Dans une petite maison aux briques défraîchies de la capitale ougandaise Kampala, l’infirmière Jane Mwesige entame un doux gospel qui parle d’abandon à Dieu, l’un des favoris de son patient Jonathan Luzige.
Mêlant soutien psychologique et spirituel à des soins médicaux, ces visites à domicile font le quotidien de Mme Mwesige, employée de l’Hospice Africa Uganda, un établissement pionnier qui s’est spécialisé dans une approche holistique de l’accompagnent des personnes en fin de vie.
« Les soins palliatifs consistent simplement à prendre soin des patients », explique-t-elle. « Chacun d’entre nous, ou l’un de nos proches, peut avoir besoin de ce service. »

M. Luzige, un jeune homme de 30 ans souffrant d’un cancer du colon, ne peut plus quitter son lit depuis des mois. Mais il se joint très volontiers au chant.

« Je suis très heureux, savoir que des gens sont capables de prendre soin de moi me fait me sentir plus fort », affirme-t-il.

Fondé en 1993 par la docteure Anne Merriman, Hospice Africa Uganda a introduit dans ce pays pauvre d’Afrique de l’Est les soins de fin de vie, à une époque où cela n’existait que dans trois États africains.
La « jaja » des soins palliatifs en Afrique
Lorsque Mme Merriman est décédée en mai dernier, à l’âge de 90 ans, elle avait depuis longtemps gagné le surnom de « jaja » (« grand-mère » en luganda) des soins palliatifs en Afrique. Elle avait alors traité plus de 40.000 patients en Ouganda et son modèle avait été répliqué dans 37 pays du continent.

Médecin née en Grande-Bretagne de parents irlandais, Mme Merriman est devenue religieuse chez les Missionnaires médicales de Marie. Elle part ensuite à Singapour, où elle commence à travailler sur la fin de vie.
A son arrivée en Ouganda en 1993, le pays est en proie à l’épidémie de sida et elle ne parvient à réunir des fonds ne couvrant que trois mois de travail, avec une équipe réduite.
Une solution orale de morphine pour soulager la douleur
Mais Mme Merriman convainc le gouvernement d’autoriser l’importation de morphine en poudre, nécessaire pour fabriquer une solution orale qu’elle avait mise au point à Singapour.

Simple à fabriquer, elle est devenue disponible pour des milliers de patients. Encore aujourd’hui, elle est distribuée gratuitement aux hôpitaux et cliniques par le gouvernement.

Face à la pénurie de médecins, Mme Merriman s’est également battue pour que la loi autorise les infirmières à prescrire de la morphine et à l’apporter directement au domicile des patients.
« Anne avait une détermination et une volonté immenses », a déclaré lors de ses funérailles l’ambassadeur irlandais en Ouganda, Kevin Colgan. « Quand Anne entendait un ‘non’, elle le transformait toujours en ‘pourquoi pas’. »
Un besoin considérable en soins palliatifs
Environ 500.000 personnes auraient besoin de soins palliatifs en Ouganda, selon l’Organisation mondiale de la santé. Mais seuls 11% y ont accès.
L’année dernière, les 90 employés de l’hospice ont soigné environ environ 2.000 patients dans trois districts du pays, à domicile ou dans leurs locaux. Ils se heurtent parfois à des résistances.

« Certains patients ne veulent pas être orientés vers l’hospice, car (…) ils ont l’impression qu’ils vont mourir demain », souligne Prossy Nkayanga, la directrice d’Hospice Africa Uganda.

Dans un pays où 40% des habitants vivent avec moins de 2,15 dollars par jour selon la Banque mondiale, de nombreux Ougandais n’ont pas les moyens de se soigner.
Sa sœur qui s’occupe de lui, a du quitter son emploi
Le cancer de M. Luzige, diagnostiqué en 2022, s’est propagé à son foie. Ce diplomé d’une école de commerce ne peut plus travailler. Sa sœur Josephine Namawejje, qui s’occupe de lui, a du quitter son emploi de nourrice. Elle se débrouille en vendant des snacks dans les magasins alentours.
« C’est très dur de voir son grand frère dans un tel état », murmure-t-elle. « C’est mon meilleur ami ».

Le personnel de l’hospice espère que ses programmes pourront toucher davantage de personnes comme Luzige, gardant ainsi intact l’héritage d’Anne Merriman.

« J’ai continué à veiller sur elle »
Jane Mwesige s’est elle-même occupée de la missionnaire avant sa mort, la berçant de chansons comme les autres patients.
« J’ai fait de mon mieux pour m’assurer que j’utilisais tout ce qu’elle nous a enseigné pour qu’elle soit aussi bien que possible », raconte l’infirmière. « Je n’ai jamais laissé tomber. J’ai continué à veiller sur elle. »
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