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«Entre absence de vision, méritocratie dévoyée et recul de la production scientifique, la recherche française suffoque»

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FIGAROVOX/TRIBUNE - Mardi 17 juin, le Conseil européen de la recherche annonçait les lauréats de son prestigieux appel à projets « ERC Advanced Grants » 2024. Les chercheurs français y occupent une place révélatrice de la faillite de notre université, alerte le biochimiste et généticien Jean-Marc Egly.

Membre de l’Académie des sciences, Jean-Marc Egly est directeur de recherche à l’Inserm, lauréat du grand prix de la recherche médicale de l’Inserm (2004) et de la Fondation pour la recherche médicale (2012).


La maison France brûle. Et la science étouffe. Tandis que l’on s’émeut de l’invasion de l’Ukraine ou du conflit israélo-palestinien, notre propre pays s’effondre à bas bruit. L’économie vacille, l’hôpital public agonise, et la recherche française, jadis enviée, suffoque dans des laboratoires, nos universités déclinent, comme si nous avions déjà oublié ce dont la France fut capable. Et pourtant, dans un déni pathétique, mêlant inconscient et provocation, certains s’autorisent à croire qu’ils peuvent encore sauver l’Amérique !

Mais la réalité nous rattrape brutalement. Ainsi, sous les bustes imposants des grands noms de la science française, dans la solennité de la Salle des séances de l’Institut de France, nous apprenons les résultats de l’appel à projets européen « ERC Advanced Grants », le plus prestigieux dispositif de soutien à la recherche.

Sur 83 lauréats européens en sciences du vivant, seuls 4 sont français. Moins que le Royaume-Uni (14), l’Allemagne (10), l’Italie (9), l’Autriche et la Belgique (6). Et le constat devient encore plus cruel si l’on rapporte ces chiffres à la population ou au nombre de chercheurs en activité, dont la France est l’un des pays les mieux dotés. Il y a une décennie, nous étions à égalité avec les meilleurs. Aujourd’hui, nous nous effaçons. Et cette tendance se confirme : recul de la production scientifique, présence dans les congrès internationaux en baisse, désintérêt croissant des chercheurs étrangers notamment européens pour nos laboratoires. À ce rythme-là, bientôt, il ne restera plus que les bustes pour se souvenir de ce que nous fûmes.

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À cela s’ajoute un mal plus profond : l’absence de vision. Depuis 50 ans, les nominations à la tête des ministères, des organismes ou des universités témoignent d’un désintérêt politique manifeste. Les postes clés sont confiés à des gestionnaires, rarement porteurs d’une ambition scientifique ni d’une influence politique, et trop souvent déconnectés du monde académique international.

Ailleurs, les grandes institutions (NIH, Caltech, Max Planck, FNS…) sont dirigées par des scientifiques de renom — parfois même lauréats du Prix Nobel. En France, ce sont des logiques d’entre-soi qui dominent, ou la démagogie joue un rôle primordial. Seule une minorité des présidents d’universités sont issus des sciences dures. Peu sont reconnus hors de nos frontières. Dans ces conditions, comment espérer être pris au sérieux sur la scène mondiale ?

L’université, cœur de la recherche, est en crise. On oublie trop souvent le rôle central de l’université, sachant qu’un enseignement de qualité est indissociable d’une recherche dynamique. Les meilleurs chercheurs ont rejoint les organismes de recherche (CNRS, Inserm, Inra, ..) ; ceux restés à l’université croulent sous les charges d’enseignement et les réunions. Parmi les plus de 400 contrats ERC obtenus dans les sciences du vivant depuis leur création, seule une trentaine sont portés par des universitaires. De moins en moins d’unités de recherches sont dirigées par des universitaires.

L’étudiant n’est plus formé par des chercheurs actifs, mais par des enseignants isolés du monde de la recherche. La passion ne se transmet plus. L’exigence s’efface. Comment transmettre la passion de la recherche ou la rigueur du raisonnement si le maître est absent ?

Le doctorat, limité à trois ans est devenu une sorte de certificat de stage sanctionné par la simple cosignature d’un article, sans que l’on distingue si son auteur a été moteur du travail ou simple figurant

Jean-Marc Egly

Et les statuts aggravent la situation. Ils figent, ils contraignent, ils découragent. Les labos sont vides les week-ends ! Ils imposent dans les faits 37h30 de travail hebdomadaire et un grand nombre (allant de 38 à 51,5 jours) ouvrables (RTT inclus) de congés par an — un modèle inadapté à la réalité du métier et une spécificité bien française. À titre de comparaison, un professeur d’université aux États-Unis n’a droit qu’à 25 jours, en Allemagne, 30 jours, en Grèce, 26, ce qui était notre cas il y a plus de quinze ans !

Le doctorat, limité à trois ans est devenu une sorte de certificat de stage sanctionné par la simple cosignature d’un article, sans que l’on distingue si son auteur a été moteur du travail ou simple figurant. Ailleurs, il s’étale sur quatre à six ans, avec de vrais critères d’excellence. Nos thèses ne séduisent plus ; nos laboratoires n’attirent plus.

L’exigence elle-même est devenue suspecte. Vouloir prévenir les abus est légitime. Mais on confond parfois exigence et harcèlement. Or, la science — surtout en biologie — ne connaît ni horaires fixes ni week-ends. Comment imaginer mettre en pause des systèmes vivants comme les biomolécules, les lignées cellulaires ou les animaux modèles ? Leurs cycles biologiques imposent une disponibilité, parfois imprévisible, qui ne peut s’accorder avec une stricte logique de jours ouvrables. La recherche nécessite du temps, de l’engagement, de la disponibilité. C’est un métier de passion, pas une fonction de bureau.

Les conseils scientifiques, eux, ont dévié de leur rôle. Désormais dominés par des considérations sociales ou syndicales, ils peinent à valoriser l’excellence. Les primes de recherche disparaissent, les promotions se figent. L’élitisme est suspect et l’excellence devient un mot tabou, une aberration, vu la faiblesse des salaires et le besoin de reconnaissance dans le métier.

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Et pourtant, les talents sont là. Le programme ATIP-Avenir de l’Inserm/CNRS ou les Grandes avancées françaises en biologie de l’Académie des sciences en témoignent. Ce qui manque, c’est une ambition collective, une gouvernance forte, une stratégie claire et l’audace d’affronter les enjeux mondiaux.

Dans l’entreprise ou le sport, une crise appelle des actes. Pourquoi pas en recherche ? Il nous faut tout d’abord admettre la réalité et de penser avenir de la France d’abord en décidant quelques actions :

1)L’université n’étant pas armée pour porter seule l’ambition de la recherche, il serait souhaitable d’intégrer les chercheurs dans un corps professoral unifié avec recherche et enseignement pour tous. La mise en place de véritables partenariats avec les organismes de recherche, fondés sur une exigence partagée d’excellence serait une autre option ;

2) Coordonner les actions des divers organismes via la mise en place d’Alliances par exemple pour les sciences de la vie ;

3) Revoir les modes de nominations dans la recherche et l’université avec de vrais comités de sélection ainsi que la composition des conseils et comités scientifiques des organismes ;

4) Se recentrer sur la science ayant comme seul critère l’excellence, et confier les questions sociales aux instances appropriées ;

5) Revaloriser les salaires, et rompre avec le système fonctionnaire du temps de travail.

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