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Catherine van Offelen : «Les Français sacrifient la Liberté sur l’autel de l’Égalité»

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FIGAROVOX/TRIBUNE - Les libertés régressent à mesure que la France est consommée par la bureaucratie et la quête d’une égalité absolue, regrette la chroniqueuse. Si Tocqueville avait déjà alerté sur ce risque, elle estime que, face aux injonctions à bien penser, l’ironie peut sauver les Français.

Catherine van Offelen est diplômée de l’Université libre de Bruxelles et du King’s College London. Elle vient de publier Risquer la prudence. Une pratique de la sagesse antique (Gallimard). 


Dans le classement mondial de la liberté de la presse, publié le 2 mai dernier par l’ONG Reporters sans frontières, la France a perdu quatre places, devenant 25e sur 180. L’indépendance des médias, la liberté de débattre et de publier s’érode face à l’augmentation du pouvoir du réseau social, à l’atomisation de la société et aux modes déconstructivistes. La France n’est pas la seule dans ce cas. Trente ans après la chute du mur de Berlin, censée assurer le triomphe universel de la démocratie libérale, celle-ci est dans un état de recul inédit dans le monde. Le XXIe siècle sera-t-il celui de l’abandon progressif des libertés ? Les temps se crispent-ils ?

S’il est un symbole incarnant l’idéal de la culture française, c’est pourtant celui de la liberté. Le pays des Lumières lui érigea une statue colossale (quoique creuse), offerte à l’Amérique. Le mot est gravé sur le fronton de toutes les mairies, célébré par les peintres, les poètes, scandé dans les chansons populaires comme dans l’hymne national. Liberté de penser et de manifester, de croire ou de ne pas croire, de caricaturer ou d’écrire… Il semblerait presque que l’Histoire de France, sous les 80 rois et les 5 Républiques en passant par l’Empire et le chapelet de Révolutions, fut le grand itinéraire qui mena vers l’acquisition de cette vertu suprême. De Gaulle le répétait : «Il y a un pacte vingt fois séculaire entre la grandeur de la France et la liberté du monde.» La liberté guidant le peuple de Delacroix, emblème de la République, aurait pu s’appeler La liberté guidant le monde.

Mais la France est aussi, paradoxalement, l’un des pays les plus attachés aux règles de son administration tatillonne. Les Français aiment la liberté… mais ils préfèrent l’État. Le zèle bureaucratique est une passion française qui a accouché d’un impressionnant mille-feuille normatif. Le geste le plus insignifiant se voit codifié, organisé, cadastré. Montaigne, déjà, affirmait que «nous avons en France plus de lois que le reste du monde ensemble». Le pays aux 365 fromages est devenu celui des 400 000 normes, ce qui classe la France au deuxième rang mondial des pays où la bureaucratie est la plus touffue, après le Brésil.

Il est possible que les Français n’aiment pas la liberté autant qu’ils le prétendent. Ce mot a étrangement disparu du débat public. C’est que le pays a un autre totem : l’Égalité.

Catherine van Offelen

La Belgique que j’ai quittée n’est pas en reste de liberté. Dans le petit royaume, cette vertu règne mais n’a jamais alimenté de manière tonitruante le discours officiel. C’est l’une des différences entre la France et mon pays d’origine : outre-Quiévrain, on agit modestement avant de discourir ; en France on croit que les mots entraîneront les actes. Ainsi La Belgique servit-elle de refuge pour d’illustres Français persécutés. À la suite du coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte en 1851, de nombreux proscrits (dont un certain Victor Hugo) prirent le chemin de Bruxelles. Les Châtiments ou Les Contemplations y parurent pour la première fois. La ville abrita les amours scandaleuses de Verlaine et Rimbaud, Alexandre Dumas fuyant ses créanciers, ou Baudelaire, censuré en 1857 pour avoir publié son recueil Les Fleurs du mal . Nombre de spectacles jugés trop novateurs et refusés par l’Opéra de Paris se créèrent au Théâtre de la Monnaie. Gérard de Nerval écrivait : «Bruxelles est la lune de Paris». Elle est en fait sa casemate.

Il est possible que les Français n’aiment pas la liberté autant qu’ils le prétendent. Ce mot a étrangement disparu du débat public. C’est que le pays a un autre totem : l’Égalité. Dans De la démocratie en Amérique, Tocqueville avait prophétisé que les démocraties perdront en liberté ce qu’elles gagneront en égalité. Les Français acceptent le sacrifice de la première sur l’autel de la seconde. Autrement dit, ils tolèrent d’être ligotés si leurs voisins sont logés à la même enseigne. La devise républicaine est une contradiction dans les termes.

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Les détracteurs argueront que de nouvelles libertés métaphysiques sont apparues : celle de changer de sexe ou de concevoir un enfant avec une GPA. Bientôt, promettent les seigneurs de la tech, nous abolirons la frontière ultime : celle de la mort. Mais ce que Tocqueville appelle les «petites libertés», elles, se réduisent. Un «réseau de petites règles compliquées, minutieuses et uniformes» enjoint aujourd’hui à ne pas fumer, à ne pas rouler trop vite, à manger comme ceci et à parler comme cela. Ces injonctions semblent anecdotiques. Elles touchent pourtant à l’essentiel. Car, qu’est-ce qui fonde la substance d’une vie, sinon une somme de petites joies ordinaires ? L’existence est d’abord une fête de l’insignifiance, pour paraphraser Kundera. L’intrusion insidieuse du sceptre public dans la patrie privée en ôte progressivement le charme pour l’enrégimenter comme une entreprise au nom du confort et de la sécurité. C’est ce qui fait dire à l’anthropologue David Graeber dans Bureaucratie (Les liens qui libèrent, 2015), non sans provocation, que le paysan vivant sous Louis XIV était peut-être plus libre que le citoyen moderne d’un pays développé. Si les régimes monarchiques étaient arbitraires, les restrictions de liberté n’étaient pas aussi systématiques. On y jouissait de moins de droits, mais de plus de pouvoir concret, donnant la capacité de prendre en main ses propres affaires et d’agir localement sur la vie collective.

La liberté prend l’eau de toute part, dans la quasi-indifférence. On a envie de dire, pour parodier Churchill : «Vous avez renoncé à la liberté pour avoir la sécurité. Vous perdrez la liberté et la sécurité» ! En 2022 sont apparues les autoroutes en «flux libre», où les péages sont remplacés par des portiques avec des caméras. L’identification est désormais systématique : un pas de plus vers la fin de l’anonymat dans l’espace public. De même, les caméras intelligentes expérimentées pendant les Jeux olympiques de Paris 2024 se généralisent sans que personne n’y trouve à redire, par crainte des attentats.

La liberté est le collectif, disent les Anciens. Elle concerne ma sphère individuelle, disent les Modernes. Le citoyen ne pesant plus dans les affaires directes de la Cité, il cantonne sa liberté à ses satisfactions personnelles

Catherine van Offelen

Mais de quelle liberté parlons-nous ? L’écrivain Benjamin Constant observe que les Anciens appelaient liberté le partage du pouvoir politique entre tous les citoyens d’une même patrie, alors que les Modernes nomment liberté les garanties accordées par les institutions à la sécurité dans les jouissances privées. La liberté est le collectif, disent les Anciens. Elle concerne ma sphère individuelle, disent les Modernes. Le citoyen ne pesant plus dans les affaires directes de la Cité, il cantonne sa liberté à ses satisfactions personnelles. À mesure que cette sphère privée s’étend, chacun exige des garanties supplémentaires de protection. D’où l’inflation de mesures sécuritaires. «La sécurité, première des libertés», plastronnait Emmanuel Macron en 2017. Contre la vie libre, la vie tranquille. Après tout, «on vit tranquille aussi dans les cahots», écrit Rousseau.

Quand la liberté est menacée, une nation possède un dernier recours : l’ironie. Les Français y ont excellé, de Molière aux chansonniers, de Voltaire à Desproges. Ironiser c’est combattre sans arme, s’opposer sans abattre, critiquer sans écraser. L’ironie présente un miroir aux dogmes religieux, politiques et sociaux, aux modes et poncifs du moment et c’est leur grimace qui s’y reflète. Grâce à l’ironie, la pensée respire plus librement. Elle nous dit : «Jugez par vous-mêmes !» Avis aux cœurs mélancoliques qui trouvent la liberté en recul actuellement : même un État pléthorique et une société fragmentée composée d’offensés prêts à tout censurer ne pourront s’en prendre à l’ironie. Aucune main de fer ne peut saisir la salamandre vif-argent qui atteint sa cible en ondoyant comme l’éclair. Proudhon confirmait : «Ironie, vraie liberté !».

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