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Raphaël Quenard avait prévu de sortir son premier roman, « Clamser à Tataouine » (Flammarion) sous pseudonyme, des fuites l'ont toutefois poussé à assumer sa prose. Et puis, sous le nom de Pierre Tchiche, débarrassé de son identité d'acteur à succès, cette parodie de polar serait passée inaperçue… S'il est désopilant et parfois surécrit, le produit fini est pourtant loin d'être détestable.
Raphaël Quenard qui publie un premier roman chez Flammarion : le jeu nous paraît quelque peu truqué. Dans le plus naïf (ou cynique, c’est selon) des cas, le primo-romancier en question est encensé, les médias lui déroulent le tapis rouge, évoquent son style percutant et son sujet qui dérange (un loser qui, après avoir raté son suicide, se reconvertit en tueur en série : une parodie de polar). Dans tous les autres, Quenard s’en sort difficilement. Un regard averti sur la constante tentative de l’acteur fétiche de Quentin Dupieux pour se placer en marge afin de mieux appartenir aura tôt fait d’imprégner notre lecture, laquelle nous entraîne de crime en crime à la recherche de son effet de manche.
« C’est l’histoire d’une misandrie qui faisait qu’une misanthropie prenait l’apparence d’une misogynie » … À force de vouloir faire de chaque phrase un hymne à l’absurde, de construire chaque chapitre comme s’il était indépendant d’un tout, l’auteur prend le risque de nous lasser avec la volonté de coller au cliché de l’entrée fracassante en littérature. Le soufflé pourrait retomber à plat… Ce n’est pas (totalement) ce qui se passe, car il faut tout de même reconnaître un aspect jouissif à ce récit bukowskien sur les bords, servi par un humour macabre, et à cette sophistication dans la liberté de ton.
Humour vache
« La société doit s’acquitter de ce mal-être dont je la tiens responsable », affirme notre clampin en vadrouille à travers le mille-feuille des classes sociales de France et de Navarre, de la femme de footballeur à la SDF en passant par la jeune active ou la caissière. Un personnage inquiétant mais pas antipathique qui usera du couteau, du poison, de la chute (du haut d’une terrasse puis d’une falaise) et des coups, bref de tous les moyens pour avoir raison des femmes qu’il agresse. À l’heure de la prise en compte des enjeux systémiques du féminicide, Quenard ose le roman amoral, hors du champ des valeurs, du discours de la sentence, la rage et le désespoir portés seuls en bandoulière par son antihéros. Du foutraque, il extrait du sens.
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Avec Clamser à Tataouine, l’acteur désormais romancier affirme que la littérature n’est pas un programme politique et qu’elle ne donne aucune direction, juste qu’elle s’évertue à rendre compte de ce qui se passe et de ce qu’on vit – c’est sur ce point précis, celui du refus du dogmatisme, de cette exigence de coller à l’âme, que l’on perd beaucoup de monde en chemin, aujourd’hui plus encore qu’hier (déjà dans sa Correspondance, Flaubert évoquait « cette haine de la littérature » dont faisaient montre ses contemporains, il n'avait encore rien vu). Ainsi, de cette fable sans logique, à la fin inattendue, faudra-t-il attendre seulement la peinture à vif de la condition humaine en proie à l’ennui, sanglée jusqu’au malaise par l’idéologie de la performance, mais qui parvient rageusement à s’en dégager. N’est-ce pas déjà quelque chose ?
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Le roman de Raphaël Quenard est-il un juron proféré par un gentleman ou bien est-ce un cantique échappé de la bouche d’un bandit ? Une chose est certaine, il affirme avec des mots choisis et un humour vache la victoire de la vie sur le bien et le mal, celle de « ce satané besoin de prouver, ce satané besoin d’exister ». On lirait toutefois Clamser à Tataouine avec d’autant plus de délectation si son auteur était un parfait inconnu, sans préjuger des intentions de tous ceux qui ont permis l’existence du livre et veulent assurer son succès grâce au nom sur la couverture.
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Clamser à Tataouine, de Raphaël Quenard, Flammarion, 180 pages, 22 €.