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En Afrique du Sud, J.P. Morgan investit des centaines de millions de fonds “verts” dans les mines de Glencore 

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Josephine Moulds du Bureau of Investigative Journalism, Julia Evans du Daily Maverick et Ed Stoddard ont contribué à cette enquête, qui est coordonnée par Voxeurop avec le soutien de la bourse Bertha Challenge.

“Dans notre société empreinte de cynisme, il arrive souvent que les sociétés minières accumulent des bénéfices sans rendre compte à leurs actionnaires des coûts environnementaux et sociaux que doivent subir les populations pauvres et déshéritées qui vivent sur place”. Mariette Lifferink fulminait lorsqu’elle écrivait à J.P. Morgan  pour lui faire part de son indignation face aux agissements de l'entreprise.

Dans le langage alambiqué du monde des affaires, la présidente de l’ONG Fédération sud-africaine pour un environnement durable s’adressait à Chuka Umunna, responsable des solutions durables auprès du plus grand gestionnaire d'actifs au monde. Elle mettait en garde l'ancien député travailliste britannique, aujourd'hui banquier éthique apprécié : les fonds d'investissement verts de J.P. Morgan, censés garantir la propreté de l'eau et le respect des droits humains, financeraient en fait la pollution de l'eau dans sa province natale de Mpumalanga. Dans cette région à l'est de Johannesbourg, les habitants manquent d’eau potable et souffrent de différentes maladies depuis des décennies à cause de la pollution causée par l'exploitation du charbon.

Le prophète de la “transition juste” de J.P. Morgan s'occupera-t-il des parias de l'eau ?

Fils d'un ancien homme d'affaires nigérian, Umunna a été promu à son poste actuel en juillet 2024, après avoir rejoint la banque américaine en 2021. À l'époque, il était le principal conseiller en matière d'environnement, de société et de gouvernance (ESG) pour l'Europe, le Moyen-Orient et l'Afrique. Son rôle est d'aider les clients du géant de Wall Street à travers le monde à améliorer leurs performances en matière de développement durable.

Chuka UmunnaChuka Umunna. | Chris McAndrew/Wikipedia

Umunna, qui se présente comme éco-conscient, n’a toutefois pas répondu au message de Lifferink. Elle y faisait référence aux actions et obligations portant le label vert détenues par J.P. Morgan dans Glencore, la plus grande multinationale minière du monde, basée en Suisse et cotée aux bourses de Londres et de Johannesburg. Elle y citait également des rapports, obtenus confidentiellement du gouvernement sud-africain, qui prouveraient que Glencore aurait continuellement rejeté des polluants toxiques bien au delà des limites fixées par la loi dans l'eau dont les populations locales, pour la plupart des communautés noires défavorisées, font usage pour leur consommation, la pêche et l'agriculture. Enfin, Lifferink faisait remarquer que tout cela est incompatible avec la bonne gestion de l'eau mise en avant par les fonds verts de J.P. Morgan.

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Cerise sur le gâteau, le fonds de pension mis en place par J.P. Morgan pour son personnel britannique (qui fournit une allocation somptueuse aux cadres retraités actuels et futurs, y compris Umunna lui-même), ainsi que ceux mis en place par d'autres employeurs dans le pays, profiteraient des mêmes fonds soupçonnés d’écoblanchir la pollution de l'eau en Afrique du Sud, en dépit de tous les discours sur l'investissement responsable.

J.P. Morgan entretient une relation de confiance avec Glencore. En plus d'être actionnaire de la société suisse, la banque américaine a également organisé toutes ses émissions d'obligations et a souvent conseillé aux investisseurs d'acheter ses actions.

J.P. Morgan se fait le champion de l’investissement (non) durable chez Glencore

La législation européenne sur la finance verte (le règlement sur la divulgation des informations relatives à la finance durable, connu sous le sigle SFDR), entrée en vigueur en 2021, exige des gestionnaires d'actifs qu'ils divulguent à la fois les avantages environnementaux et sociaux ainsi que les impacts négatifs des activités dans lesquelles ils investissent. Mais l'espoir qu'une plus grande transparence encourage les investisseurs à détourner leurs capitaux vers des investissements plus durables est souvent contrarié par les tactiques trompeuses des institutions financières. Exploitant les lacunes du cadre réglementaire, les gestionnaires d'actifs investissent en effet massivement l'argent des investisseurs dans des placements commercialisés à travers toute l'Europe, où des activités désastreuses font l'objet d'un écoblanchiment ou “greenwashing”.

Avec 16,7 millions de tonnes d'émissions directes de carbone en 2023, Glencore est l'un des plus gros émetteurs de gaz à effet de serre (GES) au monde. Il attire les investissements par le biais de fonds présentés comme ESG (favorisant les améliorations environnementales, sociales et de gouvernance), comme nous l'avons révélé dans les volets précédents de cette enquête. La valeur des actions et des dividendes de la multinationale suisse a grimpé en flèche tout au long de l'année 2022, lorsque l'Europe a soudainement dû remplacer le gaz russe par d'autres sources d'énergie à la suite de l'invasion totale de l'Ukraine par Vladimir Poutine en février de la même année.

Les importations européennes de charbon en provenance d'Afrique du Sud ont alors augmenté de manière exponentielle. Des dizaines de gestionnaires d'actifs ont saisi l'occasion d'augmenter les rendements de leurs investissements verts en achetant et en vendant des actions et des obligations du géant minier suisse. Et cela tout en masquant l’impact néfaste du charbon derrière un paravent de méthodologies de diligence raisonnable taillées sur mesure, qui garantissaient la conformité formelle de leurs portefeuilles aux exigences peu contraignantes de l'UE.

Depuis l'entrée en vigueur de la loi européenne sur la finance verte, les gestionnaires d'actifs ont investi en moyenne 750 millions de dollars US par trimestre dans Glencore par l'intermédiaire de leurs fonds verts. Près de 10 % ont été investis dans des produits mal labellisés selon les nouvelles lignes directrices sur la dénomination des fonds adoptées en mai 2024 par l'Autorité européenne des marchés financiers (AEMF).

Avant 2022, la plupart des dix gestionnaires d'actifs ayant le plus profité de leurs investissements dans les fonds verts de Glencore ont enregistré des pertes. Ils ont gagné près de 570 millions de dollars depuis le début de la guerre entre la Russie et l'Ukraine, lorsque la valeur des actions et des dividendes de Glencore a atteint son maximum en février de la même année.

J.P. Morgan occupe la deuxième place dans la ruée mondiale vers les fonds “verdis” de Glencore sur le marché boursier. Sa filiale britannique a commercialisé des investissements d'une valeur moyenne annuelle de 54,8 millions de dollars et a continué à acheter sans interruption des actions de la société suisse. Son exposition, supérieure à celle de tout autre gestionnaire d'actifs, a augmenté de 14,15 millions de dollars entre le premier et le deuxième trimestre 2024. Les dernières données disponibles montrent que, fin novembre 2024, J.P. Morgan détenait un total de 43,34 millions de dollars d'actions.

Plus de 20 % de cette valeur réside dans des fonds portant le label ESG, ce qui contrevient aux directives de l'AEMF relatives aux investissements dans les combustibles fossiles tels que le charbon (1).

Plus de 20 % des investissements “verts” de Glencore (57,3 millions de dollars) détenus par les dix fonds les plus exposés (et commercialisés par divers gestionnaires d'actifs) sont actuellement entre les mains de J.P. Morgan, dont les investissements durables douteux dans Glencore dépassent le cadre du marché boursier. 

Depuis le début de l'invasion totale de l'Ukraine par la Russie jusqu'au deuxième trimestre 2024, J.P. Morgan pourrait avoir gagné jusqu'à 46 millions de dollars, ajoutant ainsi 7,7 millions d'actions Glencore à ses placements. La banque américaine a également prêté à Glencore au moins 203 millions de dollars par l'intermédiaire de fonds verts qui ont garanti des obligations émises par la société suisse entre 2021 et 2024. Ces fonds sont soupçonnés d’avoir directement subventionné les activités d’extraction de Glencore en Afrique du Sud.

Tous les fonds verts de J.P. Morgan proposent des prospectus d'information sur le développement durable similaires, tels qu'exigés par l'UE sur la base d'un modèle commun, bien qu'ils portent des noms différents et investissent dans des secteurs et des régions différents. Cela permet de diversifier l'offre et de l'adapter aux besoins des investisseurs, tout en suivant la même stratégie ESG.

Glencore accusé de polluer l’eau et de se moquer de la loi et de la santé

Les investissements de J.P. Morgan sont beaucoup moins verts à 9 000 km du bureau d'Umunna, dans l'hémisphère sud. La surconsommation d'eau et la pollution due à l'exploitation du charbon sont l'une des principales causes de la crise hydrique qui touche chroniquement plus de 4,2 millions de personnes vivant autour du bassin hydrographique du fleuve Olifant, dans le Mpumalanga. Cette situation a encore récemment défrayé la chronique (2) à eMalahleni (100 km à l'est de Johannesburg), la troisième plus grande municipalité de la province avec une population de 450 000 habitants. 

Le système d'approvisionnement ne répond pas aux normes de qualité de l'eau potable en raison de l'infiltration généralisée de produits chimiques, ce qui entraîne des maladies chez les habitants, principalement des diarrhées. L’essentiel de cette pollution provient des centaines de mines de charbon (en activité ou fermées) qui représentent près de 90 % de la production de charbon du pays. Au fil du temps, elles ont dévasté les zones humides fertiles, comme l'ont montré plusieurs études scientifiques (3). 

L'administration locale affirme qu'elle "n'a pas été en mesure d'exploiter les ressources en eaux souterraines à cause des mines. Cela entraîne l'émission et la dispersion de résidus miniers acides", bien qu'elle se soit engagée à améliorer la qualité de l'eau, dont une grande partie provient du bassin hydrographique d'Olifant.

 Julia Evans)L'entrée du complexe de Tweefontein, une mine de charbon située à Mpumalanga, en Afrique du Sud, et exploitée par Glencore. | Photo : ©Julia Evans/Daily Maverick

Glencore, l'un des plus grands producteurs de charbon d'Afrique du Sud avec trois exploitations détenues à 100 % et en coentreprise, exploite sa plus grande mine (la troisième du pays en 2021) à environ 20 km au sud-ouest de la capitale régionale, eMmalahleni. La mine de Tweefontein, qui est en partie à ciel ouvert et en partie souterraine, a augmenté sa production à près de 20 millions de tonnes par an, selon les données du ministère sud-africain de l'Eau et de l'Assainissement (DWS) pour 2021 (5).

En 2019, le cabinet d'avocats militants Center of Environmental Rights (CER) a inclus Tweefontein et Goedgevonden (également détenue par Glencore) dans sa liste noire des mines de charbon sud-africaines qui violeraient selon lui les lois nationales sur l'eau. Le respect des exigences en matière de gestion et de qualité de l'eau liées à la licence d'exploitation minière est une condition obligatoire pour la poursuite des activités. Malgré cela, la mine de Tweefontein n'aurait guère progressé et aurait ignoré les avertissements répétés des autorités nationales lui demandant de mettre en place un traitement efficace des eaux usées et de mettre fin à la pollution excessive qui affecte l'approvisionnement en eau propre des communautés situées en aval.

Le gouvernement n'a pris aucune mesure coercitive pour obliger Glencore à se conformer pleinement à la loi. "Nos autorités défaillantes cèdent aux pressions de l'industrie minière et n'ont pas le courage d'appliquer nos lois”, a déclaré Mariette Lifferink à Voxeurop.

La militante sud-africaine affirme avoir obtenu des éléments tendant à confirmer l’activité illicite persistante de Glencore grâce à des demandes d'accès à l'information (Freedom of Information, FOI) adressées au DWS, l'agence gouvernementale responsable de ces questions. Le DWS lui aurait fourni des dossiers confidentiels (consultés par Voxeurop), détaillant les fraudes soupçonnées par ses inspecteurs depuis 2017.

Certaines des violations semblent concerner également les deux autres mines de Glencore dans le pays (Goedgevonden et iMpunzi). Selon le rapport de suivi 2021, de nombreuses violations identifiées par le passé sur le site de Tweefontein ne seraient toujours pas résolues. En particulier, plusieurs polluants rejetés dans la rivière Tweefontein, qui traverse la concession du même nom, auraient continué à dépasser les limites de concentration fixées dans le permis d'utilisation de l'eau, qui a malgré tout été récemment renouvelé.

Il en va de même pour les autres rivières (Zaaiwaterspruit, Klippoortjiespruit et Rietspruit) que la rivière Tweefontein traverse en dehors des limites de la mine. Ces rivières, elles aussi polluées, sont des affluents du fleuve Olifant (géré par une autorité spéciale), dont le bassin versant est le plus important de la province et qui fournit de l'eau pour l'usage domestique, la pêche, l'agriculture et les écosystèmes qui s'étendent jusqu'au célèbre parc national Kruger. Une inspection de suivi réalisée en 2023 a révélé que, malgré quelques améliorations, des écoulements pollués et des dépôts toxiques subsisteraient à la mine, et que l'eau de Tweefontein ne répondrait pas, une fois de plus, aux normes de qualité suffisantes pour être réintroduite dans le réseau d'approvisionnement en eau.

 Julia Evans)La centrale électrique au charbon de Kendal d'Eskom près de Phola, située dans la ceinture houillère de Mpumalanga. La région est entourée de mines de charbon, notamment le complexe Tweefontein de Glencore, situé à seulement 15 km de là. | Photo : ©Julia Evans/Daily Maverick

En mars 2024, le gestionnaire du site de Tweefontein a envoyé une lettre au DWS dans laquelle il s'engageait à mettre en œuvre le plan d'assainissement qui avait été convenu avec l'inspection deux ans plus tôt.

Le ministère surveille actuellement la mise en œuvre du plan d'action et procédera à une inspection au cours du dernier trimestre de l'exercice financier 24/25”, a déclaré le DWS en réponse à nos questions. “S'il y a de sérieuses divergences entre ce qui a été planifié et ce qui est mis en œuvre, des actions plus marquées pourraient être nécessaires pour forcer le respect du plan d'action”.

Glencore a pour sa part refusé de commenter cette affaire, qui fait suite à d'autres controverses en matière d'environnement et de droits humains dans lesquelles le premier producteur mondial de charbon, mais aussi de cuivre et de zinc, a été impliqué au fil des ans, principalement au Pérou et en Colombie.

J.P. Morgan-Glencore : que la fête continue !

Comme tout autre gestionnaire d'actifs, J.P. Morgan s'appuie sur des données recueillies à la fois auprès des entreprises dans lesquelles elle investit et auprès de tiers pour quantifier l'impact (négatif ou positif) de ses investissements soi-disant verts. L'une des principales sources de données est l'agence de notation MSCI, qui attribue à Glencore une note moyenne pour les risques ESG, mais une note négative pour ce qui est de la conformité avec les objectifs de développement durable.

Dans les documents d'information sur le développement durable associés à ces fonds, J.P. Morgan admet qu'elle ne peut "garantir l'exactitude, la disponibilité ou l'exhaustivité de son système propriétaire ou des données de tiers". En effet, ni le gestionnaire d'actifs ni les analystes ESG n'auraient eu la moindre chance de découvrir la pollution excédentaire de l'eau de la mine de Tweefontein si Glencore n'avait pas pris l'initiative de les en informer.

En raison d'un devoir de diligence raisonnable lacunaire (négligeant des cas non signalés), J.P. Morgan a jusqu'à présent fait état d'un impact positif pour ses fonds verts, en dépit du fait que les investisseurs aient potentiellement tiré profit de la pollution de l'eau causée par Glencore en Afrique du Sud. Qui plus est, l'argent des investisseurs pourrait bien avoir été utilisé directement pour des activités ayant ravagé l’environnement par le biais de l'achat d'obligations de la société. En fait, le prospectus des obligations du géant minier suisse indique explicitement que les fonds seront utilisés pour financer les opérations minières de la société, y compris la mine de Tweefontein. Un porte-parole de Glencore a refusé de préciser quelle portion était destinée aux activités sud-africaines de l'entreprise, mais n'a pas nié que Tweefontein en avait également obtenu une part.


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Les fonds verts de J.P. Morgan s'engagent officiellement, entre autres, à "protéger les droits humains internationalement reconnus et à réduire les émissions toxiques". Ces engagements combinés impliquent que les entreprises présentes dans son portefeuille n'entravent pas l'accès à l'eau potable, qui est reconnu comme un droit humain en vertu du droit international, y compris par la mise en œuvre de la décontamination de l'eau (4) et est inscrit dans la Constitution sud-africaine.

Ces promesses sont affichées dans tous les documents d'information sur le développement durable des fonds, qui affirment respecter leurs engagements en excluant les entreprises impliquées dans des activités polluantes, y compris l’extraction du charbon. Cependant, la politique d'exclusion de J.P. Morgan permet d'investir dans des entreprises qui tirent moins de 20 % de leurs revenus de la production ou de la distribution du charbon. Cette exemption laisse le champ libre à l'écoblanchiment. "MSCI ESG Manager montre que Glencore a une exposition de 9,79 % (c'est-à-dire au charbon)", a déclaré à ce sujet un porte-parole de J.P. Morgan à Voxeurop.

Selon le rapport annuel 2023 de Glencore, le charbon ne compte que pour 6 % des recettes totales de la société ; mais il représente près de la moitié de ses profits.

En outre, la politique du fonds exclut les entreprises qui violent les normes de l'OCDE et de l'ONU imposant d'éviter la dégradation de l'eau douce et de remédier aux préjudices subis par les parties prenantes locales (6). Toutefois, cette exclusion est limitée aux entreprises incluses dans la toute petite partie des fonds de J.P. Morgan entièrement “durables”. Selon les règles de l'UE, cette partie ne peut inclure que des activités qui ne nuisent pas aux objectifs environnementaux clés selon le Règlement sur la taxonomie, tels que la protection de l'eau et la prévention de la pollution.

Le porte-parole de J.P. Morgan a refusé de préciser si cette partie, ou du moins la partie ESG plus générale qui vise à atteindre certains des objectifs du fonds (caractéristiques environnementales et/ou sociales), inclut Glencore. Ces deux sous-groupes d'investissements représentent au moins 20 % et 51 % respectivement des deux fonds labellisés à tort comme ESG, et une proportion différente des portefeuilles des autres fonds. Malgré ces seuils minimalistes, J.P. Morgan attire l'attention des investisseurs en utilisant la formule séduisante "fonds d'investissement durable" sur son site web.

"La conséquence folle des lacunes de la législation européenne est que les gestionnaires d'actifs peuvent théoriquement investir la partie non ESG de leurs fonds dans des entreprises qui ne respectent pas les normes internationales", souligne Nicola Koch, responsable de 2° Investing Initiative (2DII), un groupe de réflexion indépendant à but non lucratif qui s'efforce d'aligner les marchés financiers et les réglementations sur les objectifs de l'Accord de Paris sur le climat.

Ce que les données cachent de la réalité sur le terrain

Nous avons envoyé un courriel au service des relations avec les investisseurs de J.P. Morgan, mentionnant les griefs que Mariette Lifferink a adressés à Chuka Umunna. Nous avons demandé si les manquements de Glencore à Mpumalanga méritaient d'être examinés de près, car potentiellement en conflit avec les objectifs du fonds vert, et si cela pourrait conduire à une réévaluation de la performance globale des investissements en matière de développement durable et à une discussion avec la société minière, voire à son retrait du portefeuille. À ce jour, nous n'avons reçu aucune explication.

Nous savons que J.P. Morgan ne donne pas la priorité à la pollution de l'eau lorsqu'elle travaille avec des entreprises dans le cadre de ses fonds verts, bien qu'elle inclue la question des émissions d'eau dans ses indicateurs d'impact. Ces indicateurs sont établis en fonction des règles de l'UE afin de mesurer les progrès réalisés par les fonds dans la poursuite de leurs objectifs. Notons que pour chaque indicateur, J.P. Morgan calcule le score en agrégeant l'impact de toutes les entreprises incluses dans l'ensemble des fonds gérés.

Cela signifie que la pollution de l'eau peut toujours afficher une tendance à la baisse dans les investissements verts de J.P. Morgan, même si certaines entreprises ne parviennent pas à réduire la pollution de l'eau sur des sites de production spécifiques. Sans parler des cas où une entreprise ne divulgue même pas ses impacts négatifs, comme Glencore en ce qui concerne la mine de Tweefontein.

L’évaluation ESG de J.P. Morgan se base sur les rapports des entreprises émettrices et des données fournies par des tiers. Les incidents liés à l'eau mentionnés dans le rapport de développement durable 2023 de Glencore ne font pas référence aux violations persistantes de la mine de Tweefontein, qui ont entraîné une surcontamination. Le rapport masque la réalité en déclarant : "Nous exigeons de nos opérations industrielles qu'elles [...] développent des stratégies de gestion de l'eau afin de maximiser l'utilisation efficace et durable de cette importante ressource naturelle [...] et de protéger l'accès à l'eau pour les autres utilisateurs". Le classement ESG mentionné dans le rapport ajoute : "Nous traitons les eaux avant de les rejeter conformément aux autorisations réglementaires, aux permis et aux licences".

 ©Julia Evans/The Daily MaverickUne rue de Phola. Photo : ©Julia Evans/Daily Maverick

Et pourtant, le porte-parole de Glencore a implicitement admis que les violations avaient eu lieu sur le site de Tweefontein : “Les incidents [...] identifiés dans l'audit 2023 ont été résolus dans leurs délais respectifs ; certaines actions à plus long terme sont toujours en cours, conformément aux plans d'action fournis au DWS”, nous a-t-il déclaré. 

Nous avons demandé au porte-parole de Glencore si la réclamation que Mariette Lifferink a adressée au directeur de la mine de Tweefontein avant d'informer Chuka Umunna a été transmise au plus haut niveau de l'entreprise en vue de déclencher des enquêtes et des mesures correctives, conformément au mécanisme de suivi décrit dans le rapport sur le développement durable et le prospectus d’obligations de l'entreprise (7). Nous avons également demandé si la question avait été communiquée aux détenteurs d'obligations et aux actionnaires (y compris ceux des fonds verts de J.P. Morgan). Il nous a été répondu que ce genre d’information est confidentielle.

Nous avons partagé nos conclusions sur les activités de Glencore en Afrique du Sud avec J.P. Morgan et lui avons demandé de nous faire part de ses commentaires. “Nous refusons de commenter au-delà de ce qui est du domaine public”, a déclaré le porte-parole de l'entreprise, refusant de répondre à nos questions.

Officiellement, J.P. Morgan peut donc prétendre ne pas être au courant de la réalité sur le terrain. Mais son service de conformité a également été informé par Liefferink, tout comme Chuka Umunna.

Stefano Valentino a reçu une bourse Bertha Challenge pour l'année 2024
👉 Lire l'enquête sur The Observer, The Bureau of Investigative Journalism et le Daily Maverick
Mariette Liefferink explique les opérations de Glencore en Afrique du Sud dans le Voxeurop Live sur la finance verte :


NOTES

1) Fonds verts labellisés ESG par J.P. Morgan

Global Research Enhanced Index Equity ESG

Europe Research Enhanced Index Equity ESG

2) Infos locales

https://www.news24.com/citypress/news/emalahleni-is-failing-to-provide-clean-drinking-water-to-500-000-people-20220922

3) Etudes scientifiques

https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1464343X21001552

https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0075951123000919

https://www.researchgate.net/publication/356086353_Seasonal_characterisation_of_acid_mine_drainage_in_Mpumalanga_coalfields_region

https://repository.nwu.ac.za/bitstream/handle/10394/33898/Ratombo%20AP%2027262006.pdf?sequence=1&isAllowed=y

https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0925857424002490

https://assets-eu.researchsquare.com/files/rs-1706599/v1/2f6b84c4-cc39-4798-a730-95892477d0d5.pdf?c=1654020419

4) Le droit à l'eau

Le droit de l'homme à l'eau potable a été reconnu pour la première fois par l'Assemblée générale des Nations unies et le Conseil des droits de l'homme comme faisant partie du droit international contraignant en 2010.

5) Rapport de l'inspection du DWS du 18 octobre 2021

La mine ne respecte pas la loi nationale sur la gestion environnementale des déchets (National Environmental Management Waste Act) de 2008 (Act 59 of 2008), ni les normes nationales de stockage des déchets (National Norms and Standards of Storage of Waste).

D'après les dossiers, le DWS estime que la mine a enfreint les dispositions de la loi nationale sur l'eau de 1998 et les conditions de la licence d'utilisation de l'eau (WUL).

La qualité de l'eau dans les cours d'eau dépasse les limites de la WUL. BOSR-01 présente des concentrations élevées en EC, Cl et SO4. WISR-04 : concentration élevée en EC, Ca, Mg, Cl, SO4 et pH faible. WISR09 : concentration élevée en EC, SO4, Ca, Cl, Mg, K, Na et Mn. WISR-06 : concentration élevée en Cl, Mn et EC.

6) Principes directeurs à l'intention des entreprises multinationales pour une conduite responsable des affaires

Les entreprises devraient également éviter et traiter [...] la dégradation de l'eau douce.

Pacte mondial des Nations unies

La clé d'une approche de précaution, d'un point de vue commercial, est l'idée de prévention plutôt que de remédiation. En d'autres termes, il est plus rentable de prendre des mesures précoces pour s'assurer que les dommages environnementaux ne se produisent pas.

Principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme

Les mécanismes de réclamation au niveau opérationnel [...] sont généralement administrés par les entreprises. [Ces mécanismes permettent aux griefs, une fois identifiés, d'être traités et aux impacts négatifs d'être corrigés rapidement et directement par l'entreprise, empêchant ainsi les préjudices de s'aggraver et les griefs de s'intensifier.

Souvent, les griefs ne sont pas formulés en termes de droits de l'homme [...]. Quoi qu'il en soit, lorsque les résultats ont des implications pour les droits de l'homme, il convient de veiller à ce qu'ils soient conformes aux droits de l'homme internationalement reconnus.

7) Prospectus du programme d'émissions 144A et du programme EMTN

Le groupe a également mis en place des mécanismes pour recevoir les plaintes et les préoccupations. Le groupe aligne ses mécanismes de réclamation sur les exigences des principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme. La haute direction opérationnelle et départementale, ainsi que le comité du conseil d'administration chargé de la santé et de la sécurité, de l'environnement et des communautés, reçoivent régulièrement des rapports sur les griefs et les préoccupations. Toutes les plaintes et préoccupations reçues sont enregistrées et font l'objet d'une enquête, et le groupe informe les plaignants des résultats de leur plainte.

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