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FIGAROVOX/TRIBUNE - Le Parlement européen s’apprête à voter, ce 17 juin, une refonte de la directive européenne relative à la lutte contre les abus sexuels et l’exploitation sexuelle des enfants. Mais l’exposition des mineurs à la pornographie en ligne reste un angle mort, regrette Priscille Kulczyk.
Priscille Kulczyk est chercheur associé au Centre européen pour le droit et la justice (ECLJ).
L’Union européenne a pris l’heureuse initiative de réviser ses règles visant à combattre les abus et l’exploitation sexuels des enfants, ainsi que la pédopornographie. L’objectif est de parvenir à en protéger les enfants le plus largement possible en appréhendant tous les types d’abus sexuels, en tenant compte de la dimension numérique de ces crimes résultant des évolutions technologiques, et en développant la prévention et l’assistance aux victimes.
Le Parlement européen travaille donc actuellement sur la refonte de la directive de 2011 relative à la lutte contre les abus et l’exploitation sexuels des enfants, ainsi que la pédopornographie : le 17 juin prochain à Strasbourg auront lieu un débat et un vote en séance plénière sur un texte de compromis adopté le 13 mai en Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures.
Des amendements portés notamment par François-Xavier Bellamy (Les Républicains) et d’autres députés du Parti populaire européen (PPE) ont permis d’y intégrer une disposition prévoyant que les États prennent les mesures nécessaires pour que soit incriminé le fait d’exposer un enfant, intentionnellement et à des fins sexuelles, à des contenus pornographiques. Malheureusement, d’autres de leurs amendements destinés à empêcher l’exposition des enfants à la pornographie en ligne causée par l’insuffisante protection des sites pornographiques n’ont pas été pris en compte. Comme si les conséquences d’une telle exposition n’intéressaient pas au premier plan la lutte contre les abus et l’exploitation sexuelle des enfants.
Le lien entre l’exposition des enfants à la pornographie et les abus sexuels, l’exploitation sexuelle et la prostitution des mineurs est pourtant avéré. Une telle exposition, en particulier lorsqu’elle n’est pas intentionnelle, est une violence sexuelle faite aux enfants. Or le premier contact avec la pornographie est la plupart du temps accidentel, ce qui est le cas pour 40 à 70 % des adolescents comme le rapporte Maria Hernandez-Mora, psychologue clinicienne spécialiste du sujet.
De manière générale, il s’agit d’une expérience traumatique comparable à un viol psychique pouvant comporter des conséquences analogues à celles de l’abus sexuel réel. Ainsi, ce n’est pas un hasard si l’article 227-24 du Code pénal français, qui punit de trois ans d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende le fait de laisser la pornographie à la portée des mineurs, figure dans un paragraphe relatif aux « infractions sexuelles commises contre les mineurs », appartenant lui-même à une section traitant « de la mise en péril des mineurs » dans un titre concernant les « atteintes à la personne humaine ».
L’exposition des enfants à la pornographie en ligne serait également la cause d’une multitude de violences sexuelles sur des enfants, commises pour certaines par d’autres enfants. Les psychologues notent ainsi depuis plusieurs années une augmentation de la reproduction de conduites sexuelles violentes par des enfants. Même constat troublant du côté du ministère de la Justice dans un rapport d’octobre 2022 : avec une « hausse significative entre 1996 et 2018, près d’une affaire sur deux de viols et d’agressions sexuelles sur mineurs traitées par le parquet en 2020 implique un mineur auteur ».
La question de l’exposition des mineurs à la pornographie a toute sa place dans une directive européenne dont l’objectif affiché est de combattre, notamment par la prévention, les abus et l’exploitation sexuels contre les enfants
Priscille KulczykUn témoignage éloquent dans la Revue de l’enfance et de l’adolescence montre aussi cette corrélation : « Les patients que nous rencontrons mentionnent fréquemment un contact répété voire un usage massif de pornographie, comme dans le cas de X., 15 ans (…), mis en examen pour agressions sexuelles sur des filles de son école et pour le viol de deux de ses voisins âgés de moins de 10 ans ». Enfin, l’« augmentation de l’exploitation sexuelle et de la prostitution des enfants », en particulier des filles « piégées dans la prostitution (…) parfois dès l’âge de huit ans » est également une conséquence de l’exposition précoce à la pornographie, comme le relève la rapporteuse spéciale de l’ONU sur la violence à l’égard des femmes et des filles dans un rapport en 2024. Elle dénonce notamment les effets néfastes de l’hypersexualisation des enfants dans une société pornifiée dont les jeunes sont poussés à adopter les codes.
Face à une telle violence, il importe que les responsables rendent des comptes : les plateformes qui diffusent des contenus pornographiques sans en protéger efficacement l’accès sont parfaitement au courant que les enfants les fréquentent. Selon l’ARCOM, 2,3 millions de mineurs visitent chaque mois ces sites. Ils représentent 12 % de leur audience. Ainsi, enfant rime avec argent dans un système économique basé sur les revenus de la publicité, sans compter qu’ils sont les clients de demain.
Pire, les sites dont les sociétés éditrices sont basées dans un État membre de l’Union européenne vont jusqu’à invoquer le droit européen et le « principe du pays d’origine » résultant de la directive de 2000 sur le commerce électronique pour neutraliser le droit d’un autre État membre qui s’avérerait plus protecteur des enfants en ligne. La Cour de justice de l’Union européenne sera amenée prochainement à clarifier cette situation puisqu’une question préjudicielle lui a été posée sur ce point par la France. En attendant, la dignité, la santé et la sécurité des enfants continuent d’être sacrifiées en connaissance de cause par une industrie pornographique dépourvue de tout scrupule.
Une violence doit être réprimée, mais surtout prévenue. Alors que l’exposition des mineurs à la pornographie en ligne constitue une violation majeure des droits de l’enfant commise actuellement à grande échelle, cette question a toute sa place dans une directive européenne dont l’objectif affiché est de combattre, notamment par la prévention, les abus et l’exploitation sexuels contre les enfants.
Les députés européens doivent prendre conscience que ne pas demander aux États membres de prendre les mesures nécessaires afin d’empêcher la diffusion de pornographie en ligne dans des conditions dans lesquelles les enfants y ont accès compromettrait gravement l’efficacité future de cette directive. En effet, cela reviendrait à ignorer un pan entier du problème des abus et de l’exploitation sexuels des enfants que l’Union européenne prétend vouloir combattre.