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Couples et immigration, le parcours du combattant

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D’où qu’ils viennent, les couples qui immigrent au Canada font face à des défis nombreux et d'ordre différent. Certains parviennent à les surmonter, mais bien des couples voient leur rêve, tout comme leur union, se fracasser contre les récifs de la réalité du pays d’accueil.

Ici, c’est le tombeau des couples. Cette boutade aux allures de mise en garde d’un immigré de longue date à un autre fraîchement arrivé au Canada est évocatrice : immigrer, ce n’est pas un long fleuve tranquille, et ce l’est encore moins lorsqu’on s’expatrie en couple. Bien des personnes l'ont appris à leurs dépens.

Originaires du Cameroun, Serge Makuetche et son ex-mari vivent d’abord en France avant de faire leurs valises pour le Canada. Avec leurs deux enfants, ils s’installent dans le sud de l’Alberta.

Serge Makuetche dit que la décision d’immigrer au pays de l’érable était mûrement réfléchie et que c’était davantage pour leurs enfants, afin qu’ils aient la chance qu'ils ne peuvent pas avoir en France, le Canada étant une terre où tout le monde est valorisé.

De la coupe de miel à la coupe de fiel

Une fois au Canada, le couple s’emploie à réaliser son rêve, mais un premier grain de sable vient enrayer l'engrenage. C’est lorsque le conjoint de Serge veut accéder au compte bancaire ouvert au nom des enfants. Le préposé au guichet bancaire lui signifie qu’il lui faut une autorisation de sa femme, ce qu’il considère comme un affront.

En France, il pouvait accéder au compte des enfants, mais ici, non, explique Serge Makuetche. Son ex-mari revient frustré.

Voilà, on est dans une société où c'est à la femme qu’on donne tous les avantages. Des choses comme ça, ce n’est pas normal, s’exclame-t-il.

Après ce premier accroc, tout semble rentrer dans l’ordre. L’ex-mari de Serge l’encourage vivement à retourner sur les bancs de l’université, vantant son potentiel.

Mais, une fois que j'ai repris les études et qu'il a commencé à voir mes notes, ça a commencé à poser problème.

Serge Makuetche debout dehors dans la rue en train de poser pour la photo, les bras croisés en juin 2025.

Serge Makuetche affirme qu’elle a subi de la violence physique et psychologique de la part de son ex-conjoint.

Photo : Radio-Canada / Radja Mahamba

D’après Serge Makuetche, la perspective qu’elle puisse réussir dérange. De plus, sa belle-famille s’en mêle en faisant croire à son mari que sa femme le quitterait si elle arrivait à obtenir un emploi plus valorisant que le sien.

C’est là que les choses ont commencé à se gâter, relate Serge Makuetche. Le couple finit par se séparer après de nombreux épisodes malheureux.

L’ex-conjoint de Serge rentre en Afrique en la laissant seule avec les enfants.

Son diplôme en poche, Serge Makuetche devient enseignante dans un établissement francophone, où elle est reconnue pour son engagement communautaire.

Un double isolement

Pour leur part, les Français Anthony Bertrand, biologiste, et sa conjointe, agente administrative, arrivent en Alberta en 2005, dans le cadre d’un permis de travail temporaire.

À son retour dans son pays après deux ans d’absence, le couple constate que le marché du travail ne lui offre pas de perspectives encourageantes. Il présente une demande de résidence permanente, qu’il obtient en 2009.

Anthony Bertrand et sa conjointe reviennent donc au Canada en 2009, avec un nourrisson dans les bras. Puis ils accueillent un deuxième enfant en 2010.

Anthony Bertrand raconte que la première difficulté que sa conjointe et lui doivent surmonter, c'est l'isolement.

Il y a l'isolement lié à la barrière de la langue dans une province majoritairement anglophone, mais aussi l’absence d’un cercle de connaissances auquel le couple pourrait faire appel de temps à autre pour, par exemple, garder ses enfants le temps d’une sortie en amoureux.

Nous nous sommes retrouvés ainsi dans une espèce de petite bulle [où] les enfants sollicitent toute notre attention et toute notre énergie, dit Anthony Bertrand.

Sa conjointe et lui rompent en 2012. Il y a sûrement d’autres choses problématiques à l’origine de cette séparation, précise-t-il.

Cela dit, il croit que, s’ils avaient eu de l’aide durant leur double isolement, cela leur aurait permis d’avoir du temps pour se pencher sur ces problèmes-là.

L'expatriation, ce sont des choses qui créent de la tension sur la corde, et on a trop tiré sur la ficelle.

Anthony Bertrand avec un bébé dans les bras.

Anthony Bertrand s’est remarié et a construit un réseau de connaissances qui lui facilite la vie.

Photo : Fournie par Anthony Bertrand

Diahara Traoré est professeure adjointe à l'École de travail social de l'Université de Montréal. Elle constate que les défis que rencontrent certains couples immigrés, spécifiquement ceux qui viennent d’Afrique subsaharienne, ont d’abord leur origine dans la socialisation genrée, soit la façon dont ces personnes ont été élevées et qui peut différer radicalement de celle du pays d’accueil.

À cet égard, Anthony Bertrand dit ne pas être d’accord avec les gens qui prétendent que les Occidentaux s’intègrent plus facilement au Canada. Il estime, par exemple, que les immigrés africains sont plus enclins à se constituer un réseau et à créer une dynamique. Alors que nous, avec notre culture occidentale, nous n’avons pas forcément ce réflexe, précise-t-il. 

Une spirale de violence

Dans bien des couples immigrés, la violence s’en mêle. 

L’exemple d’Alice (nom fictif), qui a requis l’anonymat pour des raisons de sécurité, est représentative.

Elle a trouvé refuge au Canada il y a plus de 10 ans, après avoir été parrainée par sa mère qui avait fui la violence armée dans le Nord-Kivu, en République démocratique du Congo (RDC).

À son arrivée en Alberta, alors qu’elle est enceinte de son deuxième enfant, Alice entreprend à son tour les démarches pour faire venir son fils de 2 ans et son conjoint. Ceux-ci la rejoignent cinq ans plus tard.

Le mari d’Alice se rend de temps en temps dans leur pays d’origine en prétextant une raison professionnelle. Il partait longtemps au pays, disant que c’était pour du travail, mais il ne nous envoyait rien du tout. J’élevais seule les enfants, dit-elle.

La jeune femme apprend par la suite que celui-ci mène une vie de polygame et qu’il a même eu un autre enfant dans son pays d’origine. C’était le choc, dit-elle.

S’en suivent des disputes régulières, qui, au fil du temps, s’enveniment, à telle enseigne que son aîné commence à fuguer de la maison. Parce qu’on n’avait pas la paix, raconte Alice.

Un jour, j’ai décidé que c’était fini, que j'avais déjà trop souffert, et qu’il valait mieux que je consacre le peu d’énergie qu’il me reste à mes enfants.

Une femme de dos assise sur un banc.

Des femmes séparées ont affirmé avoir été victimes de violence physique et psychologique.

Photo : Radio-Canada / Bassirou Bâ

Alice enclenche une procédure de séparation qui suit son cours. Son conjoint n’accepte pas cette éventualité, mais rien ne la fera reculer, bien qu’elle craigne des représailles de sa part.

Elle affirme que des membres de la communauté tentent une médiation en implorant son pardon. Je leur réponds : J’ai pardonné tant de fois, rien n’y a fait. Maintenant, je dois me protéger.

Serge Makuetche affirme également qu’elle a subi de la violence psychologique et physique. 

Elle ajoute que son ex-conjoint a aussi fait vivre un calvaire aux enfants. Je n’ai jamais compris ce virage à 360 degrés d’un père qui était pourtant aimant avec ses enfants.

Dee Adekugbe est la fondatrice et directrice générale de Ruth’s House Society, un centre qui accueille des couples immigrés en difficulté. Ceux-ci sont originaires du Nigeria, du Ghana, d'Érythrée, du Soudan, de Somalie ou encore du Maroc.

Portrait de Dee Adekugbe.

Dee Adekugbe dit que, en plus de l’isolement qui peut les rendre irascibles, beaucoup d’immigrés font souvent face à une crise financière et émotionnelle qui peut les pousser à avoir des comportements répréhensibles.

Photo : Radio-Canada / Fournie par Kaushini Chandrachoodamani

Nombre de ces couples ont eu maille à partir avec la justice en raison de problèmes de violence conjugale, mais Dee Adekugbe affirme que, grâce à la médiation et à l’accompagnement de son centre, certains ont pu remonter la pente et sauvegarder leur union.

Dee Adekugbe, qui est également pasteure, admet qu’il y a eu des cas pour lesquels elle n’a rien pu faire.

Au bout de l’épreuve

Pour leur part, les Mutombo ont réussi à sauver leur mariage. Jean Mutombo et Maguy Dorcas Nzumba Muteba sont arrivés au Canada en octobre 2022 en provenance de la République démocratique du Congo, avec leurs enfants de 12, 6 et 4 ans.

En plus de la barrière linguistique pour les immigrés venus de pays francophones, l’un de leurs premiers chocs est lié à la météo : l’Alberta, leur province d'accueil, est connue pour ses hivers rudes.

Jean Mutombo et Maguy Dorcas Nzumba Mutebaen train de poser dans leur salon.

Aux couples qui veulent venir au Canada, les Mutombo conseillent d’avoir un projet bien ficelé et de bien s’informer au préalable sur les réalités du pays.

Photo : Fournie par Maguy Dorcas Nzumba Muteba

Pour Jean Mutombo et Maguy Dorcas Nzumba Muteba, il y a aussi et surtout eu la non-reconnaissance de leurs diplômes universitaires, ce qui a eu pour effet de leur fermer d’emblée la porte du marché des emplois qualifiés.

Même à supposer que leurs diplômes aient été reconnus, ils se sont retrouvés face à un autre obstacle : l’exigence d’avoir une expérience professionnelle canadienne.

Faute de reconnaissance de leurs diplômes, ils ont dû reprendre des études, ce qui passait aussi par une mise à niveau en anglais.

Mais, comment retourner aux études en ayant des enfants à la maison, demande Jean Mutombo. Comment faire garder le plus jeune, qui n’avait pas l’âge d’aller à l’école?

Ça n'a pas été facile, hein!, renchérit Maguy Dorcas Nzumba Muteba, la première à retrouver le chemin de l’université pendant que son conjoint s'occupait des enfants.

Après un an et demi de formation, elle a décroché son diplôme. Son mari a fait de même.

Tous les deux travaillent et habitent dans leur propre maison. Le couple a ainsi réussi son pari, au grand soulagement de Maguy Dorcas Nzumba Muteba.

Je connais des couples qui se sont séparés seulement un mois après leur arrivée ici.

Jean Mutombo évoque pour sa part une phrase que quelqu’un lui a dite et qui lui a servi, en quelque sorte, de devise.

Il m’avait dit : "Le Canada, c'est un pays de défis." J'ai mis ça dans ma tête. Ça fait que, chaque fois que je rencontre un défi, je me dis que c'est normal.

Aux origines des problèmes

Diahara Traoré note que, en ce qui concerne la socialisation genrée des immigrés venus d’Afrique, le modèle en ce qui concerne les hommes, est globalement celui d’une masculinité patriarcale.

La chercheuse explique que, dans cette conception traditionnelle, l'homme se doit d'être un pourvoyeur et un protecteur non seulement pour sa famille nucléaire, mais aussi pour la famille élargie.

Ce rôle se traduit notamment par des gestes rituels, qui consistent à remettre chaque jour à sa femme les dépenses domestiques. C’est un geste symbolique très fort.

Du point de vue des femmes, la féminité est souvent construite autour d'un modèle de mère que les anglophones appellent caregiver, poursuit Diahara Traoré. Il s’agit d’un modèle de féminité forte et performative, porté par un discours selon lequel la femme doit toujours respect à son époux.

Portrait de Diahara Traoré.

Diahara Traoré note que l’inversion des rôles, soit lorsque c’est la femme qui travaille pour subvenir aux besoins du foyer, peut aussi constituer une source de conflit dans certains couples immigrés.

Photo : Fournie par Diahara Traoré

Elle fait remarquer que les repères de ces conceptions de la masculinité et de la féminité se trouvent brouillés et déstabilisés lorsque les personnes qui les défendent immigrent au Canada.

À ces obstacles s’ajoutent dans certains cas les micro-agressions, la discrimination, le racisme et la déqualification professionnelle.

Diahara Traoré note que, là où les femmes africaines immigrées peuvent accepter un emploi moins qualifié, à cause d'une socialisation qui leur a appris qu'elles doivent se rabaisser si nécessaire, les hommes vont plus avoir tendance à s’y opposer.

Même si les hommes acceptent, cela peut engendrer une zone de combat dans le foyer, à cause de la violence symbolique de ce que ça représente.

Malheureusement, les combats externes vont être rapatriés à l'intérieur. C'est là que des cas de violences conjugales vont émerger.

La chercheuse précise que les tensions peuvent surgir, notamment lorsque l’homme, qui rentre à la maison et s'attend au moins à recevoir le respect qu’il n’a pas pu obtenir dehors, se heurte à une femme qui, elle aussi, se sent bousculée dans sa féminité.

Par ailleurs, selon elle, la conception traditionnelle du couple est aujourd’hui bousculée même en Afrique, surtout dans les centres urbains et au sein des classes aisées.

Un groupe de personnes en train de poser pour une photo de groupe.

Tout en notant qu’il existe des ressources d’aide et d’accompagnement pour les femmes d’un océan à l'autre, tel que l’organisme Femmes canadiennes noires en action, Diahara Traoré et Dee Adekugbe plaident pour qu’il y ait aussi des lieux d’écoute et de parole pour les hommes.

Photo : Fournie par Chiamaka Obia

Collectivisme contre individualisme

Dee Adekugbe ajoute à ces difficultés le fait, pour les couples venus d’Afrique, de devoir passer d’une société d’origine plus ou moins collectiviste à une société individualiste.

De plus, en arrivant au Canada, il faut tout reconstruire à partir de zéro, comme le souligne Jeanne Lehman, directrice générale de l’organisme Femmes canadiennes noires en action.

Elle fait remarquer qu’il s’agit souvent de couples instruits et qui ont dû renoncer à une bonne situation socioprofessionnelle pour réaliser leur rêve canadien, mais que cela finit en queue de poisson.

On n'a pas de famille, on essaie de se faire des amis, et cela n’est pas évident non plus parce que chacun vit dans ces problèmes, personne ne peut porter les problèmes de l'autre. [...] On a l'impression qu'on n'est plus rien.

Portrait de Jeanne Lehman.

Jeanne Lehman, directrice générale de l’organisme Femmes canadiennes noires en action, souligne que beaucoup de couples se retrouvent livrés à eux-mêmes à leur arrivée au Canada.

Photo : Fournie par Chiamaka Obia

Plaidoyer pour les hommes

Jeanne Lehman et Dee Adekugbe notent par ailleurs que les hommes ont tendance à taire leur mal-être.

Diahara Traoré ajoute que beaucoup d’hommes immigrés vivent un malaise identitaire, que la société va devoir examiner en termes de ressources et d'accompagnement.

D’après elle, il existe des ressources pour les femmes, mais il n'y en a pratiquement pas pour les hommes, qu’ils soient immigrés ou nés dans le pays : Il n'y a pas d'espace pour que ces personnes-là puissent exprimer quelque mal-être que ce soit.

Dee Adekugbe conclut en disant que, pour y remédier, son organisme a ouvert le premier refuge pour hommes de l’Ouest canadien.

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