Vendredi dernier, dans un remaniement ministériel, Danielle Smith a scindé en deux le rôle de ministre de la Santé de l’Alberta. Quelques jours plus tard, l’association des médecins et le syndicat des infirmières sont dans l’inconnu quant au futur de la gestion du réseau de la santé.

Ce remaniement est survenu un an et demi après le début de l’importante réforme du système de santé menée par le gouvernement Smith, qui a entraîné la création de quatre organisations spécialisées pour remplacer Services de santé Alberta (AHS).

Le changement de ministres, et la dissolution du ministère de la Santé en tant que tel, ne fait qu’ajouter de l’incertitude pour les travailleurs de la santé, explique la présidente de l'Association médicale de l'Alberta (AMA), Shelley Duggan.

Elle explique que la transition vers les nouvelles structures de gestion amène de la confusion et du chaos pour ses membres. Les médecins espèrent que les changements vont être terminés bientôt, pour comprendre quelle est la nouvelle réalité, dit-elle.

Elle donne l’exemple des psychiatres, qui travaillent dans deux mondes séparés.

Quand ils sont à l’hôpital, ils travaillent pour Soins aigus Alberta, [...] quand ils travaillent pour d’autres programmes, ils sont sous Recovery Alberta, explique-t-elle. C’est un défi.

Ce gouvernement ne fait que créer de la confusion, ajoute Heather Smith, la présidente du Syndicat des infirmières unies de l’Alberta (UNA).

Au lieu de pouvoir s'adresser à un ministre et lui demander comment l'argent de nos impôts est dépensé, il faudra s'adresser à quatre ministres différents et poser la question quatre fois plutôt qu’une.

Quatres ministres se partagent désormais la responsabilité de la santé en Alberta.

Photo : Montage : Radio-Canada / Images : Parti conservateur uni

C’est une question d’imputabilité

Patrick Fafard, professeur en médecine et sciences sociales à l’Université d’Ottawa, remet aussi en question cette décision d’éliminer le ministère de la Santé.

Il y a une certaine ambiguïté : qui est le ministre de la Santé, quand il semble y en avoir trois, sinon quatre?, souligne-t-il.

C’est une question d’imputabilité, dit-il. Qui va parler au nom du gouvernement?

Qui va être responsable soit des succès [...] soit des controverses, même des scandales?

Inquiets de l’ingérence des politiciens

Les associations de médecins et d'infirmières s’inquiètent aussi de l'ingérence de politiciens ou du personnel politique dans les décisions qui influencent la gestion du système de santé au quotidien.

On ne craint pas seulement que ça arrive, c’est déjà le cas depuis des années, rappelle Shelley Duggan de l’AMA. Il n’y avait déjà plus de séparation entre AHS et le ministère de la Santé.

Le système est mûr pour de l’ingérence, croit Heather Smith du syndicat des infirmières.

Les experts créent des plans [...] basés sur leur expertise, explique de son côté le professeur Patrick Fafard.

Tout d'un coup, il y a une dimension politique qui rentre. Ce n'est pas mauvais en soi, mais ça complexifie la gestion.

Pour la stratège Mandi Johnson, qui a travaillé pour le gouvernement conservateur uni avant de devenir vice-présidente chez Crestview Strategy, le raisonnement derrière cette décision de dissoudre le ministère de la Santé découle de l'importance que ce dossier a pris pour le gouvernement de Danielle Smith.

Elle se préoccupe beaucoup du dossier de la santé. Elle veut manifestement que les choses aillent plus vite et ça n'arrivait pas.

Ce n’est pas clair qui est le vrai ministre de la Santé, parce que c’est la première ministre qui est [en charge], conclut-elle.