Issa Tchiroma Bakary démissionne du gouvernement camerounais ce 23 juin 2025, créant un véritable séisme politique à quatre mois de la présidentielle d’octobre. Le ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle a officiellement remis sa lettre de démission au Premier ministre Joseph Dion Ngute, marquant la fin spectaculaire d’une alliance de 33 ans avec le régime Biya. Cette rupture historique bouleverse l’échiquier politique camerounais et pourrait redistribuer les cartes dans le Nord.

Rupture définitive avec Paul Biya après 33 ans de fidélité

Cette démission d’Issa Tchiroma Bakary intervient après que le ministre ait refusé de soutenir une nouvelle candidature du président Paul Biya. Une position qui marque un tournant radical dans son parcours politique exceptionnel.

Selon des sources concordantes citées par Jeune Afrique, Joseph Dion Ngute a pris acte de cette déclaration mais a refusé de l’entériner, rappelant que seul le président Paul Biya est habilité à révoquer un membre du gouvernement.

Cette procédure inhabituelle souligne l’ampleur du choc provoqué par le départ d’Issa Tchiroma Bakary du gouvernement camerounais. Le président du Front pour le Salut National du Cameroun (FSNC) devrait officialiser sa décision lors d’un déplacement à Garoua, son fief politique.

La scène politique camerounaise est secouée par ce coup de tonnerre. Issa Tchiroma Bakary, ancien ministre de la Communication et actuel ministre de l’Emploi, connu pour son soutien indéfectible à Paul Biya, a lâché une bombe politique lors d’un meeting en langue fulfulde.

Déclarations controversées qui ont précipité la crise

Dans une vidéo devenue virale, Issa Tchiroma Bakary avait porté des critiques béantes contre le régime de Yaoundé en dénonçant notamment les difficiles conditions de vie. Ses propos ont créé une polémique majeure au sein de la majorité présidentielle.

« Seule votre prise de conscience peut vous protéger de cette calamité. Même si c’est moi Tchiroma qui vous dit demain de voter pour les responsables de vos malheurs, considérez-moi comme votre ennemi », avait-il déclaré selon nos sources.

L’analyste politique Hervé Emmanuel Nkom a réagi vivement : « Après cette déclaration, le minimum, serait qu’Issa Tchiroma Bakary, ne soit plus dans le gouvernement. Vous ne pouvez pas être à l’intérieur et à l’extérieur ».

Ces sorties publiques ont créé une situation intenable pour le ministre qui ne pouvait plus assumer ses fonctions gouvernementales tout en critiquant ouvertement le système.

Parcours politique exceptionnel : de l’opposition au sommet de l’État

Issa Tchiroma Bakary, né vers 1949 à Garoua, est un ingénieur ferroviaire qui a connu un parcours singulier. Emprisonné de 1984 à 1991 après le putsch manqué, il rebondit dès sa sortie grâce à une amnistie.

Son parcours ministériel impressionnant s’étale sur trois décennies :

• Ministre des Transports (1992-1996)
• Ministre de la Communication (2009-2019)
• Ministre de l’Emploi et Formation professionnelle (2019-2025)

En 2021, il avait été intronisé notable supérieur du lamidat de Garoua, renforçant son influence politique dans la région du Nord. Cette fonction honorifique faisait de lui « un homme clé du dispositif du nouveau lamido de Garoua ».

Crise interne au FSNC et pressions multiples

La démission d’Issa Tchiroma survient alors que son parti traverse une crise majeure. Un collectif de conseillers municipaux l’invite à « bien vouloir convoquer un congrès à l’effet de libérer le plancher et de laisser le parti en l’état ».

Les reproches sont nombreux : perte d’une commune lors des dernières élections, désintérêt pour les activités du parti, influence excessive de son épouse sur les décisions politiques.

Le parti de Issa Tchiroma enregistre des démissions répétées dans son fief du Nord. En avril 2021, une vingtaine de militants ont rejoint la sous-section du RDPC, affaiblissant considérablement sa base électorale.

Impact sur la présidentielle d’octobre 2025

Cette démission retentissante d’Issa Tchiroma Bakary du gouvernement camerounais redistribue les cartes à quatre mois de l’élection présidentielle. Le président du FSNC avait déjà pris ses distances en déclarant : « Je ne suis pas un dictateur. Je demande à tous les militants du FSNC de choisir librement leur candidat ».

Le septentrion camerounais semble aujourd’hui à la croisée des chemins. Les velléités de candidature exprimées par certains alliés régionaux de Paul Biya pourraient changer la donne.

L’audience accordée récemment à Issa Tchiroma par l’ambassadeur de France au Cameroun continue de susciter interrogations et spéculations sur une possible ingérence étrangère.

Conséquences pour l’équilibre politique camerounais

La démission d’Issa Tchiroma Bakary représente un coup dur pour le RDPC qui perd un pilier de la mobilisation dans l’Extrême-Nord. Cette région constitue traditionnellement un réservoir de votes important pour le parti au pouvoir.

D’autres départs sont attendus dans les rangs gouvernementaux, créant une dynamique de contestation interne inquiétante pour l’équipe dirigeante. Cette défection majeure pourrait inspirer d’autres ministres originaires du Nord à reconsidérer leur position.

L’ancien porte-parole du gouvernement devient ainsi le symbole d’une contestation interne qui pourrait redessiner la carte politique camerounaise à l’approche des échéances électorales cruciales.

Cette démission historique marque-t-elle le début d’une recomposition politique majeure au Cameroun ?