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Le monde a changé. Pas Postes Canada, qui reste figée dans un temps d’avant révolu, insensible aux communications instantanées et dématérialisées qui meublent désormais notre ordinaire.
Signé par William Kaplan, le Rapport de la commission d’enquête sur les relations de travail devait permettre de déplier, avec méthode et impartialité, les analyses et les arguments de Postes Canada et du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) pour en dégager des lignes de force communes suffisamment solides pour dessiner des lendemains qui chantent à la société d’État. La promesse a été tenue en 187 pages qui mettent hélas en lumière un fossé vertigineux.
Si l’on demandait aux deux parties de dessiner le service postal d’aujourd’hui et de demain, il y a fort à parier qu’on se retrouverait avec quatre créatures dépareillées. Employeur et employés ne s’entendent ni sur la nature et l’origine des défis qui attendent la société d’État ni sur les solutions à mettre en branle pour lui assurer un futur viable.
Le STTP estime que ce sont les mauvaises décisions opérationnelles de Postes Canada qui l’ont menée au bord du gouffre. Des décisions malavisées, il y en a eu, concède le rapport Kaplan. De là à dire que la société d’État a elle-même provoqué sa fin prochaine, il y a un pas qu’il refuse de franchir, jugeant plutôt le problème multifactoriel et… partagé.
L’heure, de toute façon, est moins à la distribution des blâmes qu’aux électrochocs. « Postes Canada est confrontée à une crise existentielle : elle est insolvable ou en faillite », écrit M. Kaplan. La formule n’a rien de l’hyperbole. Si la société d’État était une entreprise privée, la faillite serait déjà à ses portes. En janvier dernier, le gouvernement canadien a dû lui accorder un financement temporaire d’urgence de 1,034 milliard pour l’exercice 2025-2026.
Simple accident de parcours ? Même pas : plutôt la nouvelle donne maintenant nécessaire pour soutenir son modèle en perdition. Dans son plus récent rapport annuel, on lit que la société d’État aura à quémander la même somme en 2026, et ainsi de suite, tant que durera le statu quo.
Cette insoutenable pression financière survient alors que la livraison des lettres fond comme neige au soleil. En 2006, Postes Canada en avait livré 5,5 milliards ; en 2023, 2,2 milliards. Les projections indiquent que le déclin s’accentue. Ça ne va guère mieux sur le front du courrier de marketing direct, qui poursuit inexorablement sa migration vers le numérique. Quant aux colis postaux, ils se portent mieux, mais leur nombre ne fait pas le poids devant la part des géants comme Amazon et Intelcom, qui dominent un ballet de livraisons en explosion dans nos villes et villages. Et ce, sept jours sur sept.
Le rapport Kaplan propose donc sept électrochocs, dont la fin de la livraison quotidienne à domicile. Familiers avec la petite marche santé qui les mène déjà à leurs boîtes ou comptoirs postaux, les ruraux pourraient confirmer aux urbains que c’est sans doute là un moindre mal pour garder un service public viable d’un océan à l’autre. Pour cela, Ottawa devra cependant lever ses moratoires.
Si Postes Canada veut avoir un avenir financièrement viable, elle devra aussi gagner gros en souplesse de gestion. L’acheminement dynamique est pratiqué par toutes les entreprises de messagerie, et Postes Canada ne peut plus rester sur son quant-à-soi sur ce terrain. Il lui faut pouvoir planifier ses livraisons autrement, y compris avec des travailleurs à temps partiel pour combler les livraisons de colis la fin de semaine et aider à gérer le volume pendant la semaine.
La bonne nouvelle, c’est que Postes Canada peut encore être sauvée si elle se recentre sur sa mission de base, croit le rapport Kaplan.
Le temps joue toutefois contre la société d’État, qui a vu sa contribution grignotée morceau par morceau par un secteur privé aux appétits gargantuesques. Tant que des changements en profondeur ne seront pas appliqués, elle continuera à perdre du terrain au profit d’un secteur privé qui carbure à la conquête de nouveaux territoires.
Il n’y aura pas d’autres chances. À elles seules, les PME ont essuyé des pertes évaluées à un milliard de dollars lors de la grève de novembre et décembre derniers. Plusieurs ont promis qu’on ne les y reprendrait plus et ont quitté Postes Canada sans un regard en arrière, s’inquiète M. Kaplan. Échaudées, celles qui sont revenues ou restées dans le giron de Postes Canada sont nombreuses à avoir enclenché un plan B en prévision d’une nouvelle grève, qui pourrait être déclenchée vendredi. D’autres désertions sont donc hautement probables.
La saignée doit être arrêtée. Une chose doit être absolument préservée, et c’est la promesse d’offrir un service universel. Maintenant, comment l’offrir et à quelle fréquence ? L’heure est à la tabula rasa. Ça tombe bien, la dernière modification de la charte de Postes Canada remonte à 2018. L’occasion est donc idéale pour une opération de sauvetage et de modernisation tous azimuts.
Faute de quoi la société d’État ne sera plus que l’ombre d’elle-même. Ou, pire encore, le souvenir d’un temps d’avant qui, non, ne reviendra pas.
Ce texte fait partie de notre section Opinion. Il s’agit d’un éditorial et, à ce titre, il reflète les valeurs et la position du Devoir telles que définies par son directeur en collégialité avec l’équipe éditoriale.