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Ce texte est tiré du Courrier de l’environnement. Pour vous abonner gratuitement, cliquez ici.
Le gouvernement du Québec déménagera dès 2028 le traversier de Rivière-du-Loup, qui fait la navette entre cette ville et Saint-Siméon, au port de Gros-Cacouna. Cette décision soulève des questions pour la protection du béluga dans ce secteur critique pour les femelles et les jeunes. Mais le changement de quai pourrait aussi permettre de réduire la pollution sonore à laquelle sont exposés constamment ces cétacés en voie de disparition.
Selon les informations rendues publiques par le gouvernement Legault et la Société des traversiers du Québec (STQ), le traversier partira donc du port de Gros-Cacouna d’ici trois ans en utilisant des installations temporaires. Mais d’ici 2031, il est prévu de construire un nouveau quai à l’intérieur de la zone du port selon « des pratiques respectueuses de l’environnement ».
La STQ précise que le déménagement est nécessaire en raison de l’« ensablement » constant du secteur de Rivière-du-Loup, qui l’oblige à effectuer année après année de coûteux travaux de dragage et de relâchement de sédiments directement dans l’habitat essentiel du béluga, dans une portion du Saint-Laurent qui fera partie de l’expansion du parc marin du Saguenay–Saint-Laurent prévue cette année.
La société d’État évoque d’ailleurs « une réglementation de plus en plus restrictive de Pêches et Océans Canada », soit la Loi sur les espèces en péril. Celle-ci sert en fait à protéger un secteur qui est essentiel pour les femelles et les jeunes, soit la portion la plus vulnérable de cette population menacée par la pollution sonore et la dégradation de son habitat.
Avec le déménagement au port de Gros-Cacouna, la STQ prévoit aussi l’arrivée d’un nouveau navire plus imposant, le NM Saaremaa I, qui pourra effectuer le trajet même en période hivernale. À titre de comparaison, le navire actuel, le NM Trans-Saint-Laurent, a effectué 1622 traversées en 2023-2024, mais sans fonctionner en hiver. Qui plus est, au nouveau quai, « un dragage d’entretien pourrait être requis, mais exceptionnellement ».
Le secteur de Gros-Cacouna a toutefois souvent été présenté comme la « pouponnière des bélugas » du Saint-Laurent, en raison de la forte présence de femelles accompagnées de très jeunes bélugas à cet endroit. Les femelles en fin de gestation sont aussi reconnues pour fréquenter cette portion de l’estuaire, possiblement pour y retrouver les ressources alimentaires nécessaires afin de compléter leur gestation.
Nuisance pour les bélugas ?
Dans ce contexte, est-ce que le déménagement augmentera les nuisances pour les bélugas, qui connaissent déjà une véritable série noire de mortalités depuis plus d’une décennie ?
Directeur scientifique du Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM) et expert des bélugas depuis plus de 40 ans, Robert Michaud estime que les recherches sur l’espèce pourraient permettre de trouver une solution positive pour ce cétacé emblématique de la fragilité de l’écosystème du Saint-Laurent.
« En tant que scientifique, je peux dire que le déménagement du traversier pourrait être bénéfique pour les bélugas si on adopte une stratégie dynamique de gestion du trajet du traversier », résume-t-il en entrevue au Devoir. Il faut savoir que le traversier qui part de Rivière-du-Loup passe systématiquement au sud de l’île aux Lièvres. Au départ de Gros-Cacouna, la STQ pourrait opter pour ce trajet, mais aussi pour une autre route maritime qui passe au nord de cette île.
Les travaux des experts permettent d’ailleurs de documenter de mieux en mieux les secteurs de prédilection pour les bélugas, que ce soit pour l’alimentation, pour le repos ou pour les déplacements de ces animaux grégaires. Il a ainsi été démontré que des femelles sont bien présentes au sud de l’île aux Lièvres dès le printemps, soit dans les dernières semaines de leur gestation. Ce secteur serait potentiellement très important pour leur alimentation.
M. Michaud souligne ainsi que l’évitement de cette zone pendant une partie de l’année pourrait réduire les nuisances au cours d’« une saison critique », ce qui entraînerait des gains en vue du rétablissement du béluga, qui se trouve aujourd’hui dans une situation inquiétante, avec des mortalités élevées de femelles et de jeunes qui hypothèquent son avenir.
Gestion du trajet
Le directeur scientifique du GREMM va plus loin en suggérant d’étudier l’idée de faire une gestion en temps réel du trajet du traversier, grâce au déploiement d’hydrophones et au recours aux technologies qui permettent de modéliser la présence et les déplacements des animaux. « Ce n’est pas de la science-fiction », affirme Robert Michaud, en soulignant que des chercheurs travaillent sur des projets similaires pour les épaulards de la côte ouest canadienne.
« Avec ces outils, on pourrait guider la prise de décision. Si, par exemple, il y a des bélugas de chaque côté de l’île aux Lièvres, on pourrait voir s’il s’agit de mâles ou de femelles. S’il y a plus de bélugas au nord, mais que ce sont des mâles, il pourrait être pertinent d’exposer davantage les mâles, puisque l’impact sur le rétablissement de la population sera alors moindre que si on expose les femelles avec des jeunes. »
L’expert souhaite que ces questions soient entendues dans le cadre de l’évaluation environnementale portant sur le déménagement du traversier. La STQ refuse pour sa part de s’avancer sur le trajet que pourrait utiliser le nouveau navire, plus gros et plus rapide. « Il est trop tôt pour s’avancer sur les routes maritimes que prendra le traversier et sur l’horaire des traversées », indique-t-on par courriel.
Zones d’ombre sur les impacts du dragage pour le béluga
Le gouvernement Legault a autorisé en 2023 la Société des traversiers du Québec (STQ) à draguer et à rejeter des sédiments pendant dix ans dans un habitat essentiel du béluga du Saint-Laurent. Il doit aussi prendre sous peu une décision pour un autre programme de dragage, cette fois du côté du port de Gros-Cacouna. Quels sont les impacts du dragage pour le béluga, une espèce vulnérable à la pollution sonore et au rejet de sédiments potentiellement contaminés dans son habitat ? À l’heure actuelle, il n’existe aucune étude scientifique permettant d’évaluer les effets de ces opérations de dragage sur cette espèce en voie de disparition. Dans son rapport portant sur le projet de dragage de Gros-Cacouna, le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) a d’ailleurs recommandé au gouvernement du Québec et autorités fédérales de réaliser une « étude » sur les effets du bruit du dragage. Interpellés par Le Devoir, ni Québec ni Ottawa n’ont pris l’engagement de réaliser une telle étude. Dans le cas de ces deux projets, la portion des rejets de sédiments se déroule dans une zone qui sera ajoutée au parc marin du Saguenay–Saint-Laurent dans le cadre du projet d’expansion élaboré pour augmenter la protection du béluga.