Devant le manque d’eau potable qui afflige la communauté inuite de Puvirnituq, dans le Grand Nord québécois, l’hôpital local doit se résoudre à évacuer des patients vers Montréal pour qu’ils se fassent soigner.

Selon les informations communiquées au Devoir par le ministère de la Santé et des Services sociaux, deux patients ont été évacués vers Montréal jeudi soir et d’autres transferts par avion sont à prévoir vendredi.

Le nombre de personnes à transférer reste encore à déterminer.

Le ministère indique que les patients touchés seront pris en charge par des établissements de la grande région de Montréal affiliés au CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de Montréal, au Centre universitaire de santé McGill et au CISSS de Lanaudière.

L’urgence du Centre de santé Inuulitsivik de Puvirnituq demeure cependant ouverte, précise le ministère.

C’est le gel d’une conduite d’eau qui, depuis plus d’un mois, rend très difficile l’approvisionnement en eau potable de la petite localité de 2000 habitants située sur les rives de la baie d’Hudson. Depuis mars, l’approvisionnement en eau doit se faire au moyen de camions-citernes contraints de circuler sur des routes difficilement praticables et dans des conditions météorologiques pénibles, a expliqué cette semaine l’Administration régionale Kativik.

Pour ajouter au malheur, seuls trois des cinq camions-citernes de la Ville sont en état de marche et la municipalité subit des retards dans la réception des pièces détachées nécessaires à leur réparation.

Des aménagements temporaires pour rétablir une canalisation sont prévus d’ici le début du mois de juin.

La situation actuelle pose des risques pour les patients, déplore la D^re Marie-Faye Galarneau. En guise de protestation, la médecin de famille, qui travaillait dans la communauté nordique depuis cinq ans, a récemment remis sa démission.

« Depuis deux semaines, il y a dû avoir quatre coupures d’eau [à l’hôpital], dont trois qui ont duré vingt-quatre heures. J’étais quand même surprise qu’on reste ouvert parce que c’étaient des longues durées sans eau. C’était insalubre », a-t-elle raconté au Devoir.

« Double standard »

L’hôpital de Puvirnituq dessert non seulement la communauté locale, mais aussi six villages environnants de la baie d’Hudson, qui ne peuvent compter que sur des dispensaires. Ce sont donc des milliers de personnes qui sont touchées par la fermeture du centre de soins, qui offre notamment des services de laboratoire et de radiologie.

La D^re Marie-Faye Galarneau salue la prise en charge de l’évacuation des patients par le ministère de la Santé, mais s’interroge sur la lenteur des autorités locales et gouvernementales à gérer la crise.

« Je trouve que le sentiment d’urgence est très faible, encore trop faible en ce moment », dit-elle, estimant que l’état d’urgence aurait dû être déclaré à Puvirnituq il y a longtemps.

La pénurie d’eau présente également des risques sanitaires pour l’ensemble de la population de Puvirnituq, évoque la D^re Galarneau.

« Tout le monde est dans le même bateau. Dans nos domiciles, c’est la même histoire, il y a des coupures d’eau prolongées. Par exemple, mon logement est rendu à quatorze jours sans eau ni évacuation des eaux usées. Puis, il y a des gens dans la communauté qui cumulent trois semaines sans service. »

Le nombre de cas de gastro-entérite serait à la hausse en raison de la difficulté à appliquer les mesures d’hygiène de base, comme le lavage des mains et des surfaces. La pénurie d’eau entraîne également la fermeture des écoles du village.

« La population est dans un contexte sanitaire extrême », juge la médecin, selon qui une telle situation n’aurait jamais été tolérée aussi longtemps dans le sud du Québec.

« Mon constat dans le dernier mois, c’est qu’il y a un double standard pour les communautés inuites. C’est perturbant à voir. »