Ces leçons, Dominique Durand, CEO de Carré Blanc, cette enseigne de linge de maison de qualité bien connue en France, les a apprises lors de son parcours de tennis-études, alors qu'il avait rejoint le centre national d'entraînement de Roland-Garros (reprenant les meilleurs espoirs français). Et il les a appliquées depuis dans sa vie professionnelle. "À aucun moment, je ne m'étais dit que le tennis allait être mon métier, c'était une passion, mais j'aimais gagner…"

À 17 ans, il est gravement blessé au dos. Rebelote un an plus tard. Du jour au lendemain, il décide d'arrêter. Il va bientôt entrer à l'École supérieure de commerce de Saint-Etienne, pas loin de Lyon. Spécialisation : marketing. "J'y découvre la vie des gens de mon âge, j'apprends à faire la fête", sourit ce natif de Brest dont les parents ont déménagé à Lyon quand il avait 6 mois.

Une marque engagée

Mi-mai, Dominique Durand était à Bruxelles pour célébrer l'ouverture, en franchise, d'un premier magasin, en octobre, Galerie de la Toison d'Or, et le lancement du nouveau site web dédié au marché belge. Ou plutôt la réouverture puisque, au milieu des années 2010, l'enseigne française avait compté jusqu'à cinq points de vente en Belgique. Ils ont tous fermé, le dernier en 2016.

Et c'est précisément en janvier 2016 que l'ancien tennisman, reconverti depuis avec plaisir dans le padel, débarque chez Carré Blanc. Sa première tâche : faire évoluer la marque et retravailler ses valeurs. "Carré Blanc est une marque humaine, singulière et engagée." Dominique Durand y tient beaucoup. "Quand j'ai commencé ma carrière, personne n'avait conscience des enjeux écologiques. Comme dirigeant de Carré Blanc, j'avais envie de participer à ce mouvement RSE (responsabilité sociale des entreprises), cette transformation responsable. Je voulais faire partie des gens qui agissent. Ce qui est plus difficile quand on est associé à des fonds financiers…"

"Idéalement, il aurait fallu que je rachète leurs parts au capital mais je n'en avais pas les moyens…, reprend-il. Et à ce moment, je reçois un coup de fil d'Yves Marchand, qui était patron d'Adidas France quand j'y ai travaillé dans le marketing pour les sports de raquette. Mon 'père professionnel' m'appelait ainsi tous les deux ans pour savoir ce que je voulais faire quand je serai grand…"

En quelques jours, l'affaire est conclue. Le Suisse reprend la grande majorité du capital, Dominique Durand, le solde. "On s'est offert cette liberté formidable de mener un projet engagé." Nous sommes le mercredi 23 février 2022, la veille de l'invasion russe en Ukraine. "L'Ukraine était notre plus gros pays à l'export avec 12 boutiques… Il en reste une dizaine, nos partenaires sur place sont extraordinaires !"

Carré Blanc sur fond (de brique pilée) rouge

Aujourd'hui, la marque est clairement rénovée et peut donc se déployer à l'international, à son rythme. "L'export compte pour 10%. L'idée est d'être un peu plus présent en Europe et nous avons aussi des projets au Moyen-Orient. Mais rappelons que Carré Blanc est une entreprise d'un peu moins de 50 millions d'euros de chiffre d'affaires, qui a une forte notoriété en France (109 boutiques dont 45 en propre) mais la taille d'une PME. Nous travaillons déjà avec le Canada et l'Asie n'est pas, pour l'instant, dans nos plans car si on travaille à la fois pour tous les continents, on ne dort plus…", dit, avec humour, le CEO.

"Notre chiffre d'affaires de 2024 est stable par rapport à 2023 mais supérieur à celui d'il y a 9 ans, quand je suis arrivé, poursuit le responsable. Il avoue : "Le retail, ce n'est pas facile en ce moment avec l'explosion des coûts de production : énergie, matières premières, salaires".

"En Belgique, l'idée est d'aller jusqu'à 4 ou 5 boutiques en plus du site d'e-commerce, précise Dominique Durand. Il faut être ambitieux mais il faut aussi bien faire les choses."

Pour l'heure, Carré Blanc profite d'un exceptionnel coup de projecteur car ce sont ses serviettes de tennis qui sont utilisées à Roland-Garros. "Carré Blanc est le fournisseur officiel de la serviette Roland-Garros depuis 22 ans, le produit le plus vendu sur le site et le plus visible sur le court", conclut celui qui va chaque année Porte d'Auteuil : "Parce que c'est ma famille".

"Il faut acheter des choses qui durent"

Carré Blanc emploie un peu plus de 200 salariés. La marque, fondée à Roanne, près de Lyon, en 1984, propose du linge de lit, de bain et de table. Carré Blanc fait fabriquer ses produits en France, au Portugal, en Turquie et 12% dans une usine pakistanaise : "C'est la meilleure usine de linge de lit du monde, s'exclame Dominique Durand. Nous n'avons plus de production en Chine. Nous favorisons les pratiques de production éthiques et durables. Nous aidons par exemple nos fournisseurs à réduire leur consommation en eau. Plus de 20% de nos collections sont bio Gots (label international de textile biologique et écologique) et la traçabilité est complète et va au-delà des obligations légales." Le patron d'insister : "Si on veut laisser une planète décente à nos enfants, il faut respecter l'être humain et la planète. Il faut acheter des choses qui durent. Chez Carré Blanc, 60% des ventes sont liées à des intemporels." Et un peu plus d'un produit vendu sur cinq est personnalisé, de l'inscription brodée sur un peignoir à la parure de lit en un seul exemplaire. Enfin, Dominique Durand est le seul homme (sur sept) du comité de direction, "et encore, je m'appelle Dominique !"

Dominique Durand en quelques dates:

24 mars 1971 : naissance de Dominique Durand à Brest.

1985: il est champion de France de tennis en catégorie minimes simple et double.

1994: il travaille pour Adidas pendant 6 ans avant d'intégrer le groupe familial français Zannier pour s'occuper de la marque Z et ensuite Catimini (mode enfantine), puis Captain Tortue Group (vente à domicile de vêtements pour femmes et enfants) détenu en majorité par le fonds d'investissement de LVMH, LCapital (devenu LCatterton).

2016: il est nommé PDG de Carré Blanc.