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Sept ans de mobilisation et six ans de bataille judiciaire pour atterrir jusqu’en Cour suprême. Les demandeurs d’asile sont cette semaine devant le plus haut tribunal du pays pour tenter de maintenir leur droit aux services de garde à contribution réduite, un droit contesté par Québec depuis 2018.
Le fait d’avoir retrouvé cet accès en 2024 a déjà changé des vies, soutiennent des organismes qui appuient les demandeurs d’asile. « Que ce soit pour travailler ou apprendre le français, les services de garde restent le premier enjeu », indique Maryse Poisson, directrice des initiatives sociales pour le Collectif Bienvenue et membre du Comité Accès garderie.
Arrivée avec sa fille d’à peine huit mois par le chemin Roxham en 2023, Tania Henriques était l’une de celles qui en ont bavé, avant de stabiliser sa situation grâce à une place en garderie subventionnée il y a à peine plus d’un an. « Maintenant, on veut nous arracher ce droit-là ? Qu’est-ce que nos enfants ont fait ? » demande-t-elle.
Elle fait partie du groupe d’une centaine de personnes qui ont demandé l’asile et qui se rend à Ottawa mercredi matin pour faire entendre leur voix. Mme Henriques — ou Mme Tania, comme tout le monde l’appelle — a brisé un cycle de pauvreté en se trouvant un emploi dans la signalisation sur des chantiers de construction. « Avant, j’avais mon permis pour travailler, mais je ne savais pas quoi faire avec mon enfant », raconte la mère célibataire.
« Donnez-nous une chance de pouvoir travailler », lance aujourd’hui la jeune femme au gouvernement.
Ce genre de phrase, Mme Poisson en entend tous les jours. « Ça coûte plus cher un demandeur d’asile qui est à la maison que quelqu’un qui travaille », souligne-t-elle, faisant référence aux coûts maintes fois évoqués par le gouvernement de François Legault.
« J’ai mis ma fille dans une garderie non subventionnée, mais c’est comme si je travaillais juste pour payer », relate Mme Henriques.
Les femmes sont les premières touchées par ce genre de décision, souligne la directrice, alors que leurs enfants ont tout à gagner d’un service de garde « formel », par rapport à des arrangements entre voisines ou amies qui « mettent les enfants dans un salon ».
C’est donc une question d’égalité et aussi de bon développement des tout-petits, qui ont souvent souffert d’un parcours migratoire éprouvant « avec des périodes désorganisées sans routine éducative », expose-t-elle. Les milieux de garde permettent en outre une francisation accrue et une stabilité. Après un long parcours entre l’Angola, le Brésil et toute l’Amérique centrale, Mme Henriques a vu sa fillette s’épanouir : « Elle est devenue sociale. Avant, elle avait peur de tout le monde, accrochée à moi. Ça me fait du bien. »
Historique
Exclure les demandeurs d’asile des garderies subventionnées « constitue une discrimination fondée sur le sexe », avait déterminé la Cour d’appel du Québec en 2024.
C’était la deuxième cour à donner raison à ceux qui ont entamé les démarches en 2019, après la Cour supérieure en 2022. Le gouvernement Legault a décidé de porter ces décisions en appel et, cette fois, la Cour suprême a accepté d’entendre les arguments de part et d’autre dans des audiences qui ont lieu mercredi et jeudi.
Intentée par une demandeuse d’asile arrivée en 2018, l’action est appuyée par de nombreux groupes de la société civile sous l’ombrelle du Comité Accès garderie, représenté par le cabinet d’avocats Melançon, Marceau, Grenier et Cohen et soutenue par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.
Québec a retiré ce droit en 2018, sous le gouvernement Couillard, en réinterprétant un article de loi indiquant qu’une personne est admissible aux garderies subventionnées si elle « séjourne au Québec principalement afin d’y travailler ».
Le raisonnement est que les demandeurs d’asile n’étaient pas ici « principalement » pour travailler, mais pour obtenir la protection du Canada.
Au 1er janvier 2025, 68 % des demandeurs d’asile au Québec disposaient d’un permis de travail, selon les données de Statistique Canada. Une grande partie de ceux qui n’en disposent pas sont d’âge mineur.
Le ministère de la Famille évalue d’ailleurs qu’il y avait environ 7800 enfants de demandeurs d’asile en date de juin 2024 (les données les plus récentes disponibles).
Le gouvernement a tenté de faire suspendre la décision de la Cour d’appel l’an dernier, en attendant celle de la Cour suprême. Il plaidait alors que de permettre à ces enfants d’avoir accès aux listes d’attente causerait une pression indue et un préjudice irréparable.
Le premier ministre François Legault avait dit souhaiter octroyer les places en priorité aux enfants citoyens québécois. Paradoxalement, certains enfants de demandeurs d’asile sont bel et bien nés au Québec, et donc citoyens, mais à cause des délais qui s’allongent, leurs parents n’ont pas encore le statut de réfugié ou la résidence permanente.
« On ne demande pas un traitement de faveur », dit Maryse Poisson, puisque les demandeurs d’asile n’ont pas de priorité sur la liste d’attente. La différence est qu’ils doivent présenter un permis de travail pour s’inscrire, alors que les citoyens ou les autres immigrants n’ont pas à prouver qu’ils travaillent pour se mettre en attente d’une place.
Depuis que les demandeurs d’asile ont retrouvé ce droit, la liste d’attente n’a « pas beaucoup bougé », remarque-t-elle. Ces personnes sont selon elle « souvent prêtes à prendre des places orphelines dont les Québécois ne veulent pas nécessairement ».
Un message
« Après deux défaites consécutives, le gouvernement s’obstine à dépenser des fonds publics pour une cause qui ne ferait que du tort aux personnes concernées et à la société dans son ensemble, alors qu’il y a bien d’autres besoins », dit quant à elle Delphine Mas, coordonnatrice des communications à la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes.
Ces personnes occupent souvent des emplois faiblement rémunérés « dans des secteurs essentiels et en pénurie de main-d’œuvre ». Des préposées aux bénéficiaires à la pelle et même… du personnel de services de garde.
« C’est rare que des personnes aussi marginalisées peuvent aller aussi loin devant les tribunaux », souligne Maryse Poisson.
Tania Henriques est sortie « aussi vite que possible » de la dépendance à l’aide sociale et elle a pu quitter un logement insalubre infesté de moisissures qui l’a rendue malade ainsi que sa bambine.
Enfant, elle avait elle-même connu l’exil temporairement à cause de la guerre dans son pays natal, l’Angola, pour passer plusieurs années chez des amis de la famille en République démocratique du Congo. C’est là qu’elle a appris le français et a eu son premier contact avec l’exclusion sociale : « On nous traitait d’étrangers, mais je ne pensais pas retrouver ce genre d’histoire ici, ça m’étonne et je trouve ça injuste. »