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Icône des jeunes dans les années 2000, American Apparel a bousculé le monde de la mode avec ses publicités provocantes et ses vêtements « made in USA », à une époque où la délocalisation s’imposait. Un nouveau documentaire revient sur l’ascension fulgurante de la marque et sur sa chute brutale après les allégations de harcèlement sexuel et de gestion toxique visant son fondateur d’origine montréalaise, Dov Charney. Retour sur une success story qui n’a pas duré.
« American Apparel, c’est un peu comme une histoire d’amour qui s’est très mal terminée », explique Stéphane Le Duc, journaliste québécois spécialisé en mode. Et il suffit de se plonger dans le nouveau documentaire sur Netflix Trainwreck: The Cult of American Apparel (Chaos d’anthologie. Sur l’autel d’American Apparel) pour lui donner raison. Depuis sa sortie, le documentaire fait un carton, se retrouvant à la troisième place du palmarès des visionnements sur la plateforme au Canada. Preuve que, même si l’enseigne a fait faillite et fermé ses magasins il y a 10 ans, elle reste bien ancrée dans les esprits.
Fondée en 1989, American Apparel a ouvert ses premières boutiques en 2003, à Los Angeles, à New York et à Montréal. L’enseigne se démarquait de ses concurrents en proposant des vêtements de qualité et abordables, dans un style très simple, mais branché. Chaque modèle était décliné dans une panoplie de couleurs, sans logo apparent.
« C’était original, différent, audacieux. Tout le monde avait un morceau dans sa garde-robe. C’était un magasin incontournable pour les jeunes », se remémore Stéphane Le Duc, qui est aussi chargé de cours à l’École supérieure de mode de l’UQAM.
Conscience sociale
Rapidement, la marque a connu une croissance fulgurante. Des boutiques ont ouvert un peu partout dans le monde en quelques années. L’entreprise a même fait son entrée en Bourse dès 2007.
Au-delà du style, les clients étaient aussi séduits par les valeurs à contre-courant de l’entreprise. Dans les années 1990-2000, alors que les grandes enseignes délocalisaient leur production en Asie pour réduire leurs coûts, le fondateur, Dov Charney, se targuait de fabriquer ses vêtements au centre-ville de Los Angeles. Dans son usine, les travailleurs derrière les machines à coudre — majoritairement des immigrants — étaient payés le double du salaire minimum.
Photo: Neflix
Le fondateur d’American Apparel, Dov Charney
« Ce n’était pas une époque de transparence dans l’industrie du textile. On commençait à peine à entendre parler des conditions de misère dans les usines textiles. Dov Charney, au contraire, défendait les droits des travailleurs. […] Il nous a aussi poussés à davantage nous questionner sur la façon dont nos vêtements sont fabriqués », note M. Le Duc.
L’enfant terrible de la mode
Tantôt saluées pour leur audace, tantôt critiquées pour leur côté provocateur, les campagnes publicitaires d’American Apparel sont aussi restées dans l’imaginaire collectif, plusieurs ayant fait polémique.
Encore là, hors de question de faire comme tout le monde : Charney choisissait ses mannequins parmi ses employés de magasins qui posaient sans maquillage, généralement à demi-nues, et adoptaient des poses très suggestives, quasi érotiques.
Le documentaire montre d’ailleurs Dov Charney, en entrevue à ABC News, déclarer que « le sexe et la mode sont indissociables ».
« Le sexe était omniprésent, des boutiques au conseil d’administration », confie à l’écran un des ex-employés. En fait, l’entreprise se targuait d’encourager la liberté sexuelle.
Photo: Neflix
Dans l’usine d’American Apparel, les travailleurs derrière les machines à coudre — majoritairement des immigrants — étaient payés le double du salaire minimum.
Sauf que les limites étaient floues, voire inexistantes, de l’avis de plusieurs employés. Certaines ont déposé des plaintes de harcèlement sexuel contre le fondateur de l’entreprise au fil des années, lui reprochant notamment de se balader en sous-vêtements — et même nu — au bureau, de leur avoir offert des vibrateurs ou de les avoir forcées à lui faire une fellation.
L’avocate Toni Jaramilla explique dans le documentaire que de nombreuses plaintes ont été étouffées par des accords de confidentialité signés à l’embauche. Charney a toujours nié ces allégations.
Climat toxique
En plus de revenir sur ces faits troublants, le documentaire fait aussi état de la gestion toxique du grand patron d’American Apparel.
Au tournant des années 2010, les allégations se multiplient, et la marque vit des difficultés financières depuis la récession de 2008. Dov Charney s’en prend alors à ses employés, multipliant les attaques verbales. Le documentaire passe des extraits audio dans lesquels il traite certains de « crétins », d’« imbéciles » ou de « nuls », les tenant responsables des maux de l’entreprise.
D’ex-employés rapportent qu’ils les montaient les uns contre les autres et encourageait une compétition malsaine. Dov Charney donnait sa vie au travail et n’attendait rien de moins de son équipe, qu’il contactait les week-ends ou en plein milieu de la nuit.
En 2014, au vu des résultats financiers catastrophiques et des scandales qui se multiplient, le C.A. d’American Apparel a fini par évincer Dov Charney. La marque a fait faillite en 2015 et a été rachetée en février 2017 par l’entreprise montréalaise Gildan Activewear.
« Dov Charney, c’était ce Québécois aux belles valeurs qui a réussi à percer dans le milieu de la mode aux États-Unis. C’était un exemple de marketing, de créativité, de volonté, un cas d’école, qu’on ne peut plus citer après tous ces scandales », note Stéphane Le Duc. Lorsque la marque a fait faillite, la fermeture des boutiques au Québec n’a pas créé l’émoi. « Il y avait déjà un abandon de la marque depuis quelques années avec les scandales à répétition », ajoute le chargé de cours.
Quand bien même son fondateur aurait été blanc comme neige, le modèle d’American Apparel n’aurait pas fait long feu, à son avis. « Le défi aurait été énorme, il y aurait eu une nécessaire remise en question avec la compétition féroce de la fast fashion. […] Aurait-il fait le choix d’aller vers du haut de gamme finalement, ou bien de délocaliser une partie de la production en Asie ? » On ne le saura jamais.