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Les affaires “Jacquie et Michel” et “French Bukkake”, portant le nom des sites pornographiques mis en cause, font parler de l’industrie pornographique française depuis deux ans maintenant.
Deux instructions judiciaires ont été ouvertes suite à de multiples témoignages : 42 femmes se sont constituées partie civile et 16 hommes, producteurs et acteurs, sont mis en examen pour des faits de viols aggravés, complicité de viols, proxénétisme aggravé, traite des êtres humains à des fins de viol et diffusion d’images de viols.
Que s’est-il passé ? Des femmes figurant dans les vidéos concernées par les procès ont été recrutées par un collaborateur de la plateforme se faisant passer pour une femme : se liant d’amitié en ligne avec ces potentielles “actrices” (sélectionnées pour leur précarité, matérielle comme psychologique), cet homme leur a proposé un premier contrat de sexe rémunéré.
Les plaignantes affirment avoir subi un “viol de rabattage”, expression qui désigne une expérience traumatisante visant à diminuer leur réticence à participer à de futurs tournages. La pratique, qui repose sur le pari que la femme en question intègre avoir déjà vécu le pire, vise à lui faire percevoir un tournage pornographique comme quelque chose de moins violent.
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Lors des tournages, les victimes ont été intimidées, dénigrées verbalement avant, pendant et après les abus physiques qui leurs ont été imposés. Certaines témoignent avoir été droguées, d’autres se rappellent qu’on les a fait boire, avant de leur demander de donner leur consentement verbalement, face caméra avant le début du tournage. Aucune n’a été informée au préalable des actes ou positions auxquelles elles ont donné leur accord, ou encore du nombre de partenaires prévus pour une scène.
Plusieurs femmes témoignent avoir manifesté très explicitement leur désaccord face à certaines demandes et avoir été ignorées ou violemment sanctionnées.
Les vidéos ont ensuite été publiées sur des sites grand public en accès libre, et non pas sur des plateformes canadiennes exclusives, comme on le leur avait assuré. Les protagonistes de ces vidéos ont souvent été reconnues dans le cadre privé ou professionnel.
Les témoignages de ce que ces femmes ont vécu ont été partiellement recueillis par un collectif d’autrices et publiés dans un ouvrage intitulé Sous nos regards. Récits de la violence pornographique (éditions du Seuil). “Ce sont des femmes que tout le monde regarde mais que personne ne veut voir et encore moins entendre”, explique le livre.
Un secteur entier à bannir ?
“Aujourd’hui, la pornographie est une industrie multinationale qui génère des profits faramineux pouvant être chiffrés, à l’échelle planétaire, à plusieurs milliards de dollars par an. Elle circule essentiellement, en France, au travers des quatre principales plateformes que sont Pornhub, xHamster, XVideos, XNXX. [...] Au regard des chiffres – en cumulé, 35,63 millions d’individus ont regardé, en France, une vidéo porno en streaming pour ces seules plateformes et en une seule année ; dans le même temps, 136 milliards de vidéos ont été visionnées dans le monde –, il n’est pas exagéré de dire que le porno a envahi nos vies et que tout le monde en regarde, ou presque”, écrit l’historienne et féministe Christelle Taraud dans la préface de Sous nos regards.
En 2024, la France est le pays européen recensant le plus d’utilisateurs de PornHub, site pornographique le plus populaire au monde, en deuxième place du classement, derrière les Etats-Unis. Le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Italie, se trouvant respectivement en 5ème, 6ème et 8ème place, sont les seuls autres pays européens à figurer dans le top 10.
D’après une étude datant de 2023 et publiée par l'Autorité Nationale des Médias et de la Communication hongroise, en une journée, près de 620 000 hongrois consultent l’un des dix sites pornographiques les plus populaires du pays et, en une semaine, ces contenus adultes sont consultés par environ 1,7 millions d’utilisateurs à travers la Hongrie.
Depuis la fin des années 1990, on remarque l’émergence de la pornographie “gonzo” (sans budget, ni scénario), qui au fil des années s’est orientée vers des scènes de plus en plus “hard”. L’avènement du porno “gonzo” s'est fait main dans la main avec la chute libre du modèle économique classique basé sur des maisons de production finançant les tournages de films ensuite vendus ou loués sous forme de DVDs. L’avènement d’internet a ouvert la porte à un flot de vidéos amateurs ou simili-amateurs distribuées en libre accès en ligne, ce qui a conduit à une forte diminution des contenus payants.
Les studios de production mettent donc la clef sous la porte, ou se font racheter par les grandes plateformes, les dits “sites de tubes”, comme PornHub, qui distribuent en streaming une très grande quantité de vidéos rachetées à de nombreuses sources différentes.
“Ce sont des femmes que tout le monde regarde mais que personne ne veut voir et encore moins entendre” – Christelle Taraud, historienne
Les dérives de ce mode de fonctionnement ont déjà fait la une en 2023, lorsque PornHub s’est vu attaqué en justice pour avoir diffusé des vidéos mettant en scène de très jeunes femmes ayant été victimes des pratiques similaires à celles mises en cause dans les affaires Jacquie et Michel et French Bukkake.
Aux Etats-Unis comme en Europe, les obligations liées à la vérification des bonnes pratiques des réalisateurs de contenus redistribués par les sites de tubes manquent cruellement.
En 2010 déjà, dans le monde, 90 % des 50 vidéos pornographiques les plus diffusées présentaient une ou plusieurs formes de violence envers la ou les protagonistes féminine(s), d’après une étude publiée dans la revue académique américaine Violence Against Women.
“C’est en effet la pornographie la plus misogyne, la plus hétéronormative et la plus raciste qui alimente, aujourd’hui, l’essentiel des marchés français, européen et mondial. [...] À des années‑lumière de la ‘révolution sexuelle’ qu’elle est supposée prôner, la production filmique pornographique est marquée, aujourd’hui, par une très forte accentuation des violences contre les femmes”, affirme la préface de Sous nos regards.
Législations européennes autour du porno
L’encadrement législatif du secteur du X reste très peu développé en Europe. En décembre 2023, Bruxelles a imposé des règles renforcées à trois plateformes pornographiques (Pornhub, Stripchat et XVideos, qui déclarent plus de 40 millions d’utilisateurs mensuels chacune) dans le cadre de la législation sur les services numériques (DSA).
Les lois des pays européens se concentrent sur l’accès au contenu pornographique par des mineurs, ainsi que la production et diffusion de contenu pornographique dans lequel figurent des mineurs.
L’Espagne a annoncé la mise en place d’un système de vérification de l’âge des usagers souhaitant accéder aux sites pornographiques. En France, la loi oblige ces derniers, depuis le 11 avril 2025, à développer eux-mêmes un système de vérification d’âge anonyme.
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Des mesures similaires ont été prises en Italie, où des lois très spécifiques ont été promulguées afin de lutter contre la dissémination d’images de mineurs à caractère sexuel, depuis 2019, le “revenge porn”, et la dissémination non-consensuelle d’images ou de vidéos, rapporte The Independent. Une loi similaire existe aussi en France depuis 2016.
Mais aucun texte encadrant le travail pour protéger les acteurs et actrices pornographiques n’a encore vu le jour en Europe.
L’OTRAS en Espagne, le SZEXE en Hongrie ou encore le STRASS en France : il existe des syndicats de travailleurs et travailleuses du sexe, qui militent à leur échelle pour informer et faire valoir les droits de ces personnes. Les acteurs et actrices pornos y sont inclus, mais il n’existe pas de syndicat spécifique aux productions audiovisuelles X.
Un porno éthique ?
Il serait incorrect de présenter l’industrie pornographique entière comme suivant ces schémas : Erika Lust, productrice de films érotiques et militante pour une évolution de la pornographie mainstream loin des représentations racistes et misogynes habituelles, est la grande figure de la pornographie dite “éthique”.
Ses productions mettent en scène des scénarios alternatifs et inclusifs, et l’éthique de travail qu’elle impose à toutes ses équipes repose sur le consentement, le plaisir et la santé sexuelle, comme en témoigne sa charte, signée par un représentant de Lust Films – la maison de production – ainsi que par chaque nouvel acteur ou nouvelle actrice.
“Nos plateaux sont conçus pour être collaboratifs et fondés sur le bien-être : chaque artiste mérite un environnement respectueux et sûr, comme dans tout autre profession, ce qui implique des contrats transparents, une rémunération équitable, des tests réguliers de dépistage d’IST, des échanges sur les limites et le confort de chacun et chacune, et un rejet total des remaniements de dernière minute qui compromettent le consentement. [...] Le porno éthique commence avant que les caméras ne tournent. Il réside dans la manière dont nous traitons les gens, et pas seulement dans ce que nous montrons à l’écran”, partage-t-elle avec Voxeurop.
Lust Films n’est pas la seule maison de production s’engageant à mettre en place des conditions de travail dignes pour toutes les personnes qu’elle emploie.
Dans le sillage des affaires Jacquie et Michel et French Bukkake, certains grands acteurs du secteur français prennent d'ailleurs des mesures pour sauver leur image : le géant Dorcel, par exemple, a publié depuis une “Charte déontologique de la production X”, soulignant des principes élémentaires tels que l’aspect éclairé du consentement, le respect du droit à l’image et la transparence des contrats.
Est-ce réellement suffisant pour garantir la sécurité de tous les acteurs et actrices de l’industrie ?
L’argument principal de la défense dans l’affaire Jacquie et Michel est celui de la responsabilité : le site se présente comme une plateforme de distribution et non de production de contenu, et ses dirigeants n’auraient donc aucune emprise sur les conditions de tournage.
Un délit d’apologie du viol ?
En 1979 déjà, l’autrice et militante féministe américaine Andrea Dworkin prônait une criminalisation de la pornographie dans son ensemble car “le pouvoir des hommes dans la pornographie est le pouvoir impérial, le pouvoir de souverains cruels et arrogants qui continuent à prendre et à conquérir pour le plaisir du pouvoir et le pouvoir du plaisir”, comme elle l’écrivait dans Pornographie : Les Hommes s’approprient les femmes.
En France et en Espagne, le délit d’apologie du terrorisme existe depuis 2001. Au Royaume-Uni, le UK Terrorism Act de 2006 a pénalisé la glorification du terrorisme. Un délit d’apologie du viol n’existe pas encore, mais pourrait être une manière pertinente de lutter contre les multiples dérives de l’industrie du X.