La Québécoise Arianne Vallières a du bagou à revendre, une personnalité hyperattachante et un talent de gameuse hors norme. Tout ce qu’il faut pour que son travail d’influenceuse sous le pseudonyme de Cocottee marche à fond. C’est peu dire que c’est le cas.

La jeune femme de 25 ans cumule plus de trois millions d’abonnés sur Twitch, YouTube, TikTok et Facebook. Ils la regardent jouer à un jeu vidéo, visiter un site touristique, tester un restaurant, ou encore « chiller » avec son toutou dans son appartement. Toujours avec humour. Toujours branchée sur le 220.

Cocottee est devenue une aussi grande vedette en France qu’au Québec. Là-bas, les paparazzis la suivent, et les fans l’arrêtent tout autant dans la rue.

Il y a mieux à ce grand compte de la popularité numérique des personnalités québécoises. Énola Bédard, maintenant installée en Californie, cumule plus de 2,5 milliards de visionnements de ses montages de danse sur les réseaux sociaux. On répète : 2,5 milliards. Par comparaison (qui n’est pas raison), toutes les vidéos diffusées par Radio-Canada durant la dernière campagne électorale ont généré 69 millions de branchements.

Cocottee et Énola se retrouvent naturellement au centre de la série Créateurs d’influence. Les quatre épisodes de 20 minutes chacun sont diffusés à compter du 8 juillet dans la section Véro.tv d’Ici Tou.tv Extra.

Anne-Lovely Etienne, journaliste et influenceuse, fait équipe avec Patricia Paquin, animatrice télé et radio, pour ce portrait de groupe du monde de l’influence. Elles mènent les entrevues avec Cocottee et Énola Bédard, et d’autres créateurs de contenu, Cynthia Dulude, Aly Brassard et Xavier Watso, le seul homme du lot. Les deux animatrices rencontrent divers experts pour analyser et contextualiser le phénomène.

« L’idée de départ nous a été proposée par Anne-Lovely Etienne, qui avait envie de mettre la lumière sur ce monde, explique Marie-Ève Dupras, productrice au contenu chez KOTV, qui produit la série. Les créateurs de contenu prennent de plus en plus de place dans l’univers médiatique. Un nombre grandissant de jeunes disent qu’ils veulent faire ça dans la vie. Les enseignants répètent que les jeunes consomment beaucoup [de ce type de contenu]. Notre idée, c’était donc de produire une série intéressante pour eux et d’accompagner leurs parents et les personnes plus âgées qui se questionnent sur ce milieu. »

Patricia ne juge pas

Le sujet appelait naturellement un traitement personnalisé. L’angle s’y retrouve développé avec la jeune fille préadolescente de M^me Paquin qui, comme d’autres enfants interviewés, rêve elle aussi de devenir influenceuse. Cette aspiration sert d’amorce à l’enquête développée en quatre sections pour présenter ce métier atypique, son quotidien, ses contraintes de performance et l’avenir du domaine.

« Patricia ne juge pas, dit la productrice. Mais elle pose beaucoup de questions. Elle se demande où tout ça nous mène. On voulait avoir une émission ouverte et juste. Notre but, ce n’était pas de montrer une vision faussement positive, mais plutôt d’exposer le vrai travail de ceux qui prennent le métier au sérieux. »

Photo: Radio-Canada Patricia Paquin et sa fille dans la série documentaire

On y apprend par exemple qu’une vidéo d’une quarantaine de minutes diffusée sur YouTube peut demander jusqu’à 60 heures de tournage et de montage. De plus, ce métier fait vivre les influenceurs sous le regard critique constant d’un public capable de générer un déluge de commentaires haineux.

« On a été surpris par la lucidité de certains créateurs de contenu, enchaîne la productrice. Ils savent très bien que ce qu’ils montrent est une partie d’eux-mêmes, une image contrôlée. Certains nous ont parlé de leur anxiété, de la pression constante. Ça casse un peu le mythe de la vie parfaite. Et ça rend les témoignages plus touchants. »

Le nom du phénomène a son importance. La tension entre les termes « influenceur » (à connotation négative) et « créateur de contenu » (plus générique) traîne en filigrane dans la production. Au dernier épisode, l’animatrice radio Marie-Christine Proulx, productrice et animatrice du balado sur la santé et la parentalité Le vrai du faux, explique que la distinction entre les deux appellations lui importe peu. Elle assume par ailleurs l’aspect promotionnel et marketing de ses émissions.

Esprit critique, y es-tu ?

Du contenu utile ou pédagogique, les créateurs influenceurs en proposent aussi. Cynthia Dulude crée des tutoriels de maquillage en ligne, donne des cours et publie des livres. Xavier Watso informe quant à lui sur les questions autochtones, y compris en donnant des leçons de langue abénaquise.

Le dernier épisode aborde la question des perspectives d’avenir pour les créateurs de contenu. Les experts consultés s’entendent pour dire que l’influence devrait prendre de l’expansion et que le Québec offre encore beaucoup d’espace de croissance aidé par le micromarketing. Certains youtubeurs ou tiktokeurs pourront se débrouiller et générer des revenus avec quelques milliers d’abonnés à leurs chaînes spécialisées.

D’où aussi la recommandation finale d’éduquer à la réception critique de ces contenus riches en placements de produits. Dans la série, une psychologue rappelle que le cerveau se développe jusqu’à 25 ans, l’âge de Cocottee…

« Chez nous, on est un peu conservateurs de ce point de vue, conclut Marie-Ève Dupras. Mes enfants n’ont pas de tablette ni de téléphone. Ils ne consomment pas ce genre de contenu. Mais comme tous les adolescents et tous les enfants qui vont à l’école, ils sont influencés par les gens autour d’eux. D’où l’importance d’ouvrir le dialogue avec les jeunes. Les parents doivent rester ouverts et curieux, comme Patricia Paquin. Mais il faut aussi que l’école joue son rôle dans l’éducation critique au numérique. »