De petites entreprises de Vancouver qui dépendent de Postes Canada s’apprêtent à affronter le casse-tête que représenterait un deuxième arrêt de services en six mois.

Le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) a annoncé son l’intention de déclencher une grève le vendredi 23 mai à minuit.

Maya Bergeron-Robitaille, présidente-directrice générale d'Uni Design, s’apprête à appeler des clients pour leur parler de délais, annulations ou frais supplémentaires. Sa compagnie fait du surcyclage, c’est-à-dire qu’elle fabrique des vêtements à partir de tissu recyclé. Elle les distribue ensuite par la poste depuis Vancouver.

Elle devra se tourner vers des services de courrier privés, mais affirme que lors de la dernière grève qui a eu lieu entre le 15 novembre et le 17 décembre 2024, ceux-ci ont augmenté leurs tarifs.

Une personne qui travaille à Postes Canada retourne travailler à un entrepôt de Vancouver, le 17 décembre 2024. (Photo d'archives)

Photo : La Presse canadienne / DARRYL DYCK

D’autres difficultés relatives à l’utilisation de services privés existent. Par exemple, ils ne desservent tout simplement pas plusieurs endroits ruraux. Et donc à ce moment-là, on est vraiment pris en otage, dit Jasmin Guénette, le vice-président des affaires nationales à la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante.

D’autre part, les fournisseurs privés n’ont pas nécessairement les ressources pour répondre à la demande accrue. Emma May, PDG de la compagnie de mode de Vancouver Sophie Grace Designs, affirme avoir reçu plusieurs appels de clients inquiets lors de la dernière grève l’automne dernier.

L'une de ces grandes entreprises avait pris un tas de nos produits, une centaine de commandes. Nous pensions les avoir expédiées à nos clients, mais elles étaient littéralement restées deux semaines dans l'entrepôt de cette compagnie qui nous a dit : “Désolé, nous sommes surchargés. Nous ne pouvons pas les expédier.”

Deux crises en même temps

Sophie Grace Designs envoie la plupart de ses produits par la poste. Emma May explique que comme ses articles sont d’une valeur importante, les clients vont souvent accepter des frais de livraison supplémentaires en cas de grève de Postes Canada.

Mais elle a une autre crise à gérer : les tarifs douaniers de l’administration Trump. Comme ses vêtements sont fabriqués en Chine, les droits de douane américains contre ce pays d'Asie et le Canada ont frappé de plein fouet l’entreprise vancouvéroise qui tirait 30 % de ses revenus du marché américain.

Emma May est la PDG et fondatrice de la compagnie de vêtements vancouvéroise Sophie Grace Designs. (Photo d'archives)

Photo : (Paula Duhatschek/CBC)

Nous avons perdu 30 % dès le départ. Donc nous avons dû nous adapter rapidement. Nos clients canadiens ont été formidables. Mais pour les petites entreprises en Amérique du Nord en ce moment, entre les grèves et les tarifs douaniers et tout le reste, on se demande : “Qu'est-ce qui se passe? Quel sera le prochain coup? ” Et beaucoup d'entre nous n'ont pas de grandes réserves financières pour s’ajuster facilement.

Ce sont 80 % des petites et moyennes entreprises qui comptent sur Postes Canada pour leurs opérations, dit Jasmin Guénette.

Il soupçonne que plusieurs ont déjà abandonné la société d’État dans la foulée de la dernière grève, ce qui est compréhensible selon lui. On encourage les petites et moyennes entreprises à trouver d'autres fournisseurs avec lesquels les entreprises vont avoir plus confiance à long terme, dit-il.

La solidarité malgré la souffrance

Maya Bergeron-Robitaille et Emma May disent comprendre les préoccupations du syndicat de Postes Canada, qui veut notamment exprimer son mécontentement à l'égard d'un nouveau rapport qui recommande d’arrêter les livraisons quotidiennes à la porte.

Je comprends la perspective des travailleurs de Postes Canada. Je suis en solidarité avec eux, mais en même temps, moi, ça vient vraiment affecter mon entreprise, dit Maya Bergeron-Robitaille, qui, comme Emma May, attend avec impatience la résolution du conflit.

Avec les informations de Wildinette Paul et des émissions The Early Edition et Phare Ouest