On peut haïr Donald Trump. On peut se moquer de lui. On peut aussi le craindre. Mais ce que l’on ne peut pas faire, c’est l’ignorer.

Depuis presque dix ans, Trump ne cesse de provoquer les passions, d’un côté comme de l’autre. Il est devenu bien plus qu’un simple politicien : une figure totémique, une obsession planétaire, un symbole qui dépasse son propre destin. Ce qui choque, ce n’est pas tant l’homme — imparfait, bouffi d’orgueil, colérique, parfois incohérent — mais l’image qu’il renvoie, et ce qu’elle dit de nous.

Car en réalité, Donald Trump agit comme un miroir. Il reflète à la fois les élans de révolte populaires et la panique des élites. Il incarne le refus des règles imposées par le politiquement correct, mais aussi les travers d’un populisme qui finit parfois par se mordre la queue. Et à force de faire de lui une caricature, ses adversaires ne se rendent même plus compte qu’ils reproduisent les excès qu’ils prétendent dénoncer.

Une bien-pensance révélée par l’excès inverse

La haine viscérale de Trump dans les médias occidentaux, surtout en Europe et au Canada, est moins une réaction à ses politiques qu’un réflexe pavlovien. Il est devenu la figure repoussoir idéale de toute une caste qui se prétend vertueuse. C’est pratique : en le diabolisant, on évite de regarder nos propres échecs. On peut se vautrer dans un confort moral à bon marché, pointer le doigt vers l’Amérique « réactionnaire », pendant qu’on détourne les yeux de nos propres déclins : criminalité, immigration incontrôlée, perte de repères, fragmentation identitaire.

Trump permet à l’Occident de se croire encore du bon côté de l’Histoire. Il sert de boussole morale. Mais à force de combattre une caricature, on finit par renforcer le monstre qu’on prétend abattre.

Un homme critiquable, mais pas seul responsable

Soyons clairs : Donald Trump n’est pas un saint. Il a souvent manqué de hauteur, s’est entouré d’opportunistes, a multiplié les revirements. Son narcissisme frôle parfois la pathologie, et ses discours tiennent plus du spectacle que de la stratégie.

Mais faut-il pour autant le réduire à une simple anomalie ? Comme si les États-Unis s’étaient réveillés un matin en élisant un clown par erreur ? Ce serait oublier que Trump a été porté par un malaise bien réel, par des millions de citoyens ignorés, appauvris, méprisés. Et que ce mépris, souvent venu de la gauche culturelle et des grandes villes, a joué un rôle déterminant dans son ascension.

L’essoufflement d’un mythe

Ce qui est nouveau en 2025, c’est que même parmi ses soutiens les plus fidèles, certains commencent à se lasser. La magie s’estompe. L’homme fort, censé « drainer le marécage », semble désormais piégé dans sa propre légende. Le style qui séduisait hier fatigue aujourd’hui. Plusieurs électeurs républicains cherchent ailleurs, vers une droite plus structurée, plus disciplinée, moins dépendante des volontés d’un seul homme.

Cette désaffection partielle est saine. Elle montre que le trumpisme peut survivre à Trump, que les idées de souveraineté, de frontières, d’identité ne sont pas l’apanage d’un seul individu. Et qu’il est possible d’aspirer à une droite enracinée, combative, mais lucide. Une droite qui ne sacrifie pas l’intelligence sur l’autel de la provocation.

Donald Trump a eu le mérite de casser des murs. Il a libéré la parole, réveillé des instincts trop longtemps étouffés, mis en lumière le divorce entre le peuple et ses élites. Mais il est peut-être temps de cesser de le traiter comme un messie ou comme un démon. Il est, tout simplement, le symptôme d’un monde en crise. Et si nous en sommes encore obsédés, c’est peut-être que nous refusons de nous regarder en face.