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Rédactrice et citoyenne engagée, l’autrice a enseigné la littérature au collégial et est présidente du conseil d’établissement d’une école primaire. Elle vient de publier « Raccommodements raisonnables » chez Somme toute / Le Devoir).
Monsieur et Madame Tout-le-Monde en arrachent, mais ce serait moins mauvais si, à cela, ne s’ajoutait pas une couche de mépris bien épaisse, étendue par la classe dirigeante. « Coaching » locatif, coupes « ésotériques » : le mépris atteint ces jours-ci des sommets, qui rendent la réalité d’autant plus douloureuse.
Comme plusieurs, je n’en peux plus, de cette lourdeur. Il me semble que chaque fois que je m’apprête à livrer un texte, le poids sur nos épaules pèse plus lourd. Il y a crise. Ou plutôt : il y a crises. Le pluriel est devenu nécessaire : crises du logement (et de l’abordabilité), de l’éducation, de la santé, climatique, des féminicides — j’en passe, et tout ça s’entrelace. La gestion de la Coalition avenir Québec (CAQ) a au moins le mérite d’être constante, tous ces dossiers ayant pour dénominateurs communs le manque d’écoute des personnes sur le terrain, l’entêtement à procéder malgré les dommages collatéraux — qui feront mal, le plus souvent, aux plus vulnérables —, le détournement cognitif, voire le mensonge. Pour employer la novlangue si chère aux technocrates : le mépris est une compétence transversale, dont la maîtrise gouvernementale est stratosphérique.
Coaching locatif
France-Élaine Duranceau n’en est pas à ses premières bourdes. En 2023, dans la foulée de l’annonce de l’abolition des cessions de bail, dernier recours du locataire pour freiner les hausses abusives de loyers, la ministre responsable de l’Habitation — qui agit comme si elle était d’abord ministre de l’Enrichissement des propriétaires — avait lancé son méprisant « Le locataire qui veut faire ça, qu’il investisse en immobilier ! » Aujourd’hui, les conséquences de ce changement, auxquelles s’ajoute la hausse de 5,9 % recommandée par le Tribunal administratif du logement (TAL) pour un logement non chauffé en 2025 (du jamais vu !), se font cruellement sentir. Le prix mensuel moyen d’un logement de deux chambres dans la grande région de Montréal est de 1930 $ ; une hausse de 71 % depuis 2019 ! À Sherbrooke et à Drummondville, les prix ont presque doublé durant la même période.
Avec un taux d’inoccupation de 1,8 %, au Québec, la situation est sous haute tension et la difficulté à trouver un chez-soi, encore plus un chez-soi à son budget, est de plus en plus répandue. La réponse de la ministre ? « Des fois, ça prend un peu de coaching pour se trouver un logement, pour bien se présenter devant un propriétaire et inspirer confiance. » Est-ce à dire que, dans la tête de la ministre Duranceau, les personnes qui peinent à se loger sont des guenillous mal sapés aux airs de Rita Bougon ? Les préjugés et les biais qui se cachent derrière ce commentaire sont immensément chargés ! La toute-puissance du Mépris Inc. à l’œuvre, qui croit que si nos affaires vont bien, c’est parce qu’on travaille fort et qu’on le mérite ; que s’en sortir est toujours possible avec un peu de volonté, un beau sourire et une poignée de main ferme.
Pourtant, pas besoin de regarder loin pour voir de multiples cas de figure et constater, comme l’a démontré l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS), que la difficulté à se loger peut être l’événement qui mène à certaines difficultés et non une conséquence de celles-ci. Mon humble fil Facebook en offre un échantillonnage très varié, de la mère monoparentale et sa fille qui doivent se reloger à la suite d’un incendie jusqu’à la famille nucléaire dont le nouveau propriétaire a repris l’appartement au rez-de-chaussée et qui est incapable de trouver un logement correspondant à son budget dans le périmètre de l’école des enfants.
Ce gouvernement constitué à 90 % de propriétaires (comme le révélait le Journal de Montréal en 2023) l’oublie trop souvent : se loger est un droit et, être stable, chez soi, est une importante variable de la santé globale (La Presse rapportait par exemple en 2021 qu’un homme de Verdun s’était suicidé après avoir reçu un avis d’éviction). Plutôt que de convenir que la situation est extrêmement difficile, de confirmer la construction de logements sociaux à brève échéance, de faire preuve d’empathie, la ministre Duranceau individualise le problème : si vous ne réussissez pas à vous loger, c’est de votre faute. Vous voulez qu’un propriétaire vous trouve désirable ? Laissez votre masque de pauvre à la maison (oups, vous n’en avez plus ?).
Coupes « ésotériques »
L’éducation est, elle aussi, malmenée ces jours-ci, avec les coupes d’au moins un demi-milliard de dollars annoncées. Les « choix difficiles » dont a parlé le ministre Drainville sont en train d’être faits. Ce qui passe à la trappe ici et là dans les écoles : l’aide alimentaire, les sorties culturelles, les orthophonistes, les techniciens en éducation spécialisée, les psychoéducateurs, les livres pour la bibliothèque et pour la classe, le programme « À l’école, on bouge ! », alouette, et cetera. Pour éponger en partie les pertes de financement avoisinant les 500 $ par élève, certaines écoles privées ont déjà envoyé des factures à leur clientèle.
Au public, certains parents ont reçu des lettres indiquant que leur enfant vivant avec un trouble du spectre de l’autisme serait changé d’école par manque de services ; le Centre de services scolaire de Montréal a annoncé jeudi couper le programme RÉCIT — le Service national de l’inclusion et de l’adaptation scolaire, et des professionnels se retrouvent sans emploi. Les directions dénoncent, les parents dénoncent, les syndicats dénoncent, mais plutôt que de faire face à la musique, François Legault, jouant avec les mots et usant d’une rhétorique comptable notamment démontée par l’IRIS, a dit « qu’il n’y a pas de coupes » et a qualifié les critiques d’« ésotériques ». Son gouvernement a de plus interdit aux organisations scolaires de présenter un budget déficitaire.
Du mépris, encore, doublé de détournement cognitif — encore ! Imaginons une situation semblable dans la sphère privée. Un homme, qui reçoit ses amis, a envie de tournedos cette semaine. Ils seront six convives en tout. L’homme donne 24 $ à sa femme, comme la semaine précédente, alors que les tournedos coûtaient 4 $ l’unité. Rendue à l’épicerie, problème : les tournedos sont 5 $ l’unité cette semaine. La femme peut donc seulement en acheter quatre et ramener le petit change… « Mais voyons, chérie, je t’ai donné autant d’argent que la semaine passée, tu dois absolument avoir six tournedos. » « Mais c’est impossible, ils étaient plus chers cette semaine », rétorquera la femme. « Je t’ai donné autant d’argent que la semaine dernière, ta gestion n’est pas responsable, t’es une incapable ! »
Absurde ? Violent ? Devant une scène semblable dans la vraie vie, on se dirait sans doute que la femme subit de la violence économique et du contrôle coercitif. Elle pourrait fuir, certes, mais n’a pas les moyens de se payer un loyer seule. Elle pourrait se tourner vers une ressource d’hébergement pour femmes violentées, mais celles-ci débordent et deux projets de construction viennent d’être annulés, malgré les recommandations du coroner pour contrer la vague de féminicides. C’était sans doute trop cher la porte.
Il n’en tient qu’à sa bonne volonté, elle pourrait aller frapper à la porte d’une ressource existante, sourire et tendre une poignée de main bien ferme pour qu’on lui fasse une place. Quand on veut, on peut, non ? Si les graves conséquences de la gestion néolibérale de notre gouvernement n’ont rien d’ésotériques, on pourra bientôt sortir nos planches Ouija pour « channeller » le spectre de la CAQ, morte étouffée dans son mépris et ses mensonges.
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