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Quand il regarde les nouvelles venant de l’autre bout du monde — et surtout de la Palestine, dont il est originaire —, Sufian Nabhan, directeur du Centre islamique de Detroit, ressent depuis quelques semaines beaucoup de douleur et autant de déception.
« Nous avions beaucoup d’espoir dans la promesse faite par Donald Trump de mettre fin à la guerre lancée par Israël contre la bande de Gaza », dit-il, le ton calme et posé, assis derrière son bureau dans ce vaste établissement scolaire et religieux de la banlieue de Detroit. « Nous avons cru qu’il allait nous sortir de cette crise, sans idées préconçues et avec une pensée audacieuse. Il était le seul à pouvoir le faire. Mais force est de constater que depuis qu’il est de retour à Washington, les choses ne se déroulent pas tout à fait comme nous l’attendions. »
Quatre mois après le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, l’espoir commence doucement à faire place au regret à Dearborn, petite ville du Michigan qui se distingue dans le paysage démographique américain par la plus grande communauté d’origine arabe ou de confession musulmane au pays. Ses membres comptent pour 40 % des habitants de cette banlieue calme et industrielle du Michigan, bien qu’ils ne représentent qu’un minuscule pour cent de la population totale des États-Unis.
En novembre dernier, cette ville façonnée depuis un siècle par les hauts et les bas de l’industrie automobile s’est également illustrée sur la scène politique en rompant radicalement avec son soutien historique aux démocrates, et ce, pour appuyer la candidature de Donald Trump. Une première en 50 ans — et un changement de cap remarqué, guidé en grande partie par l’ire qu’a soulevée l’appui du gouvernement de Joe Biden à Israël dans sa guerre contre Gaza, tout comme par l’engagement ferme du candidat du parti rival, Donald Trump, à travailler activement pour une paix durable dans la région.
Et cette promesse, qui entre désormais en contradiction avec les faits, laisse apparaître des sentiments mélangés dans cette ville américaine.
Un grand nombre de ses électeurs, laïques et aisés, éprouvent des regrets après avoir vu Donald Trump soutenir la reprise des bombardements sur Gaza.
— Hani Bawardi
« Les raisons pour lesquelles certains membres de la communauté ont voté pour Donald Trump sont toujours bien ancrées », résume en entrevue l’historien américain Hani Bawardi, spécialiste en études arabes à l’Université du Michigan. Il cite les valeurs conservatrices d’opposition à l’avortement, d’appui à l’enseignement religieux et d’appel à une réduction d’impôt pour les plus riches : des projets politiques favorisés dans cette communauté d’entrepreneurs et d’ouvriers qui placent la famille et les traditions au cœur de leur existence. « Mais, en même temps, un grand nombre de ses électeurs, laïques et aisés, éprouvent des regrets après avoir vu Donald Trump soutenir la reprise des bombardements sur Gaza, qui a coûté la vie à des milliers de civils palestiniens », ajoute-t-il.
Le cessez-le-feu fragile convenu en février entre Israël et le Hamas a depuis fait place au chaos et à la désolation dans une bande de Gaza soumise à la reprise des hostilités par l’armée de Benjamin Nétanyahou depuis mars. Près de 40 % du territoire de l’enclave palestinienne est désormais sous le contrôle d’Israël, qui aspire à s’emparer de 75 % de ce territoire d’ici deux mois, a annoncé l’armée israélienne il y a quelques jours, ce qui refoulerait les civils dans une zone restreinte de la bande.
« Plus de déni que de regrets »
Le bilan de la guerre pour les civils palestiniens est lourd, puisque des millions d’entre eux ont été forcés à l’exil pour échapper aux frappes israéliennes. Plus de 53 000 Palestiniens ont été tués depuis le début du conflit, selon les autorités sanitaires palestiniennes, qui ne précisent toutefois pas combien étaient des combattants. Numériquement, c’est comme si les habitants de la ville de Mascouche avaient été rayés de la carte en 20 mois.
L’État hébreu compte aussi maintenir une présence à long terme dans la bande de Gaza. Les États-Unis et Donald Trump rêvent d’en orchestrer le développement immobilier et commercial avec l’espoir d’en faire la « Riviera du Moyen-Orient », selon un plan dévoilé il y a quelques semaines par le nouveau président américain.
« L’idée est absurde, mais elle peut séduire malgré tout plusieurs membres de la communauté ici qui espèrent peut-être en profiter, personnellement ou par leurs entreprises », résume Jillian Bashore, directrice du Centre d’amitié arabo-américaine de Dearborn, un point de rencontre culturelle de la diversité de cette ville. « Jusqu’à maintenant, les gens qui ont voté pour lui semblent encore derrière lui. Mais on sent aussi que beaucoup cherchent des excuses pour expliquer ce qu’ils voient du côté de Washington. Il y a peut-être plus de déni que de regret pour le moment. »
Chez elle, Swanson, une jeune immigrante d’origine palestinienne vivant à Dearborn, assure avoir à composer avec un tel scénario. « Mon mari a voté pour Donald Trump parce qu’il trouvait que les démocrates parlaient un peu trop de transsexualité. Il reste convaincu d’avoir fait le bon choix, même si la présidence de Donald Trump compromet désormais les chances pour nous de faire venir notre fille aux États-Unis. Elle vit en Syrie, et les procédures sont désormais plus compliquées. »
Le test de la réalité
Donald Trump donne bien plus que l’échec de sa nouvelle diplomatie dans la bande de Gaza pour nourrir les déceptions de la communauté arabo-américaine de Dearborn, même si tous ne sont pas encore prêts à regarder la réalité en face. « Quand je dis que plusieurs étudiants qui fréquentent le centre ont perdu ou sont sur le point de perdre leur aide gouvernementale, on me répond parfois que ce n’est pas vrai, dit Mme Bashore. Pourtant, nier l’existence d’un problème ne le fait pas disparaître pour autant. »
« C’est sûr que nous n’avons pas voté pour voir des étudiants privés de leur bourse ou même de leur droit de parole », dit Sufian Nabhan en faisant référence à Mahmoud Khalil, ce jeune activiste de l’Université Columbia devenu la cible du nouveau régime de Donald Trump dans sa lutte contre un antisémitisme qui, selon le président, se serait répandu sur les campus américains. « Cela en inquiète plusieurs qui regardent toutes ces expulsions d’immigrants vers le Venezuela ou ces arrestations d’étudiants dans les rues par les services d’immigration. On voit que ce ne sont pas seulement les illégaux sans statut qui sont ciblés, mais aussi des personnes vivant ici avec une carte verte [de résidence permanente]. Et on ne sait pas jusqu’où Donald Trump va aller. »
Vendredi, la Cour suprême des États-Unis a autorisé le président américain à révoquer la protection légale de plus de 500 000 immigrants qui vivent sur le sol américain en raison des violences ou des troubles politiques dans leur pays. Vénézuéliens, Haïtiens, Cubains, Nicaraguayens, Afghans, Syriens et autres sont sur la sellette. Une décision qui ajoute à l’incertitude avec laquelle plusieurs habitants de Dearborn composent désormais — sans pour autant les amener à admettre qu’ils auraient pu éviter cet écueil en prenant une autre voie lors de la dernière élection présidentielle.
« Choisir Kamala Harris, ce n’était tout simplement pas possible », dit M. Nabhan, qui a voté directement pour Donald Trump avec confiance et fierté. « Elle était et est toujours responsable du génocide dans la bande de Gaza », affirme-t-il. Et l’homme l’admet du même souffle : « Si c’était à refaire aujourd’hui, je voterais sans doute pour un tiers parti, pour Jill Stein, du Parti vert », qui a elle aussi attiré, en novembre dernier, une part des démocrates échaudés de Dearborn.
Donald Trump a ainsi pu décrocher le Michigan avec une majorité convaincante de 80 000 voix. Les votes qu’il a récoltés à Dearborn représentent près du quart de ce nombre, et plusieurs habitants de la ville attendent désormais encore d’être convaincus d’avoir fait le bon choix.
« Il faut être patient avant de voir si ce qu’il fait va être bon ou mauvais », dit Badria, une Américaine d’origine égyptienne devenue assistante de direction dans la région. « Mais j’aime croire que le président, c’est finalement comme le père dans une maison : il sait ce qui est le meilleur pour la famille, que l’on soit d’accord avec lui ou pas. »