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Crise du détroit d’Ormuz : «Nos données seront-elles le prochain levier de chantage géopolitique ?»

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FIGAROVOX/TRIBUNE - En plus de menacer le commerce mondial, le spectre d’une fermeture du détroit d’Ormuz révèle une autre faille, béante quoique peu mise en lumière : la dépendance de l’Europe aux infrastructures physiques du numérique, très énergivores, explique l’avocat Alexandre Lazarègue.

Alexandre Lazarègue est avocat spécialisé en droit du numérique.


Le regain de tensions dans le détroit d’Ormuz, par où transite un tiers du pétrole mondial, ravive une inquiétude : celle d’un choc énergétique mondial. Mais derrière cette crise visible s’en cache une autre, plus souterraine : la dépendance stratégique de l’Europe à des infrastructures numériques qu’elle ne maîtrise pas.

Car derrière chaque e-mail, chaque visioconférence, chaque contrat signé électroniquement, il y a une infrastructure physique : des câbles, des serveurs, des centres de données gigantesques, appelés data centers. Or ces centres, qui hébergent nos services numériques les plus critiques, sont extrêmement énergivores. Leur fonctionnement dépend d’une alimentation électrique stable et massive.

En cas de flambée durable des prix de l’énergie ou de rupture d’approvisionnement liée à une crise géopolitique – comme celle d’Ormuz – les fournisseurs cloud pourraient être contraints de réallouer ou de suspendre certaines capacités. Cela signifie concrètement des hausses de tarifs, des ralentissements, voire des interruptions ciblées. Surtout si les centres en question sont situés à l’étranger et opérés par des acteurs soumis à des logiques géopolitiques différentes.

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Les conséquences d’une telle crise seraient profondes. De nombreuses entreprises européennes dépendent de services SaaS (Software as a service), de plateformes e-commerce, d’API critiques hébergées aux États-Unis. Une dégradation de l’accès ou une coupure localisée aurait des effets en cascade : retards logistiques, perte de données, arrêt d’activité, atteinte à la conformité RGPD. Pour les PME, déjà fragilisées, ce serait un choc majeur. Pour les grands groupes européens, cela pourrait entraîner une perte de compétitivité face à des concurrents mieux équipés ou géographiquement moins exposés.

Plus encore : des interruptions ciblées de services dans des secteurs comme la santé, les transports ou les finances affecteraient directement la stabilité de nos sociétés. Dans un monde interdépendant, la continuité numérique est devenue un facteur de sécurité nationale. Aujourd’hui, environ 80 % des données générées par les internautes français sont stockées aux États-Unis, via les services d’Amazon, Microsoft ou Google. Et depuis 2018, le Cloud Act permet à l’administration américaine d’accéder à ces données, quel que soit leur lieu de stockage physique.

Le droit européen doit devenir un outil de réciprocité. Face à l’extraterritorialité assumée du droit américain, l’Union ne peut plus se contenter de principes non contraignants

Autrement dit, en cas de conflit diplomatique – sur l’Iran, le climat ou les tarifs douaniers – un président américain pourrait ordonner la suspension de services critiques en Europe : cloud, messagerie, plateformes IA. Ce scénario est à la fois juridiquement envisageable et techniquement facile à mettre en œuvre.

Face à cette menace, l’Europe reste désarmée. Elle cumule les vulnérabilités : dépendance technique (absence d’alternatives crédibles), verrouillage commercial (coût du changement d’opérateur), et faiblesse juridique (incapacité à imposer ses normes). Le rapport n°755 du Sénat l’indique clairement : sans écosystème logiciel européen, il n’y a pas de résilience possible. Des initiatives existent – Gaïa-X, Cloud de confiance, doctrine « cloud au centre » – mais elles peinent à s’imposer. Faute de stratégie industrielle cohérente, de financement structurant, et surtout de volonté politique.

Reconquérir notre souveraineté numérique suppose d’agir sur trois leviers essentiels. Il faut d’abord bâtir une offre européenne crédible, en soutenant les opérateurs cloud immatriculés dans l’Union, en orientant résolument la commande publique vers ces acteurs, et en encadrant une concurrence devenue déloyale. La puissance publique ne peut plus se contenter de passer commande : elle doit redevenir stratège.

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Ensuite, la géopolitique doit entrer dans les contrats. À l’instar des clauses de force majeure en matière énergétique, les contrats numériques doivent intégrer le risque d’interruption ou de « reroutage » des données. La souveraineté ne peut plus rester un principe abstrait : elle doit se traduire en engagements opérationnels, visibles dans les niveaux de service (SLA) et dans la transparence sur la localisation des données.

Enfin, le droit européen doit devenir un outil de réciprocité. Face à l’extraterritorialité assumée du droit américain, l’Union ne peut plus se contenter de principes non contraignants. Il est temps de bâtir un cadre juridique ambitieux, doté de mécanismes de blocage efficaces, et d’assumer une politique numérique de puissance.

La crise d’Ormuz agit comme un révélateur : le numérique n’est pas un monde abstrait, coupé des tensions géopolitiques. Il consomme de l’énergie, repose sur des infrastructures physiques et obéit à des logiques de pouvoir. Dans ce contexte, l’extraterritorialité du droit américain et le contrôle stratégique des infrastructures cloud ne sont pas neutres. Ils participent d’une nouvelle forme de pression silencieuse, où l’arme n’est plus la monnaie ou la flotte, mais le serveur et le contrat.

L’Europe ne peut plus ignorer cette réalité. Ne pas s’en protéger aujourd’hui, c’est accepter que demain, une décision prise hors de nos frontières puisse, en un clic, suspendre l’activité d’une entreprise, faire pression sur un secteur, ou influer sur une négociation commerciale. Refuser d’affronter ce défi, c’est accepter que notre avenir numérique se décide ailleurs.

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