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Il y a trois ans, à l’occasion de la sortie d’Un été comme ça, Denis Côté s’interrogeait sur la pudeur du cinéma québécois dans nos pages : « Depuis Le déclin de l’empire américain, c’est quoi les films québécois qui parlent de sexualité de façon décomplexée et frontale et dont c’est le cœur du film ? Même question pour la nudité. Le cinéma de Rodrigue Jean, Nuit #1, d’Anne Émond, et Les salopes ou le sucre naturel de la peau, de Renée Beaulieu : c’étaient les seuls exemples que j’arrivais à nommer. Est-ce qu’on est pudique au Québec ? »
À la veille de la sortie du film Deux femmes en or, Chloé Robichaud apporte une nuance : « Quand j’entends les commentaires à l’international, je te dirais que non. J’entends beaucoup que le cinéma québécois est un cinéma très libéré, un cinéma audacieux, qui va présenter les femmes d’une manière assez décomplexée. Est-ce qu’on peut faire encore mieux ? Peut-être. Mais quand on se compare, c’est vrai que j’ai l’impression quand même qu’on ne se met pas trop de censure. »
Ce nouveau long métrage, librement inspiré du film culte de Claude Fournier et Marie-José Raymond, met en scène Violette et Florence, deux mères désœuvrées coincées dans la routine conjugale. Le scénario de Catherine Léger, qui a également signé une adaptation théâtrale du film, suit leur quête pour redécouvrir le désir et la jouissance.
Photo: Marie-France Coallier Le Devoir
Le scénario est de Catherine Léger, qui a également signé une adaptation théâtrale du film.
Laurence Leboeuf, qui incarne Violette, souligne la mélancolie du personnage : « Dès la lecture du scénario, j’ai été touchée par sa solitude. On sent une femme éteinte, qui regarde la vie passer de l’autre côté de la fenêtre. »
Florence, plus exubérante, vit quant à elle un éveil charnel. « Pour moi, c’est toujours le corps qui parle en premier. C’est lui qui m’indique que quelque chose change », explique Karine Gonthier-Hyndman, qui joue son rôle.
Malgré leurs tempéraments opposés, les deux femmes sont conçues comme des doubles l’une de l’autre. Gonthier-Hyndman précise : « Elles sont un miroir. Quand Florence voit Violette pour la première fois, c’est un déclencheur. Elle se demande : “Est-ce que je veux vraiment de cette vie-là ?” D’ailleurs, elles habitent dans des appartements jumeaux, séparés par un balcon, comme deux reflets. »
À travers leurs aventures sexuelles, les deux femmes cessent peu à peu d’être des spectatrices de leur propre vie.
Pour Catherine Léger, le cinéma est un terrain de jeu fascinant, qui multiplie les possibles : « Le cinéma offre une plus grande porte sur l’intériorité des personnages. J’ai exploré dans le scénario un humour qui faisait un petit peu plus mal que dans la pièce. Pour moi, cette étape-là où on passe du théâtre au cinéma, il y a quelque chose qui s’ouvre. »
Des rôles féminins complexes
En entrevue au Devoir à la veille de la première de son film, Claude Fournier avait raconté avoir égaré la « bobine 6 » de la version originale, ne sachant pas si elle s’était perdue « entre le laboratoire et le bureau de la censure ». En 1970, Deux femmes en or provoqua un véritable tollé. En 2025, le potentiel de scandale demeure intact — mais il a changé de nature.
Photo: Marie-France Coallier Le Devoir
Le nouveau long métrage, librement inspiré du film culte de Claude Fournier et Marie-José Raymond, met en scène Violette et Florence, deux mères désœuvrées coincées dans la routine conjugale, incarnées par les actrices Karine Gonthier-Hyndman et Laurence Leboeuf.
« Aujourd’hui, ce qui choque, ce n’est plus la nudité, avance Karine Gonthier-Hyndman. Je pense que ce qui dérange le plus en ce moment, c’est de voir deux femmes prendre leur pied, avoir du plaisir, sans morale. Qu’elles ne soient pas punies de ça. […] Je pense que ça secoue beaucoup les hommes de notre époque, de voir ça, des femmes qui sont en plein pouvoir. On est tellement habitués de voir dans notre imaginaire collectif des hommes qui trompent leurs femmes, qui quittent leur famille, qu’on n’en fait même plus un cas. »
Fait méconnu : Deux femmes en or fut aussi le premier long métrage québécois tourné en technicolor. La version 2025, signée Sara Mishara à la direction photo, reprend certains choix esthétiques de l’original, tout en leur donnant un sens nouveau. Robichaud raconte : « L’action se passe à huis clos, entre chambres, cuisines, salle communautaire… Comment faire exister du cinéma dans ces espaces ? La pellicule nous permettait de capter cette lumière d’hiver, un grain nostalgique. En même temps, c’est une manière de se demander : est-ce que les choses ont vraiment changé depuis 1970 ? »
Cette nouvelle version a tout de même un ton plus sérieux, voire plus engagé, même si cette portée critique n’était pas absente du film original. « Le côté plus frivole du film de l’époque a en quelque sorte éclipsé cette trame. Mais quand tu regardes le film et que tu prends le temps de l’analyser, on sent cette liberté de choisir qui tu as envie d’être. » Cette nouvelle version a une ambition plus assumée, poursuit la réalisatrice. « Souvent, Catherine [Léger] dit que c’est un film qui déculpabilise. Ce n’est pas un film qui est pamphlétaire. » L’œuvre amène une réflexion. « Le couple, ce n’est pas parfait, la vie de famille, ce n’est pas parfait. Cette idée-là qu’on doit être parfait pour réussir notre vie, ça veut dire quoi, au fond ? »
Photo: Maison 4 Tiers
Karine Gonthier-Hyndman et Laurence Leboeuf dans le film «Deux femmes en or». réalisé par Chloé Robichaud
Nudité calculée
Dans la même entrevue de 1970, Fournier admettait sans détour les visées commerciales de son film. « On ne demande pas […] à des producteurs d’investir 225 000 $ (ce qu’ont coûté les “Deux femmes”) sans les convaincre de la rentabilité du projet. […] Il n’est pas nécessaire d’être un expert en étude de marché pour s’apercevoir qu’il ne saurait être sujets plus rentables à Montréal que celui à base de nudité. »
En 2025, la réponse reste la même — en apparence. « La pornographie, c’est le marché le plus rentable de l’univers », dit avec ironie Gonthier-Hyndman. Mais Deux femmes en or version Robichaud est tout sauf un film racoleur. La nudité y est d’ailleurs rare et, lorsqu’elle est présente, elle est soigneusement chorégraphiée, quand elle n’est pas carrément désérotisée. « Dans la vie, on est nus 85 % du temps en dehors de la sexualité : on est nus parce qu’on va à la salle de bain, parce qu’on allaite, parce qu’on sort de la douche, etc. »
Photo: Maison 4 Tiers
Patrick Emmanuel Abellard dans une scène tirée du film «Deux femmes en or»
Un plan hommage à Agnès Varda montre le sein de Violette à côté de celui de son conjoint, dans une symétrie désexualisée. Le female gaze est au cœur du projet, affirme Gonthier-Hyndman. « Chloé voulait qu’on ressente ce plaisir des femmes, mais jamais dans une logique d’objectification. […] Cela dit, il n’y a pas de tabou : on voit même nos vulves. Mais la nudité est déplacée, détournée. »
Si les rôles féminins gagnent en richesse, des angles morts demeurent. « Il manque encore de représentations de femmes qui ne sont ni mères ni grands-mères, note Gonthier-Hyndman. Cet entre-deux est peu exploré. »
Deux femmes en or réussit à traiter du plaisir féminin sans provocation. La trajectoire des personnages est si fascinante qu’on sort du cinéma avec l’envie de savoir ce qu’il adviendra de Violette et Florence. À quand Deux femmes en or 2 ?
Deux femmes en or prendra l’affiche le 30 mai.