D’après un article d’Angie Orellana Hernandez publié dans le Washington Post le 9 juin 2025

Selon un rapport approfondi du Pew Research Center, les années 2010 ont marqué une inflexion majeure dans les dynamiques religieuses mondiales. Si le christianisme demeure la religion la plus pratiquée sur la planète, il perd du terrain en proportion, tandis que l’islam continue son ascension rapide. Angie Orellana Hernandez rapporte que l’étude, basée sur plus de 2 700 recensements et sondages, met en lumière une transformation démographique qui pourrait faire de l’islam la première religion mondiale dans les décennies à venir.

En chiffres, le nombre total de chrétiens dans le monde est passé à 2,3 milliards, mais leur part relative a chuté à 28,8 %, soit 1,8 point de moins qu’en 2010. Cette baisse est principalement due à la désaffiliation religieuse, un phénomène marqué dans les sociétés occidentales. En parallèle, la population musulmane a connu une hausse équivalente de 1,8 point, atteignant 25,6 % de la population mondiale.

Conrad Hackett, principal auteur du rapport, souligne que cette tendance traduit un rapprochement spectaculaire entre les deux grandes religions mondiales : « Pendant cette période, les populations musulmanes et chrétiennes ont commencé à se rapprocher en taille. Les musulmans ont connu la croissance la plus rapide parmi les grandes religions. »

Jeunesse, natalité et stabilité

L’islam bénéficie de plusieurs facteurs démographiques favorables : une population plus jeune, un taux de natalité plus élevé et un taux de désaffiliation très faible. L’âge moyen des musulmans était de 24 ans en 2020, contre 33 ans pour les non-musulmans. Cette jeunesse favorise naturellement une croissance accélérée.

En revanche, le christianisme, notamment en Europe et en Amérique du Nord, subit une érosion accélérée. Hackett note : « Pour chaque jeune adulte qui devient chrétien, trois quittent la religion. » Le phénomène de switching religieux touche essentiellement les chrétiens, et alimente la montée du groupe des sans religion.

Les sans religion : la troisième force en pleine expansion

Les « non-affiliés » représentent désormais 24,2 % de la population mondiale, contre 23,3 % en 2010. Ce groupe est particulièrement massif en Chine, avec 1,3 milliard de personnes, mais aussi aux États-Unis (101 millions) et au Japon (73 millions). Le rapport rappelle que beaucoup de ces personnes peuvent entretenir des croyances spirituelles ou religieuses, sans pour autant se rattacher à une étiquette confessionnelle.

Hackett souligne que les chercheurs s’attendaient à un déclin des non-affiliés, compte tenu de leur vieillissement et de leur faible taux de fécondité. Mais la dynamique de désaffiliation massive du christianisme a inversé les prévisions.

L’Afrique subsaharienne : nouveau bastion chrétien

Le rapport révèle également un glissement géographique du christianisme : alors que l’Europe était historiquement le centre de cette religion, l’Afrique subsaharienne en héberge désormais 31 % des fidèles. Cette croissance est due à une natalité élevée et à une population jeune, contrastant avec le vieillissement et la sécularisation de l’Europe.

Bouddhisme en recul, hindous et juifs stables

Parmi les autres religions, le bouddhisme est le seul grand courant à avoir perdu des fidèles en nombre absolu : 324 millions en 2020, contre 343 millions en 2010. Les hindous et les juifs, eux, maintiennent leur part proportionnelle à la population mondiale.

Hackett conclut en mettant en garde contre les lectures hâtives : « On entend parfois parler de réveils religieux, et cela peut se produire localement. Mais notre étude décennale montre que, globalement, beaucoup de gens s’éloignent de la religion. »

Il annonce que le Pew Research Center prépare désormais des projections démographiques précises pour estimer à quelle date l’islam pourrait dépasser le christianisme en nombre de fidèles.