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L’intelligence artificielle (IA) fait peur aux uns et fait rêver les autres. Les artistes de la scène ne font pas exception à cette réalité. Certains d’entre eux soulignent l’intérêt à explorer ses possibilités et ses dérives, mais pas à n’importe quel prix. Comment créer de façon éthique avec cet outil? Troisième texte d’une série sur les espoirs et les doutes face au potentiel créatif de l’IA dans les arts vivants.
Directeur artistique et général du théâtre Le Trillium, à Ottawa, Pierre Antoine Lafon Simard conçoit l’intelligence artificielle (IA) comme une matière, au même titre que la peinture. « On peut en faire des milliards de choses, et c’est aux artistes d’en faire des milliards de choses », juge-t-il.
En 2023, ce dernier a mis en scène la pièce Durant des années, dont la scénographie a été générée par IA. L’histoire racontait les péripéties d’une jeune femme qui s’improvisait journaliste en démarrant un balado documentaire criminel. Elle retournait dans le village de son enfance, qu’elle avait quitté des années auparavant.
« On trouvait intéressante l’idée de retourner dans la maison où vous avez grandi pour comprendre que les choses vous paraissent différentes. Pour chaque lieu du spectacle, je générais une série de centaines d’images sur le même thème, modifiées un tout petit peu chaque fois. J’utilisais aussi un autre algorithme, qui permettait de passer d’une image à l’autre de manière fluide, comme si elles fondaient les unes dans les autres. Les lieux se distordaient donc au fur et à mesure de la scène, comme les souvenirs du personnage », explique M. Lafon Simard.
Avec le centre Daïmôn, en Outaouais, il travaille présentement sur le projet Transitus Mariae, par lequel lui et Amélie Duguay comptent pousser une IA à créer des figures de Marie pour l’avènement du Dieu numérique en la nourrissant de mythes plus féministes que le mythe chrétien. « Les technologies vont et viennent, et c’est aux artistes de les prendre à bras-le-corps, de les retourner et d’en faire du beau », soutient-il.
Photo: Sylvain Sabatié
Une scène de la pièce «Durant des années», présentée par le théâtre Le Trillium en 2023
Des écueils non négligeables
Le metteur en scène comprend toutefois pourquoi l’IA fait peur aux artistes. Le milieu artistique québécois se mobilise d’ailleurs pour s’y adapter, déterminer les défis qu’elle pose et explorer des pistes de solutions. Six syndicats culturels organisent ainsi le 9 juin prochain à Montréal l’événement « Face à l’IA. Agir pour l’avenir de nos métiers ».
« La technologie avance plus vite qu’on est capable de légiférer sur elle. Et les artistes sont toujours parmi les premières victimes de l’iniquité sociale », croit M. Lafon Simard. Ils risquent de se faire piller leurs idées et leurs créations, comme on l’a vu avec la création d’images empruntant le style du studio japonais Ghibli.
Pour lui, c’est donc une règle d’or de ne pas voler des propriétés intellectuelles en cours de route. « Je ne lui dirais jamais, par exemple, d’écrire une Bible à la façon de Kev Lambert », donne-t-il comme exemple. Le créateur rappelle aussi que l’utilisation de ces technologies nuit à l’environnement. Et que ces dernières sont actuellement contrôlées et développées par des technocrates américains avides de profit. Pour lui, l’objectif est donc de n’utiliser l’IA que lorsqu’elle est assurée de servir l’œuvre, son histoire, son propos.
L’artiste Michal Seta croit aussi que la réflexion sur l’éthique et l’utilisation responsable de l’IA est fondamentale. Cofondateur de Lab148, il accompagne de nombreux artistes dans leurs projets numériques, immersifs et interactifs. « On favorise le recours à des systèmes autonomes — les plus locaux possibles, sur lesquels on a le contrôle — pour éviter de verser des données sur des serveurs qu’on ne connaît pas, dans d’autres pays », indique celui qui croit aussi qu’il faut s’abstenir d’une utilisation excessive de cette technologie.
Exposer les conséquences de l’IA
« L’IA est la technologie la plus disruptive qui va émerger durant ma vie, alors comment ne pas répondre à ça à travers mon travail ? Je crois que j’ai une responsabilité de ne pas me défiler par rapport à ces outils, même s’ils sont épeurants, de les interroger et d’exposer leurs conséquences », rapporte Mariel Marshall, artiste interdisciplinaire chez Bluemouth Inc., à Toronto.
Cette dernière dit avoir eu de la difficulté à dormir après avoir lu l’essai AI 2027, qui prédit que, dans les 10 prochaines années, l’IA aura des effets supérieurs à ceux de la révolution industrielle. Elle constate aussi qu’il est facile de développer une dépendance à ce qui peut ressembler à un deuxième cerveau, répondant à presque toutes nos questions en quelques secondes. Les thèmes à explorer sont donc nombreux et angoissants.
Mme Marshall a travaillé à l’élaboration de nombreux projets artistiques qui tirent profit de l’IA. Selon elle, l’artiste et son humanité peuvent se positionner au centre de ces œuvres. C’est notamment le cas de Lucy AI, une expérience multimédia présentée en mars dernier au Theater Center de Toronto. Elle est basée sur la vie de l’artiste Lucy Simic, qui a reçu en 2018 un diagnostic de cancer des poumons de stade 4. Un double numérique de Lucy a été créé par IA et entraîné à parler comme elle.
« Le public pouvait discuter avec cet avatar. Ces conversations déclenchaient des vidéos, de la musique, des morceaux de la mémoire de Lucy, explique Mme Marshall. Ça parle de communauté, de mortalité et de connexion. »
L’intelligence artificielle peut ainsi contribuer à des œuvres personnelles, émotives et fortes. Essentiellement humaines.