«[…] attachée à mes reins, [cette tunique] a rongé toutes mes chairs, et, pénétrant jusqu’aux artères du poumon, elle a déjà bu la substance de mon sang, et tout mon corps se pourrit dans cette aveugle étreinte.» Sommet du gore antique, Les Trachiniennes de Sophocle allongent avec perversité l’un des plus horribles martyrs des mythes grecs: le supplice d’Héraclès, après qu’il a revêtu, à l’invitation de Déjanire, son épouse, ladite tunique, contaminée à la fois par le sang de son ancien propriétaire – le centaure Nessos – et par les venins de l’Hydre de Lerne.
En 2011, le Journal of the German Society of Dermatology publiait un étonnantarticle, dont les signataires indiquaient que cette tragédie du Ve siècle av. J.-C. pourrait bien, en s’appesantissant ainsi sur la mort lente et douloureuse du plus vénéré des héros, avoir donné la première description clinique des symptômes de la sclérodermie systémique – il s’agit de cette affection généralement comprise comme une maladie auto-immune entraînant une fibrose (autrement dit: la formation de tissu cicatriciel) au niveau de plusieurs organes: cœur, poumons, système digestif, reins. Une maladie rare, et grave.