de preuves pour le faire.

Décision de l'arbitre du tribunal

L'agent Alfonso est rétrogradé au grade de policier de seconde classe durant une période de 18 mois et il devra suivre une formation complémentaire en matière de violence conjugale.

Dans sa décision, le surintendant Shane Branton, explique que l'agent Alfonso doit être tenu responsable de ses actions ou dans ce cas-ci de son inaction.

Il n’a pas réussi à satisfaire aux exigences du public et de son employeur, dit-il en rappelant que les policiers sont soumis à des normes professionnelles plus élevées que les autres membres de la communauté.

Des membres de la famille de Daniella Mallia ont assisté en silence à l'audience sur la sanction de l'agent Alfonso (assis en bleu devant eux).

Photo : Radio-Canada / Pam Davies

Plusieurs facteurs aggravants ont été pris en compte dans la détermination de la sanction par le superintendant Branton, comme l'impact de la faute du policier sur la famille de la victime, sur la réputation du service de police et sur la confiance du public.

Ce genre de négligence ne sera pas tolérée au sein du service de police et doit être vivement dénoncée pour maintenir la confiance du public dans les forces de l'ordre, déclare-t-il.

La faute de l'agent Alfonso a eu un impact considérable sur les relations entre la police et le public, précise-t-il.

L'avocate de la poursuite, Samantha Brown, obtient la sanction qu'elle avait demandée ; la défense ne s'y était pas opposée de toute façon.

Photo : Radio-Canada / Pam Davies

Le superintendant Branton a aussi pris en compte quelques facteurs atténuants, comme le plaidoyer de culpabilité de l'agent Alfonso, ses remords, ses excuses à la famille Mallia, son parcours professionnel jusque-là sans faille et 12 lettres de recommandations.

Je suis convaincu que l'agent Alfonso retiendra sa leçon durant de longues années, même lorsque sa réputation sera rétablie et qu'il redeviendra un membre performant de son service, poursuit le superintendant Branton en ajoutant que les perspectives de réinsertion du policier sont bonnes.

Premier et dernier avertissement

L'arbitre lui sert en revanche une mise en garde selon laquelle il risquera d'être renvoyé s'il devait commettre la même erreur. Il s'agit de sa dernière chance, conclut-il.

L'agent Alfonso était accusé au départ d'inconduite, de désobéissance et de négligence professionnelle, mais la poursuite a laissé tomber deux accusations en échange de son plaidoyer de culpabilité.

La poursuite et la défense sont satisfaites dans la mesure où il s'agit d'une position punitive conjointe.

L'acte d'accusation du 29 mars 2023 contre l'agent Anson Alfonso, qui a depuis plaidé coupable à l'une des 4 accusations auxquelles il faisait face.

Photo : Radio-Canada / Jean-Philippe Nadeau

Le coéquipier du policier, l'agent Sang Youb Lee, avait lui aussi plaidé coupable d'une accusation de manquement à son devoir, il y a deux ans, devant le même tribunal de police.

Il a depuis été rétrogradé au rang de policier de deuxième classe pendant une période de 12 mois. Dans son cas, son employeur avait toutefois tenté de le faire renvoyer, sans succès.

Dylon Dowman a quant à lui été condamné à la perpétuité sans droit de libération conditionnelle avant 25 ans au terme de son procès criminel en février dernier.