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Au second jour de la compétition à Cannes, on attendait impatiemment Dossier 137, de Dominik Moll. C’est que le film précédent du cinéaste, La nuit du 12, qui revisitait en fiction un fait divers épouvantable, soit l’immolation d’une jeune femme par un mystérieux assaillant, avait fait très forte impression. À nouveau, Moll propose un récit d’enquête fictif inspiré d’une histoire vraie. L’intrigue a pour toile de fond le mouvement des Gilets jaunes, et Léa Drucker y brille en enquêtrice de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), ou « police des polices ».
Le dossier en question concerne un jeune homme grièvement blessé à la tête lors d’une manifestation par une balle en caoutchouc : un projectile défensif, mais dangereux néanmoins, qu’utilise la police. La vedette de Close et de L’été dernier incarne Stéphanie, l’enquêtrice en question, dont le mandat est de déterminer si des policiers ont mal agi. Or, rien n’est simple.
Si Dossier 137 est à ce point captivant, c’est entre autres parce que cette femme déterminée se bat contre de puissants vents contraires. D’une part, les policiers perçoivent l’IGPN comme un nid de traîtres et n’apprécient pas de se faire demander des comptes, qui plus est dans ce contexte de soulèvement sans précédent marqué par un manque de préparation et de l’improvisation.
D’autre part, les citoyens auxquels Stéphanie a affaire en cours d’enquête se méfient d’elle, puisqu’à leurs yeux à eux, elle est une policière comme les autres, avec loyauté assortie. À cela s’ajoutent des priorités parfois discutables, en hauts lieux…
Photo: Fanny de Gouville / Modds
Une photo du plateau du film «Dossier 137», réalisé par Dominik Moll
Comme dans La nuit du 12, Dominik Moll déploie un sens redoutable du suivi narratif, mettant en place, sans jamais que cela se remarque sur le coup, tout un tas d’éléments qui s’avéreront signifiants a posteriori. Son traitement est quasi documentaire.
À cet égard, et là encore comme dans La nuit du 12, Moll insuffle à son approche procédurière une importante part d’humanité et son corollaire, l’émotion, par l’entremise de la vie personnelle de l’héroïne, mère divorcée d’un fils qui pose toutes sortes de questions pas simples.
En plus d’être d’une précision remarquable, la mise en scène est bourrée d’idées brillantes : on pense à la série de photos accompagnées du bruit ambiant des manifestations, présentées en guise de prologue, ou encore à ce montage montrant en alternance Stéphanie et ses collègues pianoter sur leurs claviers en réclamant, en voix hors champ, tel ou tel document à telle ou telle instance : c’est vif, parlant, et ça économise un temps fou en matière d’explications.
Second souffle
Sur le plan du pur plaisir cinéphile, il est en outre émouvant de voir un cinéaste trouver un second souffle artistique après un long passage à vide. Pour mémoire, Dominik Moll fut révélé en 2000 avec le délicieusement tordu Harry, un ami qui vous veut du bien, dans lequel un couple voit sa quiétude mise à mal par un homme aux intentions troubles, avec une pluie de César à la clé dont celui de la meilleure réalisation (rebelote avec La nuit du 12).
Le film suivant de Moll, Lemming, s’inscrivait dans une veine insidieuse similairement prenante, mais sans la même force.
S’ensuivirent quelques films oubliables et des séries télé n’ayant pas davantage passé à l’histoire… jusqu’à l’événement La nuit du 12.
Bref, avec Dossier 137, Dominik Moll confirme cette deuxième lancée. Celle-ci le mènera-t-elle jusqu’au palmarès ? Il est trop tôt dans la compétition pour en juger, mais, quoi qu’il en soit, ce film-là restera.
François Lévesque est à Cannes à l’invitation du Festival et grâce au soutien de Téléfilm Canada.