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FIGAROVOX/TRIBUNE - Joyaux architecturaux et sources de fraîcheur l’été, les fontaines de Paris se trouvent aujourd’hui dans un état de déshérence dont la mairie est en grande partie responsable, déplorent les architectes Dominique Dupré-Henry et Tangui Le Dantec.
Dominique Dupré-Henry et Tangui Le Dantec sont architectes et cofondateurs du collectif «Aux arbres citoyens».
Quand les beaux jours arrivent et que la chaleur devient parfois difficile à supporter dans les métropoles, les citadins sont volontiers enclins à rechercher des sources de fraîcheur, via la présence apaisante de l’eau. Or, il se trouve que notre capitale est particulièrement bien dotée en fontaines : au nombre de deux cents environ, historiques ou contemporaines, monumentales ou modestes, toutes sont très appréciées des Parisiens et des touristes. Pourtant, nombre d’entre elles sont aujourd’hui dans un état déplorable, voire menacées de disparition.
Les imposantes fontaines « Art déco » de la porte de la Chapelle ont ainsi été retirées lors de l’aménagement du tramway et n’ont jamais été réinstallées. Place de la République, les fontaines aux Dauphins ont été supprimées avec la végétation qui les accompagnait, transformant la place en redoutable îlot de chaleur malgré la création d’un « miroir d’eau » qui n’a que brièvement fonctionné. Enfin, les fontaines des places de la Catalogne et de l’Hôtel de Ville ont été récemment remplacées par des « forêts urbaines » …
L’été 2021, pendant les Jeux olympiques de Tokyo, la plus grande des fontaines parisiennes, celle du Trocadéro, conçue par l’architecte Roger-Henri Expert pour l’Exposition universelle de 1937, a été transformée en fanzone par la mairie en dépit de l’indignation des citoyens et des associations. Malgré une remise en état coûteuse, ce site pourtant classé continue chaque année d’être occupé par des installations liées aux défilés de mode.
Au Champ de Mars, enfin, c’est le bassin et la fontaine de la place Jacques Rueff qui disparaissent chaque année, ensevelis sous des tonnes de sable et de matériaux pour des compétitions hippiques totalement inappropriées
Sur la place de la Concorde aménagée par Jacques Hittorf, les deux fontaines des Mers et des Fleuves, auparavant très dégradées, ont finalement été restaurées sous la pression des citoyens. Elles ont aussi beaucoup souffert de l’événementiel et de la transformation de cette place royale en skatepark ou autre lieu de manifestation sportive. Au Champ de Mars, enfin, c’est le bassin et la fontaine de la place Jacques Rueff qui disparaissent chaque année, ensevelis sous des tonnes de sable et de matériaux pour des compétitions hippiques totalement inappropriées, les laissant chaque fois plus abîmés.
Outre les dégâts de l’événementiel, la volonté de la municipalité de tout rendre accessible lors des réaménagements de places parisiennes, en supprimant la végétation et les éléments de protection comme les grilles, expose les fontaines à des dégradations inédites. C’est ainsi que le réaménagement de la place de la Contrescarpe, dans le 5e arrondissement, avec une suppression des strates basses de végétation, a rendu la fontaine centrale totalement accessible. Pendant les mois où elle est à sec, elle offre un spectacle désolant de personnes assises sur les rebords, les jambes dans le bassin et les pieds sur la tuyauterie pourtant fragile. Ses margelles servent ainsi de bancs improvisés aux touristes et marginaux qui jettent leurs détritus dans un bassin transformé en poubelle.
Le retour intermittent de l’eau ne règle pas le problème de la préservation patrimoniale et de la cohérence de cet espace. Autre exemple, celui de la place Daumesnil-Félix Éboué, Paris 12e, qui connaît actuellement un réaménagement très controversé, où la belle fontaine aux Lions de Davioud se retrouve désormais totalement accessible et à portée de dégradations et de graffitis.
En 2017 déjà, une enquête de La Tribune de l’Art montrait que seulement un tiers des fontaines fonctionnaient bien à Paris et étaient en bon état apparent
À cette incapacité de la mairie à comprendre le fonctionnement d’une ville telle que Paris s’ajoutent le manque de moyens affectés à l’entretien de l’espace public, dont le budget a diminué de 19% en dix ans, ainsi que la disparition des savoir-faire comme celui des fontainiers. Les promeneurs qui observent Paris peuvent constater à quel point de nombreuses fontaines sont aujourd’hui abandonnées par manque d’entretien et hors d’eau, pour une durée, semble-t-il, indéterminée. Ce problème persiste depuis des années puisque déjà en 2017 une enquête de La Tribune de l’Art montrait que seulement un tiers des fontaines fonctionnaient bien à Paris et étaient en bon état apparent.
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À côté du Palais Royal par exemple, les fontaines de la Nymphe marine et de la Nymphe fluviale, dessinées par Davioud, sont dans un état déplorable et sans eau depuis des années. Dans le parc de Bercy, Paris 12e toujours, la cascade est totalement abandonnée et ne fonctionne plus depuis bien longtemps. Après des années de protestation, certaines fontaines historiques ont été enfin restaurées comme celle des Innocents située aux Halles, œuvre Renaissance signée Pierre Lescot. Pourtant, elles sont régulièrement taguées, nettoyées puis à nouveau taguées dans un cycle sans fin… Autre problème, dans le parc André Citroën de style plus contemporain (Paris 15e), après des années de délabrement, le grand canal a été finalement restauré mais dans un esprit kitsch, sans aucun respect pour la simplicité et la beauté du projet initial.
Comme une grande partie du patrimoine, négligé par la municipalité, les fontaines parisiennes sont malheureusement en péril. C’est d’autant plus regrettable qu’elles jouent un rôle particulier dans l’espace public, à la fois sources de rafraîchissement et d’embellissement. Leur entretien nécessite, il est vrai, un effort particulier de la collectivité mais que serait Rome sans ses fontaines, en particulier la fontaine de Trevi, une des plus célèbres au monde, magnifiée par le cinéma de Federico Fellini ?